2022, mon vieux Platon, nous y voilà, et rien de ce que tu disais n’a changé. Nous sommes toujours dans une caverne, à gribouiller sur les murs des vérités qui nous arrangent. Des vérités pour expliquer le monde, les événements, pour nous conforter, nous réconforter, autant qu’il est possible de le faire avec les bribes qu’on nous jette. Les restes, les miettes, comme à des chiens sous la table d’un banquet.
Les grands de ce monde ? Ils ne se salissent toujours pas les mains. Leur priorité reste immuable : conserver leur avantage, préserver leur belle image, arroser leurs profits avec la sueur et les larmes des autres. Et de ce terreau, tout découle : l’école, l’usine, le bureau, le bureau de placement, l’EHPAD, le crématorium, et ces petites urnes dont le contenu est dispersé à tous vents.
Nous sommes dans l’ère des simulacres. Même le film Matrix ressemble à un conte de fées à côté de la réalité. Tout ce qui nous reste, c’est un fantôme : un fantôme de rêve, un fantôme de liberté. Un espoir aussi ténu que la racine de la dernière dent que j’ai perdue en mordant dans mon pain dur.
Il faut 21 jours pour que le souvenir d’un membre amputé s’estompe. Que la cervelle, enfin, soit au diapason de l’absence. 21 jours à voir passer de la viande rouge comme Tantale regardait l’eau. Et ensuite ? On passe joyeusement à la purée.
Dans 21 jours, nous en serons où ? Encore vacillants ? Encore à nous demander ce qui a bien pu se passer ? Vacillants, hésitants, et à faire appel à des experts pour nous dire quoi penser ?
Le cadre ne tient plus la route. Aucun cadre ne peut supporter autant d’ineptie.
Alors moi, je vais m’adapter. Je ne monterai plus mes toiles sur châssis. Je les roulerai dans des tubes et les enverrai ainsi à mes collectionneurs. Pas de frais de port, pas de cadres, pas de contraintes. Ils les monteront sur châssis ou pas, comme bon leur semblera.