si nos raisons sont des figures, ainsi que le dit Joubert, elles sont remplaçables par d’autres, et le dialogue consiste moins à imposer la « vérité » qu’à proposer une meilleure mise en forme du vrai. Pour écrire comme pour enquêter, la bonne question devient alors : quelle figure donner à ce que je cherche à comprendre —et qu’est-ce que cette figure occulte ou révèle ?
Cette page d’accueil du site ne me plaît plus autant. J’ai pris une feuille de papier et j’ai dessiné ce qui me paraît être plus proche de la réalité de tous ces textes. Des blocs qui se cotoient, parfois peuvent se regrouper sur un thème, un mot-clé. Ce qui me rappelle une phrase que F. m’avait dit et que j’avais crû comprendre à propos de SPIP : —« ce sont des briques ». Ce qui se traduit concrètement par des inclusions, par la confection de cartes par rubrique, par sous-rubrique, par mot-clé, etc. Ensuite je mesure le temps que je pourrais passer à trifouiller encore le code au dépens de ce que je pourrais écrire. Et je chiffonne la feuille, la jette à la corbeille. Mais je conserve cette idée : la page d’accueil d’un site est aussi difficile à trouver que la première page d’un livre. Et encore je vois les deux pages et je me dis —reste simple.
La simplicité est sans doute la qualité que j’ai fuie le plus souvent dans ma vie, parce qu’elle est sans doute la plus proche, proche jusqu’à l’insupportable. Mais il semble que le temps qui passe aide à mieux supporter.
Cette vanité, cette prétention, fatuité que je détecte systématiquement en moi et souvent en miroir chez l’autre, c’est la simplicité qui s’insurge de ne pas être acceptée.
En peinture peindre des fleurs, des paysages, des arbres, un visage, ce n’est pas si simple et pourtant ça l’est, mais après bien des complications.
Ce qui est simple, tellement, c’est se jeter dans l’écriture, dans la peinture. C’est justement parce que ce l’est que je ne le fais pas assez.
Lecture de Simenon : Le prétexte de l’histoire, que révèle t’il ?
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Un crime pour ouvrir l’humain.
Le meurtre n’est pas une fin mais un levier : il force les personnages à se dévoiler (honte, jalousie, fatigue, désir). Le polar sert d’épure psychologique. -
Le milieu comme cause.
Fécamp, les Terre-Neuvas, le bord : conditions rudes, hiérarchie, manque de sommeil, promiscuité. Chez Simenon, le cadre social et matériel presse les êtres et “explique” plus qu’une thèse morale. -
Compassion avant morale.
Maigret cherche à comprendre, pas à condamner. Le commissaire incarne l’humanisme froid de Simenon : laisser la justice faire son œuvre, mais réparer silencieusement quand on peut. -
La honte comme moteur.
Honte sociale et sexuelle, secrets de cabine, dignité blessée : c’est la matière noire des romans de Simenon. Elle déplace plus sûrement l’action que la haine. -
Le groupe contre l’individu.
Un équipage = une micro-société, avec ses codes et son omerta. Simenon aime ces huis clos (navire, hôtel, immeuble) où l’on voit comment le groupe fabrique les actes de chacun. -
L’évidence concrète plutôt que la psychologie
Objets, odeurs, gestes (verres sur le marbre, sel sur les vêtements) valent diagnostic. Simenon montre ; il commente très peu. Le réel parle. -
Une intrigue mince, une densité forte
Fil simple, scènes courtes, dialogues nets : la tension vient de la pression du milieu et du non-dit, pas des surprises de scénario. -
Le sexe, la fatigue, l’argent — sans lyrisme.
Trio simenonien constant, traité comme des faits (besoin, manque, arrangement), jamais comme motifs romantiques. -
Maigret comme prisme éthique.
Regard patient, corporel (manger/boire/fumer/marcher), attention aux détails : c’est la méthode “anthropologue” de Simenon, plus que “détective-puzzle”. -
La fin par détail, pas par sentence.
Clôtures discrètes : un geste, une image, une porte qui se referme. Le lecteur conclut — Simenon s’abstient.
En somme, l’histoire de Fécamp révèle la signature simenonienne : un réalisme sensuel et sans cruauté, où le crime est l’occasion d’examiner ce que le monde fait aux gens — et ce que les gens font pour rester debout.