31 octobre 2025

Impression d’accélération du rythme enthousiasme/dépression, mais je regarde ça de manière détachée, ce qui est assez inconfortable. Comme si je ne pouvais plus reprendre la main, observer seulement et patienter, attendre que ce rythme ralentisse. Ce qui procure une sensation bizarre d’être balancé contre les murs de la pièce dans laquelle je me trouve, que ce soit dans le bureau, dans l’atelier, dans la cuisine. À moins que ce texte ait besoin de débuter ainsi, par cette image. Car, dans le fond, derrière cette image, il pourrait y en avoir mille autres. J’imagine bien volontiers être battu, roué de coups, bringueballé par des gens ivres, cogné et recogné… sans pour autant broncher, les observant ainsi faire sans pouvoir agir, sachant pertinemment qu’il ne servirait à rien d’agir, sauf à envenimer encore plus les choses. Non, je regarde, je vois tout, je n’en loupe pas une seule miette. Cela pourrait se produire dans une prison, sur un champ de bataille, au pensionnat… Le point commun est quelque chose d’inscrit dans l’étroitesse de leur front. L’implantation basse de leurs cheveux, leurs regards hallucinés : ce n’est pas moi qu’ils rouent de coups, c’est eux-mêmes. Ils n’en ont aucune conscience. Et à cet instant, le silence atteint un degré extraordinaire. Aucun cri, aucune récrimination de ma part. Je m’enfonce dans ce silence comme dans un havre de paix en plein centre du cyclone.

Tout le monde voudrait certainement agir. Quand je discute avec les quelques personnes que je croise, elles sont ulcérées. Il va falloir que ça change, disent-elles, puis soudain, interruption, et surgit un propos décalé comme : "Il faut vite que j’aille acheter le pain avant que ça ferme." Ou encore ça parle de sport, de tout, de rien. Puis le rictus revient, comme une ombre dans le regard. Il va falloir que ça change. Bonne journée.

Ce n’est pas une critique de ma part. Je pense faire de même. Tenter de temporiser la rage, l’écœurement, le dégoût. Quand cela devient trop intense, j’entre en catalepsie, je me concentre sur une aspérité d’un mur, je m’introduis dans la moindre fissure, le moindre orifice, je m’enfouis.

Bien que j’aie chargé tous les flux dans Feedly, que j’aie exporté l’OPML, que j’aie créé une page pour pouvoir déposer la liste des sites suivis en Markdown, je me refuse à la mettre en ligne. Au final, quelle intention se cache derrière cela ? Je n’en sais rien. J’ai l’URL et je peux l’entrer moi-même dans la barre de navigation. C’est plus rapide que les favoris ? Je ne sais pas.

Je continue à publier sur Mastodon et Seenthis, je dépose mon post et je m’en vais, je ne cherche même plus à suivre le flux. De temps en temps, un message auquel je réponds, mais souvent via messagerie ou en privé. S’exposer à la fois entièrement et très peu est encore une sorte de paradoxe. Mais je crois que c’est surtout la peur de perdre du temps qui me fait agir ainsi. Et aussi le déjà-vu. La peur d’un certain ennui. Ce soir, tandis que je m’assoupissais devant un article de blog, j’ai eu une vision de rats serrés les uns contre les autres dans une presque obscurité. Je n’avais pas peur, j’étais seulement étonné d’être là, rat parmi les rats. Je pense que la chaleur humaine, si je puis dire, n’est pas l’apanage de sapiens.