Elle allume la radio. Claquement de doigt. La voix péremptoire remplit l’espace de la cuisine. Tu ne dis rien. Elle attend. Qu’est-ce que je pourrais bien dire. Le mieux est justement de ne rien dire. Bon dit-elle en augmentant le volume. Ce qui est triste si l’on veut. Insupportable serait un meilleur mot. Mais on supporte déjà l’insupportable depuis si longtemps. Un peu plus un peu moins. C’est comme ça. Le gouvernement est tombé. ça me passe au-dessus. Tout ce brouhaha alors que l’on sait que de toute façon ça va continuer de la même manière. Avec une sauvagerie exacerbée. ça ne changera pas. Les mots sont sortis comme ça de ma bouche entre deux bouchées. Ce qu’il faudrait c’est qu’on sorte tous à poil dans la rue et qu’on en finisse. Une gigantesque partouze. Avant on se crèverait correctement les yeux et on se boucherait le nez. Elle me regarde. Toi à poil dans la rue ? Tu t’entends. Elle rit tristement. Je lui emboite le pas. Nous voilà tristes, désabusés dès le matin. C’est un comble. C’est sans doute à cause de tout ce manque. La radio continue à occuper tout l’espace. J’essaie de trouver ma place. Peut-être que si je fixe suffisamment longtemps le pot de confiture je reviendrai à l’état normal.