La saveur épicée du tabasco se mélange au souvenir d’une belle attendant sagement quelque part, à Tobosco. Cette amusante confusion que provoque la presque homonymie des mots pourrait bien glisser vers quelques grossièretés si tu te laissais aller. Et serait-il impardonnable de te laisser submerger par une scène apocalyptique autant que tristement ridicule : l’Apollinaire en train de tringler la Marie Laurencin au beau milieu d’une mare de sang à l’apogée de ses menstrues ?
Et si la poésie sodomise soudain dans son élan la peinture, est-ce si gênant ? D’autant plus que la peintresse pompe le poète au sens figuré comme au propre ne serait pas exceptionnel. L’interaction y gagnerait soudain en images, n’est-ce pas, même si ton petit côté enfant de chœur essaie d’amoindrir, avec plus ou moins de bonheur, d’humour, de fausse indignation, tout en faisant cette moue horrifiée. Cette effraction, malgré tous ces efforts dérisoires, reste une effraction.
Et en quoi aller chercher ce souvenir rapporté par un tiers est-il pertinent ? En quoi apportera-t-il de l’eau à ce moulin qui n’en a pas besoin puisque ses ailes n’obéissent qu’aux vents ? Mais il y a bien là un ennemi gigantesque, la moustache d’Alonso Quichano en frémit, ça ne te trompe pas — il va certainement dire quelque chose d’absurde pour l’occasion — comme par exemple : « Passe-moi vite mon dard, mon vieux Sancho, que je coure sus à l’ennemi », un bidule idiot du genre.
Mais au fait, qui est ce Sancho ? D’où vient-il ? Quelle est son histoire ? De quel trou du cul du monde sort-il, et pourquoi reste-t-il avec ce type complètement déjanté qui ne lui file aucun salaire, l’insulte et lui donne du bâton ? Grande question !
Les lèvres de Sancho sont sensuelles, elles ont la couleur du sang chaud qui court dans les veines d’Alonso, mais c’est un animal à sang froid. Quand les lèvres bougent, elles le font avec prudence, parcimonie ; on ne voit que très peu de néant entre elles, mais plutôt une double rangée de dents limées, un sourire éclatant.