30 octobre 2025

J’ouvre les yeux. Quelques secondes durant, le monde est neuf, propre, étincelant comme au premier jour. Puis quelqu’un ricane de ce que j’écris, et tout redevient terne, sale, puant. La petite vengeance de l’ordinaire sur l’intact. Le sacré.

Se lever avant que l’une des trois gunas ne décide de sa victoire. Direction le café. J’ai pris un somnifère, au radar, pause, et je croise les doigts.

Effectivement, il fait gris. Mais ça peut ne pas durer.

La chatte réclame. Plaisir du rythme indéfectible des estomacs.

Sinon, peu de choses à dire qui puissent intéresser « le monde ». Il est même possible que, bientôt, très bientôt, tous les carnets rejoignent leur anonymat primordial.

En parcourant de nombreux sites hier : personne n’étale ses états d’âme comme moi. Je dois être une sorte de monstruosité, une anomalie littéraire. Je suis même étonné qu’on ne soit pas encore venu me tuer.

À mort le boomer !

Tout ce que j’espère, c’est que l’autre côté ne soit pas exactement semblable à celui-ci. Parfois j’y pense. Je pense même qu’on peut mourir sans même s’en rendre compte. Pas tout de suite.

Et puis, au bout d’un certain laps de temps, on assiste à une sorte d’absurdité généralisée, de plus en plus d’anomalies surgissent, et l’on comprend que quelque chose s’est produit. Difficile alors de géolocaliser notre position... Enfer, purgatoire. Tout ce que l’on peut dire, c’est que ça n’a pas l’air d’être paradisiaque.

Carnets | octobre 2025

31 octobre 2025

Impression d'accélération du rythme enthousiasme/dépression, mais je regarde ça de manière détachée, ce qui est assez inconfortable. Comme si je ne pouvais plus reprendre la main, observer seulement et patienter, attendre que ce rythme ralentisse. Ce qui procure une sensation bizarre d'être balancé contre les murs de la pièce dans laquelle je me trouve, que ce soit dans le bureau, dans l'atelier, dans la cuisine. À moins que ce texte ait besoin de débuter ainsi, par cette image. Car, dans le fond, derrière cette image, il pourrait y en avoir mille autres. J'imagine bien volontiers être battu, roué de coups, bringueballé par des gens ivres, cogné et recogné… sans pour autant broncher, les observant ainsi faire sans pouvoir agir, sachant pertinemment qu'il ne servirait à rien d'agir, sauf à envenimer encore plus les choses. Non, je regarde, je vois tout, je n'en loupe pas une seule miette. Cela pourrait se produire dans une prison, sur un champ de bataille, au pensionnat… Le point commun est quelque chose d'inscrit dans l'étroitesse de leur front. L'implantation basse de leurs cheveux, leurs regards hallucinés : ce n'est pas moi qu'ils rouent de coups, c'est eux-mêmes. Ils n'en ont aucune conscience. Et à cet instant, le silence atteint un degré extraordinaire. Aucun cri, aucune récrimination de ma part. Je m'enfonce dans ce silence comme dans un havre de paix en plein centre du cyclone. Tout le monde voudrait certainement agir. Quand je discute avec les quelques personnes que je croise, elles sont ulcérées. Il va falloir que ça change, disent-elles, puis soudain, interruption, et surgit un propos décalé comme : "Il faut vite que j'aille acheter le pain avant que ça ferme." Ou encore ça parle de sport, de tout, de rien. Puis le rictus revient, comme une ombre dans le regard. Il va falloir que ça change. Bonne journée. Ce n'est pas une critique de ma part. Je pense faire de même. Tenter de temporiser la rage, l'écœurement, le dégoût. Quand cela devient trop intense, j'entre en catalepsie, je me concentre sur une aspérité d'un mur, je m'introduis dans la moindre fissure, le moindre orifice, je m'enfouis. Bien que j'aie chargé tous les flux dans Feedly, que j'aie exporté l'OPML, que j'aie créé une page pour pouvoir déposer la liste des sites suivis en Markdown, je me refuse à la mettre en ligne. Au final, quelle intention se cache derrière cela ? Je n'en sais rien. J'ai l'URL et je peux l'entrer moi-même dans la barre de navigation. C'est plus rapide que les favoris ? Je ne sais pas. Je continue à publier sur Mastodon et Seenthis, je dépose mon post et je m'en vais, je ne cherche même plus à suivre le flux. De temps en temps, un message auquel je réponds, mais souvent via messagerie ou en privé. S'exposer à la fois entièrement et très peu est encore une sorte de paradoxe. Mais je crois que c'est surtout la peur de perdre du temps qui me fait agir ainsi. Et aussi le déjà-vu. La peur d'un certain ennui. Ce soir, tandis que je m'assoupissais devant un article de blog, j'ai eu une vision de rats serrés les uns contre les autres dans une presque obscurité. Je n'avais pas peur, j'étais seulement étonné d'être là, rat parmi les rats. Je pense que la chaleur humaine, si je puis dire, n'est pas l'apanage de sapiens.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

29 octobre 2025

Je ne dors toujours pas. Il est bientôt trois heures. J’ai pu ôter mon pansement. Toujours aucune douleur, ça cicatrise bien. Néanmoins il faut s’abstenir de porter des charges lourdes. J’ai lu, une bonne partie de la soirée et de la nuit, quelques livres de Gustave Le Rouge. Je pense à FB, plongé de son côté, probablement au même moment, dans la vie de Lovecraft, 1925, à moins qu’il ne soit dans celle de Balzac, de Rabelais. Chacun faisant comme il peut pour échapper à l’imminence d’une catastrophe que nous pressentons tous. Et, à côté de tout cela, le rouleau compresseur du quotidien. Cette réalité implacable du temps qui passe. Sur les cinq cent quatre-vingt-dix euros gagnés au cours des trois derniers mois, cent vingt-six iront à l’URSSAF. Regarder froidement les faits. Information lue par hasard — qu’au mois de novembre deux mille vingt-six — les découverts autorisés seront soumis au même régime que les crédits à la consommation. C’est-à-dire que de nombreuses personnes, ne gagnant guère plus que le salaire minimum, se verront refuser ce pseudo-crédit : un pas de plus vers la paupérisation en France. Ce chaos, ces peurs que l’on ne cesse de nous brandir, ces sempiternelles diversions : quelles fonctions ont-elles, vraiment ? Tout cela, apparemment, ne semble avoir aucun sens. Pour ma part, je crois que cet immense théâtre de guignol montre à quel point le système est malade ; à cet instant il devient véritablement plus dangereux, réellement prêt à tout, à tous nous tuer au besoin pour se survivre à lui-même. Ce qui fait que j’ai retardé le moment de remonter au grenier pour descendre les cartons de livres paternels ; en fin de compte, j’ai décidé de scanner un par un les ISBN et de les refourguer sur des plateformes de vente d’occasion. Je n’ai plus le temps de lire des policiers, j’ai tellement d’autres livres à lire encore. Et puis j’ai peur qu’à la fin tout cela s’abîme. Le froid s’est déjà logé là-haut et j’ai bien peur que l’humidité n’arrive d’ici peu. S. s’est fait vacciner contre la grippe. Ses analyses reçues hier sont bonnes. C’est de mon côté que ça se corse. J’ai envoyé celles-ci à M. par l’entremise de l’espace Santé. Qu’on sache tout de moi à travers ces divers espaces — finance, santé, littérature — quelle importance. Je n’ai pas, de moi-même, une si haute idée d’importance pour que la peur me vienne d’être à découvert, pas en très bonne santé, vieux et un peu plus mauvais qu’hier. En cela, ce que je pense ou dis n’a guère d’importance dans l’immédiat, c’est juste un témoignage comme un autre de la vie de notre temps. Pansement d’urgence pour remplacer les flipbooks défaillants. Mais il faudra revenir dans les boucles SPIP, car les compilations, si elles restituent bien les articles par rubrique et mots-clés, conservent toujours le titre « carnet / mois ». Ce qui ne va pas pour les rubriques Lectures, Fictions, etc. Création d'un .htaccess spécial dans le dossier JS pour débloquer turn.js. Étudié le lecteur de flux RSS Feedly et commencé à créer ma liste de sites suivis, en fait celle qui existe déjà dans les favoris du navigateur. J’ai réussi à bricoler un outil de conversion via les fichiers de TC récupérés sur son Git. Reste à étudier le problème des fréquences, qui semble dépendre de mon usage. En fait, je ne me pose pas la question de combien de fois je vais visiter tel ou tel site dans une journée, une semaine, un mois. Ce sont de nouvelles questions inédites. Et, comme telles, certainement plus intéressantes en soi que toute réponse à leur apporter. Repris aussi deux textes sur la littérature de SF en Chine et en Inde dans Histoire de l’imaginaire. Ajouté une réflexion dans la rubrique Fictions/archives/Instituteur. En tirant parti de ma lecture de Le Rouge. C’est après coup, en me demandant soudain pourquoi Le Rouge, que j’ai compris ce lien avec mon arrière-grand-père. illustration île de la Platière, Saint-Pierre-de-Boeuf|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

28 octobre 2025

Insupportable, la moindre exigence administrative. Les courriers et formulations, notamment. Le terme exigé, les sommes dues, les menaces, tout cela provenant de quoi, si ce n’est de ces parasites vivant à nos dépens, grassement, se gobergeant, se moquant, nous traitant de sans-dents, de gueux — de peuple —, substantif devenu, dans leur bouche, un terme injurieux, ironique entre-soi. Toute cette morgue affichée, ces mines de componction, cette comédie, cette farce grotesque : jusqu’à quand durera-t-elle encore ? Nul ne sait. L’échéance deux mille vingt-sept n’est rien d’autre qu’un leurre. J’ai bien peur. Nous nous enfonçons dans l’automne, cheminons vers l’hiver, vers une sorte de nuit d’hiver glaciale, sans pitié. Les révolutions, ici, se font en mai, parfois en septembre, rarement en janvier ou février. Et quand bien même l’exception confirmerait la règle : comment remettre de l’ordre, de la justice, en tant qu’un seul, dans un tel merdier ? Comment lutter seul, en tant que pays, contre une Europe financière, c’est-à-dire contre une poignée de mafieux qui ont pour eux la police, les banques, les moyens de produire encore plus d’avanie — cette Europe injuste telle qu’elle nous a été imposée contre notre gré. Je n’arrête pas de penser que c’était une belle idée, l’Europe, comme la Suisse peut aussi paraître une belle idée de prime abord. L'Amérique, la confédération de Russie. Sauf que voilà : les idées ne sont pas les gens. Je suis de mauvaise humeur parce que j’ai peu dormi. Il ne faut pas que je rumine, il fait beau, les températures sont même remontées — économie de chauffage. Et puis, au nom de qui parles-tu, me demande le dibbouk. Est-ce que vraiment ça te touche, ça t’intéresse encore, tout ça ? me dit-il en examinant ses ongles douteux. On se regarde un instant, presque un fou rire, mais non, non ; enfin quoi, restons sérieux : on nous regarde à présent. — Tu veux parler des cinq personnes de plus qui lisent tes articles ? me charrie-t-il. — J’ai quand même doublé mon score en une seule journée, je rétorque. — Dispersion, tout ça, mon p’tit vieux ; tu as juste surfé sur une vague. Tes articles sur la ponctuation, c’est bien gentil, mais tu écris quand ton roman, ton œuvre ? Ah ah ah ! Là je ne dis plus rien, je sais qu’il n’a pas tout à fait tort. Toute cette dispersion durant ces dernières semaines ne vaut pas grand-chose, tout compte fait. Ce n’est pas tant du travail que de la distraction. — N’oublie pas d’inclure là-dedans tes histoires de code, surtout… C’est bien gentil, les flipbooks, les compilations, les vues de la même chose sous dix angles différents… Tu ne fais, en fait, que du recyclage, mon pauvre ; réveille-toi. C’est drôle, ce qu’il dit, j’y pensais justement hier. Je me disais : bon, d’accord, ça fait cinq personnes de plus qui lisent ; il est même probable que tu les connaisses, car tu t’es abonné à leurs newsletters, ce n’est pas du pur hasard comme tu aimerais que ce soit. Donc tu es de nouveau reparti dans le même genre d’interactivité que tu avais fuie ; c’est encore des réseaux sociaux déguisés, au final. Encore que ce soit beaucoup moins démonstratif. Encore que tu ne cesses de t’acharner à toujours vouloir voir cela comme négatif ou stérile, ainsi que tu le dis. Une pure perte de temps. Comme si le temps était le « précieux » de Gollum, qui te transforme en Gollum. Tu voudrais tout ton temps, comme une sorte de corne d’abondance intarissable, et gare à qui viendrait, ne serait-ce qu’en te suggérant d’en perdre quelques miettes. Accorder du temps aux autres, quelle générosité ! Vite prise, en retour, comme dispendieuse, comme hémorragie. Rester net. L’exigence, la nôtre : écrire. Mais écrire quoi, telle est la question, si ce ne sont parfois que quelques pauvres irruptions de dégoût, de colère, de tristesse, rien qui n’emporte vraiment le cœur et l’âme. — Ne me dis pas que tu vas te lancer dans une romance. Il éclate d’un rire affreux. — Et pourquoi pas ? je dis. Pourquoi pas écrire une romance ? Comme s’il y avait de bons et de mauvais sujets ; je ne te croyais pas si con, mon pauvre vieux. Sa bouche fait une sorte de huit, puis devient un bec de perroquet. — Tu veux parler de Flaubert, d’Un cœur simple ? essaie-t-il de se rattraper. Plus sérieusement. Il semble que je ne puisse plus utiliser le script turn.js ce qui règle momentanément le problème des livres à feuilleter. Cette nuit, remplacement par une solution de rechange, des compilations d'articles de rubrique et mots-clés. Rien de vraiment original mais lire la suite des textes ainsi présentée avec TDM et sans image s'approche contre toute attente un peu plus de ce que je veux. C'est à dire que je découvre ce que je veux en le voyant surtout, comme d'habitude. repense à l'utilisation de Feedly Un article lu ce matin alors que je cherche tout autre chose comme d'habitude dont je relève ce passage qui me paraît tout à fait opportun : Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide PowerPoint fait le décideur crétin. ça va probablement m'occuper le reste de cette journée en tâche de fond.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité