feu rouge
Je ralentis à l’approche du carrefour. Le feu passe à l’orange. Je freine doucement et amène la voiture à un arrêt juste sous le feu. J’ai jeté un coup d’œil à l’horloge : 18h34. La lumière du soleil, un peu basse, traverse le pare-brise. J’ai baissé la vitre pour laisser entrer un peu d’air. Ça sent le goudron et l’herbe coupée.
Je pose ma main sur le levier de vitesses, mon pied sur la pédale de frein. Je suis immobile. Une femme traverse sur le passage piéton. Elle porte un manteau beige et tire un chariot de courses à moitié plein. Je la regarde sans vraiment la voir. Dans ma tête, je pense au dîner. Peut-être des œufs. Il doit en rester, je crois.
Devant moi, le feu rouge brille. Il a quelque chose de rassurant, avec son intensité presque parfaite. Je pense à mes clés. Est-ce que j’ai bien fermé la porte ce matin ? Oui, sûrement. Je pense toujours à ce genre de trucs inutiles quand je n’ai rien d’autre à penser. Alors j’attends, sans me presser, en laissant ces pensées flotter et disparaître.
Le feu passe au vert. J’embraye, mais je ne bouge pas. Pendant une seconde, peut-être moins, je suis comme figé. Je ne sais plus où je suis. Ce carrefour, cette lumière, ce levier de vitesses — tout me paraît étrangement familier, et pourtant étranger.
D’où je viens ? Où je vais ? Je n’en sais rien.
Je reste là, les mains sur le volant, immobile. Une voiture klaxonne derrière moi, et ça me ramène. Je relâche l’embrayage et j’accélère doucement. La voiture avance, comme si rien ne s’était passé.
En face, une camionnette arrive dans l’autre sens. Le conducteur a une cigarette à la main. Il tapote sur son volant au rythme d’une musique que je n’entends pas. La fenêtre de sa camionnette est ouverte. Il a l’air détendu, à l’aise.
Je me concentre sur la route. Mes gestes reviennent d’eux-mêmes. Je change de vitesse, je vérifie les rétros. Tout redevient normal. Mais cette seconde étrange, ce moment où je me suis perdu, reste là, quelque part, en arrière.
J’ai été dehors. Ce n’était pas ici, ce n’était pas vraiment un endroit, mais j’y étais.
Je pense à la routine. Combien de fois j’ai freiné comme ça ? Combien de fois j’ai attendu que le feu passe au vert, que tout reparte ? Ces gestes me mènent toujours quelque part, sans que j’y pense vraiment.
Je continue à conduire. La rue est calme. Les arbres défilent. J’ai ralenti pour un virage, puis j’ai repris un peu de vitesse. Tout est normal maintenant, presque trop normal. Mais je sens encore cette seconde qui flotte, cette faille.
J’étais là, dans la voiture. Je conduisais. Je savais où j’allais. Maintenant aussi, je sais où je vais : je rentre chez moi.
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