Vania vieux russe blanc fume des cigares des voltigeurs dénicotinisés en boite de cinq à cinq francs. Cela lui revient d’un seul coup dans son souvenir à cheval à l’arrière ils se dirigent en première ligne c’est la nuit où tous les hommes en uniformes sont gris le silence est épais et là haut la lune ronde saute comme un poix du Mexique au fond d’un grand vortex.

Destinée de tirailleur— accroupi sur la croupe d’un cheval bai il — fait désormais partie de l’élite — des fantassins/ assassins/ cosaques/ et autres brutes.

Son cigare est de traviole —Vania est mithridatisé— il ne craint plus la peur de l’avoir tant humée jour après jour / nuit après nuit — sur la berge du lac Ladoga — seule issue pour fuir Léningrad —assiégée 872 jours / et autant de nuits — le plus souvent glacées.

Vania petit moujik d’une mètre soixante à peine un jour prit la route de la vie à cheval sur la croupe d’un cheval bai anachronique. Sous sa toque les yeux plissés d’un Mongol de l’Oural, rompus à l’exercice de voir dans le brouillard et la nuit.

Vania, après la Grèce , arrive à Paris — le cheval fourbu n’est plus qu’un souvenir —il est au volant d’un joli taxi/ il conduit les gens dans les beaux quartiers entre Passy et Neuilly. Aux lèvres il a toujours un vieux cigare/ un voltigeur éteint qu’il n’allumera jamais plus.

Image en avant : Par Yoneh, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1655628