D’habitude, ça ne dure pas. Une accélération cardiaque. Une bouffée de chaleur. Un vertige. Quelques secondes d’attente, et ça passe. Mais depuis dimanche, tout semble s’emballer. Les incidents se rapprochent, comme si quelque chose en moi avait décidé que cette fois, ce ne serait pas si simple.

Je m’étais levé pour marcher jusqu’à la fenêtre. Dehors, il y avait un petit arbre aux feuilles rousses. Ou peut-être ocres. Je ne sais plus, maintenant que j’y pense. Ce détail m’obsède, parce que c’est le dernier moment où tout semblait encore réel.

En revenant vers le groupe, j’ai senti une pression énorme. Comme si le plafond s’effondrait sur moi. Mes genoux ont plié, mes mains ont cherché la table. J’ai entendu des voix qui proposaient d’appeler les secours. J’ai décliné, bien sûr. Ça va aller. Ça passe toujours, non ?

J’ai refermé la porte derrière eux. De l’air frais, juste ça. J’ai roulé fenêtre entrouverte. L’air frais me disait : tu es là. Mais cette idée ne tenait pas longtemps. Une fois garé, les vagues revenaient. Je me demande si quelqu’un a remarqué, dehors, ce type qui se tenait aux murs pour rejoindre sa maison.

S. m’a ouvert.
— Tu comptes aller voir un médecin quand, au juste ?
Son ton, un mélange d’inquiétude et d’agacement. Moi, un geste vague, comme pour repousser la question à demain.

Et maintenant, en écrivant ça, tout semble flou. L’arbre, S., le plafond qui s’effondre. J’essaie de m’en souvenir, mais ce que je vois, c’est autre chose : un vertige. Une chute sans fin. Peut-être que ce n’était pas le plafond, mais mes mânes, mes pénates. Ces divinités silencieuses. Peut-être qu’ils ou elles en ont assez. Peut-être que, eux aussi, ont décidé de m’abandonner.

Ou peut-être que je m’invente tout ça. Pour ne pas dire ce qui est vraiment arrivé. Si toutefois j’arrive à dire ce qui m’est vraiment arrivé, si j’ai le temps.