Par dessus la jambe
Cette expression qu’affectionne particulièrement ma mère lorsqu’elle me parle du fond des brumes excite encore comme une lueur qui trace sa voie depuis l’événement de la fin vers je ne sais quoi, les protons de ma cervelle.
Il y a un érotisme avéré dans le ton emprunté, même sous l’emprise de la rage, de la colère, chez elle à m’affubler de petits noms d’oiseau et pour couronner le voyage à chaque fois :
« Tu prends tout par-dessus la jambe ! »
Et que peut-il bien y avoir lorsque je baisse les yeux sur cette idée du « tout » sinon ce petit sexe qui pendouille, première étape majeure de l’injonction larvée.
Durant de nombreuses années, mon cerveau, mon désir, toutes mes maigres ambitions somme toute se placèrent dans ce petit morceau de viande « par-dessus la jambe », simplement en raison d’une nullité magistrale en matière de logique.
Car si j’avais compris alors que par-dessus la jambe je pouvais aussi sentir l’étoffe d’un short, d’un bermuda, d’un pantalon, je n’imagine même pas à quel point ma vie aurait pu prendre une direction tout à fait différente.
Mais non, dans une complicité malsaine selon la morale commune, nous décidâmes, maman et moi, de placer le sexe au centre du « je-m’en-foutisme » profond dont nous étions les malheureuses victimes finalement.
D’ailleurs cela me revient par bouffées : à chaque fois que je revenais au matin de périples nocturnes et ce souvent bredouille, ne tentait-elle pas encore de consolider la prédominance de mes attributs mâles dans mon crâne abruti, par une autre expression qui prendra une place de choix dans mes annales :
« Mon putain de garçon. »
Ainsi donc je prenais tout par-dessus la jambe comme elle pouvait sans doute fantasmer la liberté des filles, si possible de joie, et secrètement je devinais qu’il aurait mieux valu dans l’esprit maternel que je ne sois pas du sexe dont m’affublait le genre alors.
Des années plus tard, elle s’ouvrit à moi de sombres histoires d’aiguilles à tricoter et de son désir de fille. Et puis en riant et en tirant sur sa cigarette à bout doré :
« Tu sais, à quelques centimètres près tu n’étais qu’une crotte. »
Bien que cela fût blessant, je comprenais que cette dernière expression qu’elle me lançait au visage comme dans une bataille de polochons n’était pas une volonté de m’humilier moi mais elle finalement dans son insupportable condition de mère de famille coincée, étriquée, prisonnière de celle-ci.
Elle aurait pu, selon son désir profond, devenir peut-être une grande artiste ma mère. Techniquement elle avait de quoi lorsque je regarde les quelques toiles qui me restent d’elle. Non, ce qui lui manquait c’était de se débarrasser de sa mémoire complètement pour devenir enfin elle-même. Elle aurait dû suivre son instinct de fauve et nous laisser crever derrière elle en nous oubliant comme on oublie une erreur de parcours tout simplement, et je crois lui en avoir toujours plus ou moins voulu de ne pas avoir cette force, cette rage, cette volonté tout simplement.
Les derniers moments que je passai à son chevet à l’hôpital de Créteil, mon père m’accompagnait et il était presque totalement éteint, incapable de rien, les yeux embués, vautré dans son égoïsme comme d’habitude.
Je lui intimai l’ordre de prendre la main de maman et ensemble nous lui avons donné la permission de s’en aller. Elle avait les yeux grands ouverts, la morphine leur conférait une beauté à couper le souffle.
« Tu peux y aller vraiment maintenant » ai-je soufflé à son oreille et puis, comme mon père allait finir par s’effondrer totalement, je l’emmenai hors de la chambre, hors de l’hôpital, hors de Créteil.
Arrivé devant le marocain de Limeil, je le regardai et dis : « Et si on allait se taper un bon couscous, ça nous requinquerait non ? »
Il pleura vraiment cette fois et me considéra et j’eus l’impression que lui aussi me déclarait :
« Décidément tu prends vraiment tout par-dessus la jambe ! »
Mais non, en fait il continua à pleurer et gara la voiture. C’était un jour creux, il y avait plein de places libres, c’était un coup de chance.
Pour continuer
Carnets | octobre
Investir sur soi.
Tu l'as surement remarqué mais on ne peut plus surfer deux minutes sur le net sans être harponné par une kyrielle d'offres alléchantes concernant tout un tas de sujets aussi passionnants les uns que les autres. Ma boite mail en est pleine ! Comment vaincre sa timidité Comment devenir Charismatique Comment écrire un roman à succès Comment avoir toutes les filles qu'on veut j'en passe et des moins bonnes. Evidemment les sujets que j'ai choisis de citer non aucun lien avec les sujets qui m’intéressent vraiment dans la vie. Mais tout de même si j'ai envie de t'en parler c'est que cela a bel et bien attiré mon attention pendant quelques secondes. Le mot clef de tout cela tu l'as compris c'est "attirer ton attention", voir te distraire de la liste de raisons pour lesquelles tu étais en train de surfer sur le net. Parfois ça marche vraiment, par exemple quand Antoine BM t'envoie son mail quotidien et qu'il te propose de créer ton école en ligne ben ça fait mouche. J'ai donc décidé de me payer la formation d'Antoine que je connais assez bien désormais, cela fait une année environ que je le suis que j'observe ses stratégies, et je ne peux pas être autrement qu'admiratif. C'est un jeune homme pragmatique qui sait ce qu'il veut et qui sait l'obtenir visiblement. Alors que moi je suis un vieux de 60 berges qui a passé sa vie à changer de point de vue, de religion, de femme, de job , à errer, bref à voyager autrement qu'en charter parce que cela n'allait pas avec mes genoux. Un jour un gars m'a dit "pierre qui roule n'amasse pas mousse" La belle affaire, qu'est ce que j'en ai à faire d'être plein de mousse lui ai répondu derechef ! je suis venu au monde nu j'en repartirai pareil ! Mais du coup si je te parle de ce jeune aujourd'hui c'est parce que je suis victime d'une étrange nostalgie. Si j'avais 25 ans aujourd'hui il est certain que je serais dans cette mouvance de vendre mes formations en ligne sur un tas de sujets plus ou moins intéressants. Si j'avais 25 ans aujourd'hui je ne serais pas salarié je serais déjà à mon compte et je ne posséderais pas beaucoup plus que ce que je possédais à 25 ans déjà , c'est à dire que j'aurais en plus un Ipad, un Yéti, peut être un clavier bluetooth, un hub pour pouvoir utiliser tout ça et puis un petit sac d'habits. Et je serais souvent en voyage car avec le net on peut bien travailler de partout on s'en fout. Si je regarde leur parcours à ces jeunes, car il y en a plusieurs que je suis attentivement mais je ne vais pas les citer tous. Une chose qu'il m'ont apprise importante, c'est l'idée d'investir sur soi. A part dans les années 90 où j'ai décidé de suivre une formation de PNL payante, je n'ai guère investi sur moi par ce biais. J'ai investi du temps dans les études pourtant, dans les bibliothèques, , j'ai investi du temps dans mille et un naufrage sentimentaux et professionnels, mais je n'ai jamais eu vraiment envie de me former pour acquérir des méthodes rapides et efficaces afin de "gagner ma vie" C'est ce que proposent tous ces jeunes gens, investir sur soi , c'est à dire leur acheter du contenu de la formation pour des sommes relativement modiques. Le pack d'Antoine pour créer son école était en promo et dans mes cordes alors j'ai sauté le pas. C'est vrai que mon plus gros problème c'est de trouver un ordre pour organiser les choses. Un plan d'action, j'ai tendance à partir dans plein de directions en même temps, un plan en étoile loin du centre névralgique des choses justement, c'est à dire l'action. ou plutôt je vais dire que je réalise des actions désordonnées , des actions qui n'ont rien à voir les unes avec les autres bien souvent. Alors là me suis je dit si je ne passe pas à l'action c'est vraiment nul. Un peu comme un patient qui entre en psychanalyse, je me suis dit je paie donc je fais gaffe, je suis sérieux merde faut rien louper. J'ai essayé aussi la psychanalyse, une fois. Je me suis tiré en quatrième vitesse. J'ai épousé une psychanalyste pour achever d'en finir avec la psychanalyse. Dans le fond je pourrais me réjouir de n'avoir jamais pris le temps d'établir un vrai plan d'action dans ma vie car je n'aurais tout bonnement pas eu cette vie là dont je ne suis ni fier ni honteux dans le fond. Mais bon comme je vais avoir 60 ans en janvier je me suis dit que c'était peut-être un soubresaut utile à la suite Qu'est ce qu'on ne donnerait pas finalement pour s'illusionner encore un peu ..? Et tu vois il se pourrait bien que pour passer à l'action justement il ne faille pas se poser toutes ces questions, il faudrait avoir 25 ans et foncer même si c'est dans un mur, ce n'est pas bien grave. Du coup voilà une résistance au changement comme j'ai l'habitude d'en fabriquer à tour de bras et si tu es un peu dans ce même type de fonctionnement inscris toi à mes contacts privés pour commencer, tu recevras une liste de bonne raisons que l'on s'invente communément pour ne pas faire les choses et comment contourner cette manie. https://urlz.fr/aSST|couper{180}
Carnets | octobre
Le mensonge de l’art.
Ce matin je me réveille avec la gueule de bois. Nuit agitée à élaborer des argumentaires de vente, des arborescences d'offres de formations, des plans, des listes. Cela m'avait déjà fait ça je m'en souviens lorsque, il y a maintenant presque 30 ans, j'ai commencé à jouer aux échecs. Je rêvais les parties durant la nuit et je me réveillais la tête dans le cul évidemment. Alors peut-être que toi aussi tu ne dors pas très bien en ce moment parce que tu ressasses ta journée passée ou celle à venir. Tes rêves ressemblent à de grosses lessiveuses d'où l'on t'extirpe rincé, crevé au matin. J'ai envie de dire que c'est plutôt une bonne nouvelle pour toi, c'est parce que quelque chose bouge au fond et que ton cerveau lance les dés, invente des futurs possibles durant la nuit. On dit souvent que lorsqu'on veut trouver la solution à un problème il faut s'endormir en y pensant et la solution arrive le matin. C'est vrai ! Et tu vois, ce matin, la première chose qui m'est venue à l'esprit, avant même de prendre mon café, c'est l'art. Et je me suis aperçu que je n'étais plus du tout hypnotisé par celui-ci désormais. Tu sais cet art tel que je l'ai ou que tu as toujours perçu ou tel qu'on te l'a toujours présenté et qui dans le fond (c'est dur à avaler) mais tant pis, allez, je te le dis : L'art n'est rien d'autre qu'un gros mensonge de plus. Et oui, pendant que la Californie crame, que l'Amazonie crame, que l'Afrique crame, pendant que partout le monde est en train de cramer, de se déliter, j'ai bien l'impression que tous les mensonges s'éventent en même temps et que tout est en train de s'évaporer vers le ciel bleu. La démocratie, mensonge. La république, mensonge. La politique, mensonge. Le terrorisme, mensonge. Bref, comme tout part en cacahuète, pourquoi pas l'art aussi ? Évidemment je n'invente pas le fil à couper le beurre, l'art est déjà parti en cacahuète depuis belle lurette avec la plupart des créations inventoriées avec l'étiquette « contemporaines ». Évidemment les bidules en plastoque de Jeff Koons posés au centre de la cité, c'est le pied de nez ultime à toute velléité de gravité, de sérieux dont pouvait encore s'auréoler l'art jusqu'à peu dans le fond. Alors effectivement, vu sous cet angle, comment ne pas rigoler de ceux qui gravement vont te parler d'art. Qui vont pontifier sur l'art. Tu auras alors deux solutions : leur rire au nez ou en sourire. D'un autre côté, l'art a toujours existé. L'homme ne peut s'en passer. L'art du mensonge accompagne la recherche du beau depuis toujours et ce n'est pas un hasard si les deux marchent côte à côte. Peut-être n'est-ce plus tant le beau que l'on cherche désormais mais le juste, et cette dérive du beau vers la justice est encore une errance j'en ai bien peur. Car tout de même, lorsque je regarde les statues du paléolithique, lorsque je regarde les cariatides étrusques, lorsque je sombre dans le regard obscur d'un Modigliani, quand je suis secoué tout entier par les frontières inouïes que Marc Rothko installe entre ses grands rectangles de peinture. Cette émotion n'est pas mensongère. Elle est écho, résonance face à un silence, un mystère. Est-ce pour autant le « beau », je ne sais pas. Et je ne parle même pas de « l'étoilement totémique » des œuvres chamaniques d'un Thierry Lambert qui par la symétrie nous ramène à un essentiel perdu dans le fond des temps. Le beau est devenu presque une banalité désormais. C'est d'ailleurs la seule chose que les gens disent dans mes vernissages globalement. Intérieurement je leur dis : oui si vous voulez, c'est beau mais ça ne nourrit pas. La beauté ne nourrit pas au sens propre comme au figuré. La beauté des œuvres d'art comme la beauté des femmes comme la beauté des romans, comme la beauté des mensonges, ce qui la rend belle justement c'est le mystère qui généralement les accompagne. Que ce mystère soudain vienne à s'éventer, c'est comme un soufflé qui retombe et on n'a plus qu'à être bienveillant avec la maîtresse de maison désolée tout en n'en pensant pas moins en repartant.|couper{180}
Carnets | octobre
Savoir bien dessiner
Parmi ces trois mots deux ne servent à rien et je vais t'expliquer pourquoi. La plupart des gens pensent qu'il faut savoir dessiner, et donc que ça s'apprend. Mais rappelle toi quand tu étais gamin tu t'en fichais complètement, de savoir dessiner, tu dessinais et puis voilà ! Ensuite que peut bien vouloir dire "bien dessiner" par rapport à qui ? par rapport à quoi ? Savoir bien dessiner implique aussitôt un savoir mal dessiner .. oh mon crayon balance entre les deux pôles j'ai les chocottes maman ! Bon ok si tu feuillettes les carnets de croquis de Léonard de Vinci, et que tu as comme ambition de dessiner comme ça, il va te falloir bosser un peu. Mais pourquoi voudrais tu dessiner comme Léonard de Vinci, puisque c'est déjà fait, plié, enterré, il n'y a qu'un Léonard et puis voilà ! Ensuite rappelle toi aussi qu'à son époque il n'y avait pas les smartphones ni les reflex numériques qui permettent désormais d'avoir des photographies nettes et sans bavure, de jolis portraits, de jolis paysages. Alors tu peux prendre ça comme un challenge de dessiner aussi bien que Léonard bien sur, tu peux copier sa manière, mais est ce que ça va vraiment t'apprendre à dessiner je ne le crois pas. Car pour moi dessiner c'est avant tout s'exprimer avec justesse, montrer qui on est, donc la seule chose que tu peux faire c'est dessiner comme toi tu le sens. Et pour ça tu n'auras besoin que de temps chaque jour pour t'y mettre et réfléchir sur ce que tu as fait au bout d'un moment. Au début ton œil sera pratiquement aveugle, tu ne verras pas grand chose, et tu auras tendance à dire bof, c'est pas terrible, aller corbeille... C'est une erreur, garde tout au contraire, dans un pochette, et mets bien la date à chaque fois que tu réalises un dessin, ta signature et la date. Parce que tout ce que tu fais en dessin compte, tout ce que tu fais en dessin est précieux. Parce que si tu mets ce que tu dessines à la corbeille cela veut dire que tu as perdu ton temps et que tu n'estimes pas ton effort. L'estime de soi est importante ( sans en abuser non plus ) alors conserve, chouchoute tout ce que tu produis et tu m'en diras des nouvelles dans quelques années quand ton œil sera plus ouvert quand sur ces premières esquisses tu comprendras qu'il y a avait déjà la trace, les prémisses d'un talent à venir. Concernant le "bien dessiner" c'est souvent un avis qui provient des autres. C'est assez facile dans le fond de "bien dessiner" quand tes dessins correspondent à ce qu'attendent le plupart des gens concernant un visage, un paysage. Mais dans le fond "bien dessiner" est souvent un mensonge que tu commences par te faire à toi-même. Alors peut-être que "savoir bien dessiner" n'est rien d'autre qu'un faux problème que tu places sur ton chemin pour ne pas te mettre à dessiner vraiment. C'est à dire dessiner comme tu es comme personne .. et voilà ce qu'a super bien compris Mac Donald quand il t'invite à venir "comme tu es" dans ses établissements. Si ma manière de voir les choses dans ce domaine te plait, n'hésite pas à t'abonner à mon blog, et puis il y a aussi un lien que je place juste en dessous pour faire partie de mes contacts privés https://urlz.fr/aSST|couper{180}