1 mai 2022
Le terme hypersensible utilisé désormais à toutes les sauces, bon sang comme il m’agace. Comme tous ces mots valises qui permettent de s’installer dans une case et de ne plus réfléchir par soi-même. De plus en plus en cette époque, ce qui peut mener chez moi, l’agacement , certains jours, à des sommets.
Ou Zèbre. Drôle de Zèbre disait ma grand-mère.
Rien de nouveau sous le soleil donc.
Sauf que la connerie s’est tellement répandue qu’on ne le voit plus. Il faut de l’original à tout prix. En bas le bas de gamme et tout en haut le plus couteux, avec de temps à autre une promo en tête de gondole.
Hypersensibilité, comment faire ? la promo dure trois jours et vous aurez un petit brin de muguet en prime aller on n’est pas chien chez Leclerc.
Je vais surement perdre des abonnés au train où je vais. Pas grave, seront remplacés par des marabouts.
Finalement je m’entends plutôt bien avec ces derniers. Ils en connaissent un sacré rayon sur la bêtise humaine. On n’échange jamais ensemble, pas besoin. Mais le seul fait qu’il me fasse cet honneur de s’abonner les uns après les autres à ce blog me fait sourire.
Bon j’ai bien quelques petites attaques de magie noire par ci par là, venant des plus jeunes et moins expérimentés. Il faut bien que jeunesse se fasse comme on dit. Je ne leur en tiens pas rigueur si ça peut les aider à améliorer leur pratique pas de problème.
Hypersensible vous dites ?
bah oui, ça fait joli comme mot, mais moi j’aurais seulement dit humain vous savez. Dans un monde de robots, ou les gens ne réfléchissent plus, un humain ça peut être autant un hypersensible qu’un marabout ou un chaman. C’est même que ça si vous voulez vraiment avoir mon avis.
Du coup j’enchaine avec l’éveil. Ce mot là aussi quel plaie, et toute la pseudo spiritualité vendue en option au rayon développement personnel du décathlon du coin.
L’éveil c’est d’une simplicité renversante et tout le monde en fait des caisses. Hallucinant vraiment à quel point on est devenu nouille.
Moi je me suis pris le portail de la maison familiale en pleine figure un jour de décembre 1966, le fer était gelé ce qui m’a zébré la figure quelques semaines.
J’ai appris en même temps que le froid brûle et que je n’étais pas celui que je croyais être. J’étais une parfaite andouille. Quel éveil ! après avoir cru être Zorro Thierry la Fronde, Thibaud des Croisades, Bleck le rock, et le dernier des Mohicans.
Je crois que les gens s’ennuient trop ils confondent l’ennui avec le sommeil, c’est pour cette raison qu’ils rêvent d’éveil.
Alors qu’ils leur suffirait de s’occuper les mains, de faire un petit pas de coté pour s’amuser tout simplement.
Tradition du repas dominical en famille. Une fois ou deux l’an, ça va bien. Plus, ce serait trop abuser des bonnes choses, de la gourmandise.
La vieille dame de 91 ans viendra accompagnée de ses grands et petits enfants. Se souviendra t’elle des prénoms, quelle importance…
Une journée ensoleillée sans mémoire c’est très bien aussi.
J’avais autrefois une habileté pour mordre au sang avec les mots. Beaucoup d’ironie brillait. Et bon Dieu ça chauffait !
Comme un phare j’attirais les naufragés de tout acabit, les désespérés, celles et ceux en manque de tout, surtout celles d’ailleurs, et dans l’ensemble, les désabusés.
Ca m’est passé. L’ironie s’est fini comme Capri. De temps en temps j’essaie, comme le coyote qui continue à courir alors qu’il a les deux pattes arrières dans le vide , et je me fracasse évidemment la tronche tout en bas sur l’évidence de l’inutile.
Je n’éprouve plus autant cette envie de faire rire les autres non plus à mes dépens. D’être un clown, un Auguste qui fait toutes ces choses pour un sourire peut-être mais ne tombe que sur des rires gras et suffisants.
Cette méchanceté, ce malheur se sont enfuis avec la jeunesse, assez tardivement.
L’humour a des limites certains jours. Il est même tout à fait détestable.
Et c’est en le constatant chez l’autre que le mien m’est devenu encore plus détestable tout à coup.
Est-ce une sorte de progrès, une avancée vraiment ? moi qui ai toujours tant de mal à mépriser, par peur de l’être en retour, il se pourrait qu’enfin
hourra ! j’y arrive.
Je ne sais pas si la gratitude est de circonstance. Mais qui ne tente rien n’a rien, et peu importe j’ai envie de le dire : un merci s’impose.
Merci pour apprendre aussi le mépris, redescendre de la lune, tomber sur le plancher des vaches.
Parviendrais je bientôt à cracher à la gueule d’autrui
pour être résolument comme tout le monde, j’ai hâte !
Quand on n’a plus de politesse c’est qu’on n’a plus d’orgueil ni de fierté
Et moi je fus poli comme un gars laid évidemment j’ai tout connu des marées, des grandes comme des petites.
Celles qui défeuillent les coquillages comme des marguerites pour en extraire le grain du sable.
Le mépris d’un grain de sable vaut bien tout l’or du monde, à ma bourse perso.
Mais qui le saura qui le piétine et s’en fout comme de l’an quarante
aveuglé par je ne sais quel miroir aux alouettes
Du selfie c’est bien mais avez vous essayé l’anti selfie ?
Pour continuer
Carnets | mai 2022
15 mai 2022
Vachement bien ce plancher qui chante. 16h28 dimanche, enfin quelqu’un entre à l’étage. Je m’étais assoupi et grâce au plancher j’ai pu me recomposer une tête à peu près digne de ce nom. “Je vois un bébé” dit l’homme Et un peu plus loin on dirait un violoniste … est-ce que c’est bien ça un violoniste ? — c’est vous qui voyez ! Un dimanche de permanence. J’avais oublié tout ça pendant dans mon assoupissement. De permanence. J’ai écouté leurs pas qui tentaient de réduire le plancher au silence, en vain bien sûr. La gêne d’une pesanteur ça se met sous cloche.|couper{180}
Carnets | mai 2022
13 mai 2022
En peinture la définition du contraste est la différence entre deux valeurs. Plus il y a de différence marquée entre le clair et l’obscur plus le contraste est fort et inversement moins on parvient à détecter de différence entre les valeurs moins il y a de contraste. En plaçant un contraste différent à chacun des trois plans d’un tableau, en jouant donc sur la différence des valeurs que l’on utilise pour ce faire on crée ainsi une illusion de profondeur. Cela fonctionne aussi bien pour la peinture dite figurative que pour la peinture abstraite. Maintenant que peut signifier le contraste dans la vie de tous les jours ? Que plaçons nous comme valeurs au premier plan de nos préoccupations et surtout comment les mettons nous en opposition afin qu’elles crèvent l’écran de ce que nous appelons notre réalité ? Peut-on imaginer aussi que certaines personnes ne se préoccupent que très peu des autres plans de l’existence à part le premier et encore que lorsqu’ils y sont acculés. Quels sont les trois plans d’une vie s’il fallait la peindre pour lui donner une profondeur ? Au premier plan on placerait donc les préoccupations quotidiennes comme se nourrir, se reproduire ou se perpétrer, se protéger, qui participent des besoins élémentaires de n’importe quel être vivant. Ces valeurs si on peut utiliser ce terme possèdent des contours, une netteté d’une précision indubitable. Puis une fois ces préoccupations réglées on s’intéresserait seulement au plan moyen, on ferait un pas de coté de cette situation d’urgence et on laisserait aller son esprit à estimer une durée, nécessaire pour effectuer des projets, anticiper l’avenir. Et enfin au troisième plan le contraste entre les valeurs deviendrait faible indiquant tout en même temps une notion de lointain comme de flou. Une sorte de « peut-être », ou encore un « je ne sais quoi », un « presque rien ». Chacun des plans est indissociable des deux autres. On ne peut pas vraiment donner une importance plus grande à l’un qu’à l’autre dans l’absolu. Ils sont interdépendants, on ne peut pas en supprimer un sans que le tableau soit réduit à néant. C’est à dire à de la boue, ce que Cézanne évoque très bien lorsqu’il parle d’un effondrement des plans les uns sur les autres. Comment alors prendre le recul nécessaire pour voir le tableau dans sa globalité ? Cette proximité de cœur ou d’âme, et pourquoi pas de peau. De peau serait plus sûr. Cette sensation qui naît à la lecture d’un poème qui fait mouche. L’espace s’en trouve agrandi comme le large et on peut entendre très précisément ce que murmure le monde et qu’on n’entend jamais. Parce que l’on dit c’est la mer, c’est un oiseau, parce qu’on a besoin de s’appuyer sur des rembardes durant les croisières. Hourra ! pour celles et ceux qui laissent passer au travers ce murmure et qui se désagrègent tout entier pour nous le restituer, intact. Hourra… j’utilise ce mot pour exorciser quelque chose je crois. Je l’ai entendu dire récemment lors d’un défilé guerrier, et encore ailleurs après une chasse à courre, la mort d’un grand cerf. Mais ces hourra là salissent le vrai hourra. Il n’y en a qu’un qui convienne c’est celui qui vient aussitôt aux lèvres à la lecture du poème. Peut-être qu’à la fin d’une vie, on peut avoir cette chance juste avant de mourir. Cependant qu’on ne peut plus rien modifier, on ne peut pas s’amener en pleine exposition, comme Turner avec son petit pot de rouge pour peindre une bouée afin de relever le premier plan. On ne peut pas le faire tant que l’on pense une durée, et que l’on est victime de celle-ci. Mais si on reste aligné, droit dans ses bottes jusqu’à son dernier souffle, on sait que tout ça n’est qu’une formidable illusion, un rêve ni plus ni moins. Alors même à ce moment là, à ce moment unique, bien sur que l’on peut prendre toutes les couleurs que l’on voudra pour réparer les valeurs ou les contrastes mal fagotés, ceux surtout qui ne nous conviennent pas à cet instant car ils gênent la lisibilité d’une profondeur. D’une justesse de cette profondeur. Ce ne sont pour autant pas les couleurs qui comptent le plus dans un tableau, mais leurs valeurs et le contraste subtil si possible dont on se servira pour créer les plans et en même temps leur donner le sens que nous avons saisit de la précision et du flou, de la proximité et du lointain, du dicible et de l’indicible. On parle aussi de personnages au caractères contrastés dans la littérature ou le cinéma c’est à dire avec des intentions souvent contradictoires, des conflits internes. Tout l’art de la narration alors consiste à ne pas tout déballer d’un seul coup concernant ce genre de personnage, mais au contraire d’amener progressivement le lecteur à trouver les indices qui peuvent justifier ou expliquer ce caractère contrasté. Les femmes souvent voient plus loin que le premier plan, c’est mon expérience. C’est à dire qu’au début elles ne veulent pas tenir compte des oppositions d’un caractère impossible, elles se situent presque aussitôt dans un plan moyen, dans un projet, un avenir qui mène leur regard embué vers un flou artistique finalement. Mais le problème de ce genre de caractère dans la vraie vie, c’est qu’il devient aussi prévisible que lassant. Et cette lassitude finit donc par oblitérer l’espérance. Ainsi le couple que formait mes parents d’après ce que j’en ai compris évidemment, et qui n’est que ma petite interprétation personnelle. A la fin on finit par ne plus se dire grand chose, il n’y a plus aucun plan sur la comète, plus de projet vraiment sauf d’attendre l’inéluctable pour encore avoir à créer de la différence, du contraste entre ce qui fut présent et ce qui ne l’est plus.|couper{180}
Carnets | mai 2022
12 mai 2022
Entamer un jeûne suite à la perception d’un trop plein ou d’un trop vide, ce qui revient à la même chose. Un pingouin peut tenir 100 jours. On démarre par le glucose, puis les lipides, il faut s’arrêter à temps pour ne pas taper de trop dans les protéines et l’usine se remet en route. La mémoire des cellules c’est quelque chose… 3 petits jours pour passer le cap de l’inconfort, puis ensuite s’installe une stratégie d’économie d’énergie. On ne se nourrit que de l’intérieur. On s’abstient de parler, on esquive les conflits, on se déplace sur coussins d’air, on zigzague entre la réalité et la rêverie dans un état second. On ne jeûne pas pour maigrir évidemment. On jeûne parce qu’on éprouve cette nécessité impérieuse de l’inconnu encore une fois de plus. Et on fait un bras d’honneur à la gabegie organisée, celle de la bouffe, des gadgets qui ne servent à rien, des bavardages et des querelles inutiles. On peint, on écrit un minimum comme de temps à autre on boit un verre d’eau en appréciant la gorgée. L’expérience est une chose, l’expérience d’une experience c’est autre chose. On peut extraire des conjonctures de la première mais la seconde nous échappe. Elle est en tant que principe, elle n’est pas un objet pas plus que rien. Cette évidence nous n’en prenons conscience que dans un présent où quelque chose s’absente, une volonté personnelle de “tirer profit” qui s’évanouit. On ne peut rien en faire ni en dire qui ne nous apparaisse pas aussitôt erroné, voire stupide et en tous cas inutile. Peindre un tableau est une expérience qui produira le tableau, mais l’expérience de cette expérience nous reste étrangère, comme une évidence qui nous aveugle. Que le tableau soit réussit ou raté ne change rien à cet aveuglement. Et c’est peut-être lorsqu’on se dispense de ces deux mots, que l’on s’en délivre ou débarrasse qu’alors la sensation est pour nous la plus “vraie” Il peut exister un plaisir simple de ne rien voir du tout. Que cette volonté au dessus de notre volonté se laisse enfin percevoir de façon fugace. Et que cette nécessité de fugacité s’oppose notre volonté de durée elles seront l’une comme l’autre tout aussi nécessaires Il est nécessaire qu’une œuvre dure pour éprouver en même temps la fugacité, sans doute, de celle ou celui qui en est l’instrument. Et que ces deux nécessités ou volontés, en apparence contraires, dansent dans le moment présent est un mystère pour toujours.|couper{180}