Il était dévoré. Étouffé. Possédé.
C’était toujours la même histoire. Des mots lourds, inévitables, qui s’installaient là où il ne les voulait pas. Des participes passés. Des mots qui avaient déjà tout dit avant même qu’il ouvre la bouche.
Et lui, malgré lui, il y avait participé.
Il ne savait pas comment c’était arrivé. Pas exactement. Peut-être que c’était écrit quelque part, avant même qu’il le sache. Un cri bloqué. Une main qui s’était abattue. Une absence d’air, un silence qui s’était rempli. Les participes passés, c’était ça : des choses qu’on ne pouvait pas refaire, des restes trop lourds pour disparaître.
Dévoré, il avait senti les dents.
Étouffé, il avait manqué d’air.
Possédé, il avait senti le poids d’un autre en lui.
Mais c’était aussi lui. Ce qu’il avait fait. Ce qu’il n’avait pas fait. Ce à quoi il avait participé.
Il baissait la tête parfois, souvent même. C’était plus facile comme ça. Mais le poids restait. Comme s’il ne pouvait pas vraiment fuir ces mots. Ce n’étaient plus que des souvenirs. Ce n’étaient plus que des participes. Mais ils continuaient de l’habiter.
Il se souvenait. Ça revenait par vagues. Les dents, le cri, le poids. Chaque fois qu’il se taisait, qu’il se laissait faire, qu’il attendait que ça passe, il y participait encore.