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Mais écrire quoi, telle est la question, si ce ne sont parfois que quelques pauvres irruptions de dégoût, de colère, de tristesse, rien qui n’emporte vraiment le cœur et l’âme. — Ne me dis pas que tu vas te lancer dans une romance. Il éclate d’un rire affreux. — Et pourquoi pas ? je dis. Pourquoi pas écrire une romance ? Comme s’il y avait de bons et de mauvais sujets ; je ne te croyais pas si con, mon pauvre vieux. Sa bouche fait une sorte de huit, puis devient un bec de perroquet. — Tu veux parler de Flaubert, d’Un cœur simple ? essaie-t-il de se rattraper.
Plus sérieusement. Il semble que je ne puisse plus utiliser le script turn.js ce qui règle momentanément le problème des livres à feuilleter. Cette nuit, remplacement par une solution de rechange, des compilations d’articles de rubrique  et mots-clés. Rien de vraiment original mais lire la suite des textes  ainsi présentée avec TDM et sans image s’approche contre toute attente un peu plus de ce que je veux. C’est à dire que je découvre ce que je veux en le voyant surtout, comme d’habitude.
repense à l’utilisation de Feedly
Un article lu ce matin alors que je cherche tout autre chose comme d’habitude dont je relève ce passage qui me paraît tout à fait opportun :
Car si la pensée fait le penseur, le réseau social propriétaire fait le fasciste, le robot conversationnel fait l’abruti naïf, le slide PowerPoint fait le décideur crétin.
ça va probablement m’occuper le reste de cette journée en tâche de fond.
 
      
     
      
    