La valeur est un mot important en peinture. En effet, la valeur est plus que la couleur elle-même, c’est elle qui crée l’illusion d’une profondeur, de par les différents types de contrastes que l’on distribuera dans les plans du tableau.
Lorsque j’évoque cette notion de valeur à mes élèves je leur conseille de ne pas en prendre plus de trois ou 4 en incluant parmi celles-ci les basses ombres et les hautes lumières. Au-delà de quatre, la confusion s’installe rapidement, un peu comme dans la vie.
Ce que nous nommons des valeurs dans la vie n’est-ce pas ce qui nous importe, ce qui nous guide et nous limite accessoirement. Avec le temps il est possible que le champs de ces valeurs pléthorique au début se réduisent drastiquement avec l’âge, au même titre que se restreignent le superflu, le divertissement commercial facile, l’inutile. Et bien que je n’ai pas encore atteint l’âge avancé où parviennent certains vieillards sages et malicieux il me semble que je peux déja prédire que le meilleur synonyme d’utile sera pour moi un jour le nécessaire.Car n’est-il pas le signe le plus flagrants que l’âge est enfin atteint. On a de moins en moins envie de complication, ni de perdre son temps L’idée que la fin est proche nous rend plus circonspect concernant les hypothèses de s’égarer avant même d’être mort.
On pourrait alors l’irrepressible envie, tout en invoquant le besoin de vouloir faire le point, comme un marin cherchant la meilleure route pour rentrer au port. Qu’est-ce qui compte vraiment ? Que dois -je retenir de cette expérience de vivre ? Que laisserai-je derrière moi ? Que me reste t’il de ce qu’autrefois et à tort bien souuvent, j’appelais mes valeurs ?
Et surtout ; comment est-ce que je veux vivre ces quelques heures jours, mois ou années qu’il me reste désormais s’il arrive soudain que j’ai enfin vue sur ce que je juge l’essentiel.
Même si je sais que l’essentiel fluctue tout au long de la vie bien souvent à force de confondre le but et la valeur.
A mon humble avis chaque but que nous nous fixons n’a de véritable raison d’être que pour mieux appréhender les valeurs qui nous fondent. Ou celles qui ne nous fondent en rien justement.
Et, cela sera bien sur unique, différent pour chacun.
Ainsi, pour explorer la valeur liberté qui m’a toujours été si chère je n’ai pas cessé de me mettre dans des positions d’esclavage. Il en est de même je crois de mon élan vers l’agitation pour étudier cette autre valeur importante qu’est la tranquillité.
J’ai étudié la vie comme la peinture de la même façon : par les contrastes. C’est à dire tout simplement en cherchant à percevoir la différence entre deux valeurs.
Comme si la seule vérité personnelle ( autre valeur importante) que je pouvais accepter raisonnablement comme follement d’ailleurs, se situait toujours à la jonction, à la frontière des opposés.
J’ai expérimenté la liberté ainsi que je l’ai comprise par moi-même seul et à différents âges de mon existence. Je sais parfois, je m’en souviens que la liberté m’ennuie tout autant que si je me retrouvais enfermé dans un cachot. J’ai expérimenté l’enfermement et j’y ai découvert une forme de liberté inédite qui a aiguisé ma curiosité.
Puis j’ai perdu de cette curiosité qui n’était poussée que par la volonté d’acquérir du savoir ou du pouvoir pour découvrir la compassion en voyant à quel point tout le monde se débat plus ou moins avec ces histoires de buts et de valeurs.
J’ai décidé d’être sans but et sans valeur et je suis devenu soudain plus discipliné et moral que jamais en découvrant le quotidien et la régularité.
Ainsi j’ai effectué mon travail de peintre jusqu’au bout je m’en rends compte à présent. Cela ne donne pas un résultat dont je puisse être fier outre mesure. La fierté d’ailleurs ne semble pas ou ne semble plus être une valeur nécessaire plus pas plus que l’orgueil qui se larve dans l’excès de mésestime de soi, son reflet inversé.
Au demeurant, remontent mes souvenirs de petit garçon qui s’interrogeait sur la vie, les questions essentielles : Qui suis-je ? d’où est ce que je viens et ou est ce que je vais ? Autant de questions qui font faire cette moue presque méprisante aux bouches adultes.
J’ai tenté de trouver maintes fois des réponses à ces questions et il faut bien aujourd’hui accepter le fait qu’aucune de celles ci n’est réellement satisfaisante. Et peut-être - est-ce seulement temporaire - il me semble que je perds peu à peu ce besoin de vouloir partager les réponses à ces vieilles questions. Je n’ai pas de honte, je n’en rougis pas, pas plus que je ne suis fier. Il n’y a pas là de défaite pas plus que de victoire.
Ce que j’ai appris je l’ai appris avec chacun de mes organes différemment que ce soit la cervelle, le cœur, le colon, les reins, le foie, les couilles, et bien sur le pénis sans oublier le trou du cul.
Chacun de ces organes possède une science particulière de la vie. J’aurais aimé pouvoir en rendre compte au travers de mes peintures et de mes textes. Mais même cela me semble inutile aujourd’hui.
J’aurais poussé l’absurdité à l’extrême de ce que je pouvais la supporter, et surement bien au delà de ce que les proches qui m’ont côtoyé l’acceptèrent ou l’acceptent encore.
Evidemment j’ai étudié aussi le proche et le lointain par la même occasion ainsi.
Au bout de ce périple, j’ai vraiment parfois la sensation très nette de parvenir à un bout, au bas du tableau, comme au bas de la page, à la marge ; mais peut-être n’est-ce encore qu’une peur ou un désir, au bout de ce périple donc, je m’aperçois qu’il n’y a pas de réelle différence entre deux valeurs que celle que l’on choisit de leur attribuer.
Dans l’absolu et sans ce choix aucune différence ne saurait les distinguer l’une de l’autre.
Il n’y a qu’une immanence face à l’immanence, une immanence face à elle-même et ce n’est restituable ni par la peinture ni par l’écriture évidemment. Ce que l’on restitue c’est sans le sentier que nous empruntons pour tenter d’y parvenir. C’est à la fois un secret et un silence que l’on emporte avec Soi pour rejoindre les feuilles dans le vent et les oiseaux du ciel.