Ce qui va advenir est déjà là, sur le bout de la langue. Un goût de terre, d’humus en décomposition, un parfum de méthane ou d’ozone. Mais si on cherche à le nommer, il s’échappe. Ce n’est plus qu’une ambiance. Une ombre. Une vibration.

Est-ce mélancolique ? Peut-être. Mais surtout, c’est étrange. C’est animal.

Un changement imperceptible, presque organique. La lumière hésite, des ombres s’allongent un peu trop vite. Les oiseaux, d’un coup, se taisent. Ou bien ils crient, mais pas comme d’habitude. On ne sait pas vraiment ce qui change. On ne sait même pas quand ça a commencé. Mais c’est là. Ça s’insinue dans le corps, comme une menace qu’on n’arrive pas à formuler. Ou une trop grande joie susceptible de nous décimer.

C’est ce moment avant le basculement. Pas encore la catastrophe. Pas encore la merveille. Juste cette tension qui grésille, suspendue, sur le bout de la langue. Une bête, un ange, quelque chose qui tourne tout autour, qu’on en voit pas qu’on flaire seulement.

Lire c’est aussi lire des choses que personne ne veut lire.

Et on reste là, immobile. Est-ce que c’est le ciel qui s’assombrit ? Ou bien est-ce nous ?