septembre 2025

Carnets | septembre 2025

06 septembre 2025

En relisant Ténèbres en terres froides de Charles Juliet. La cohorte. Je croyais à une troupe en marche, c’est l’école de santé qu’il quitte. Médecine abandonnée, avenir assuré rompu. Une pension puis plus rien. Petits boulots, la faim, chambres sombres, solitude partout. Il choisit d’écrire. Non l’idéal mais la peur. Mettre sa vie en gage. Je m’agace de m’y reconnaître. La plainte tenue comme fil. Non décorative mais vitale : « cesser de dire ma douleur, c’est cesser de vivre ». Moi je l’ai tue. Bars, filles, voyages, errances, interdits. Le matin costume gris, sourire plaqué jusqu’au soir. La trahison revient à date fixe. Pas de supériorité. Me découvrir plus dur, plus mauvais, sans cœur. La culpabilité suit la trahison comme la souffrance suit son écriture. Pas de faute morale. Des outils. Le moteur. Cette dureté, la sienne, la mienne, n’est-elle pas un héritage. Refus du schéma attendu de la virilité, mais infiltrée autrement. On croit faire différemment, au bout du compte c’est la même empreinte. Étrange : au début nous voyons faiblesse, non force. Nous nous leurrons entre ces deux mots. Souffrance, trahison, culpabilité : non des failles, mais les outils qui dessinent le moteur. Et l’écriture comme seule issue, ridicule et donquichottesque, tendre vers l’inatteignable jour après jour. Moi j’ouvrais un carnet, j’inscrivais une date, je refermais. Ma douleur ne sortait pas. Ce que je cherchais n’était pas d’écrire, mais la patience. La patience de me tenir face à l’inatteignable. Puis l’ennui, force vive. L’écriture est venue par ennui. Les pages se sont noircies. De quoi, sans importance. Je voulais seulement me vider de ma propre importance. Ce sont les femmes qui m’ont parlé de Charles Juliet. G. le connaissait bien. Il avait été question qu’elle nous présente. C’est à cette occasion que j’ai acheté Ténèbres en terres froides, probablement à la librairie du Passage, à Lyon. En lisant ce premier texte, j’avais été à la fois agacé et admiratif. Impossible de choisir. Alors j’ai éludé la rencontre. Que ce soient elles qui me vantaient ses écrits me l’a rendu suspect. Elles avaient reconnu dans cette inversion entre faiblesse et force une mécanique qui leur correspondait, en plein contexte de libération. Elles comprenaient. -- Chaque fois que je me dis c’est mauvais, c’est idiot, c’est ridicule, je fais l’effort de sortir de mon corps pour me le dire. Ce qui m’agace, c’est cette manie de vouloir encore faire des efforts. -- Assumer le silence. Assumer : prendre sur soi. Encore faut-il être sûr de disposer de ce soi.|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

05 septembre 2025

Réveillé tôt. En sortant dans la cour la sensation de brouillard. Plus une sensation que… et aussi le refroidissement de l’air. Toute l’humidité déposée par la journée d’hier et la nuit. Et encore une fuite. Hier après-midi j’étais en train de lire quand un plop plop agaçant… j’étais en train de lire La Compagnie des spectres de Lydie Salvayre quand soudain… et j’ai failli me tuer en grimpant sur l’escalier escamotable menant au grenier. Les pièces de ferraille reliant les deux parties… plus de peur que de mal. Mais têtu j’ai rafistolé et je suis monté. Une fenêtre donnant sur la façade sud mal fermée. Ou plutôt non… je croyais au début qu’elle était mal fermée. L’eau s’est abattue en biais, giflant la façade, et la fenêtre mal isolée… simple vitrage, cerclée de fer rouillé. L’eau est passée dessous, a imbibé le plancher, et de là s’est mise à couler dans la chambre en dessous. Plop, plop… Il ne manquait plus que ça. Puis nous avons mis une bassine et nous n’avons plus parlé de ça. On l’a oublié. Jusqu’à ce matin où ça me revient. La goutte d’eau qui… En plus le bouquin commence par une missive administrative, une lettre d’huissier. Tout cela fait une sorte de blot. Tout cela c’est de l’insupportable à filet continu. Je ne parle pas du reste… de la situation du monde en général. On a beau dire que ça ne nous regarde pas… quand même. Et aussi j’entends des bruits. Une sorte de moteur. À cinq heures du matin, un bruit de moteur, très bas, mais insistant… de légères variations dans la courbe. Quand j’entends des bruits je visualise des courbes, des fréquences… c’est nouveau. À moins que je ne m’en rendisse pas compte avant. Maintenant tout m’effraie ou m’agace… ou m’agace et m’effraie. Quel ordre… difficile à dire. Et un instant, tandis que j’étais suspendu en l’air… tout mon poids au bout des doigts, accroché à ce morceau de bois, le cadre, cette fatigue… et en même temps cette trouille. Bref. Cette vulnérabilité, et tout ce poids qui ne tient qu’au bout des doigts. J’aurais pu lâcher mais je ne me serais que blessé. Peut-être un os cassé, un muscle froissé. Le doute de mourir sur le coup vite passé, chassé. Et l’agacement immédiat à la lecture du mot huissier, ajouté au martèlement de cette goutte d’eau tombant du plafond sur le parquet. C’est de tout ça qu’il faut parler, écrire. Sinon quoi d’autre. Ce dont tout le monde parle… mais c’est trop facile, et surtout c’est encore plus fatiguant que tout le reste. Car on peut encore trouver du reste. On peut toujours en chercher, et donc, au bout du bout, en trouver. Je disais donc insupportable… le moteur s’est arrêté et j’entends désormais des bruits comme si quelqu’un déchargeait un camion… non, comme quelqu’un qui, une fois le camion vidé, marche à l’intérieur de la remorque. Je note ce qui me revient. Des grâces japonaises… J’espérais par ces grâces toutes japonaises faire oublier le désordre indescriptible qui régnait dans l’appartement. Excusez le désordre (le foutoir, faillis-je dire), dis-je. L’huissier garda un visage parfaitement inexpressif, balaya la pièce d’un œil morne. Êtes-vous en possession d’un véhicule terrestre à moteur ? me demanda-t-il à brûle-pourpoint. C’était là un curieux introït. Quoi ? dis-je. Avez-vous une auto ? me demanda-t-il avec une pointe d’impatience. Non, dis-je. Rien que ça me replonge immédiatement dans l’insupportable ambiant. J’ai ouvert le livre, il est à côté, juste là, sur la table. J’ai recopié ce passage. C’est tellement possible que j’aie été ça aussi, que je le sois encore. Aplatissement devant la « force publique » : huissier, avocat, juge, policier, gens d’armes. D’un autre côté. Il y a toujours un autre côté. Se souvenir de la honte la première fois. Tu ouvres une porte d’entrée et tu vois un huissier. Ils ne lisent plus dans le détail. Ils demandent si c’est bien toi avant tout. Et quand ils en sont assurés, ils tendent leur bout de papier tamponné. Je me souviens avoir protesté les premières fois. Puis j’ai pris l’habitude de me taire. Il m’est même arrivé de dire « merci, bonne journée ». De me dire qu’après tout il en faut, ces types font leur boulot. Et puis pas plus. L’arrivée d’un huissier est proche d’un événement climatique, voilà tout. Et si, dans le fond, c’était cette peur des huissiers qui faisait que certains faisaient tout bien comme il faut. Et si, une fois cette peur abolie, réduite à une pluie passagère — à condition de ne pas être, en plus, emmerdé par une fuite au plafond… Et si, au bout du compte, la dégradation des institutions, la dégradation économique et politique venait du fait que la répétition permettait à chacun d’affronter ces vieilles peurs, et qu’une fois affrontées nous n’en ayons plus vraiment peur, mais seulement de l’agacement, de l’énervement. Mais qu’est-ce qui énerve ainsi… je veux dire cette sensation d’être énervé désormais tout le temps. Tellement qu’on ne se rend même plus compte qu’on est énervé. Il faut un effort étrange pour sortir un instant de cet énervement et le voir tel qu’il est. Comme une entité qui posséderait le corps et la cervelle, de manière continue et simultanée. Hier travaillé un peu sur le site. Le matin deux élèves seulement. Nous avions prévu un voyage à la déchetterie, mais il pleuvait des trombes. Flyers à distribuer aussi, raté. L’après-midi je me suis replongé dans le code. Rien ne va. Comme pour l’énervement : il faut tomber par hasard sur le pas de côté. Voir autrement. Rien ne va… non. Ce sont les détails qui s’accumulent, qui fabriquent cette illusion. Rien ne va, plus rien ne va, et ça ne va pas s’arranger. Alors j’ai remis à plat. J’ai passé tous les squelettes du site local à la moulinette Deepseek. Rien trouvé. Le problème est ailleurs. Dans la conception même de la navigation. À la fin c’est limpide. J’habite l’agacement. J’erre. Je navigue à l’estime entre ces deux pôles. Je ne sais même pas moi-même où je vais. Mes doigts serrent encore le bois du cadre, les touches, le clavier. Ne pas lâcher, tenir. Tenir pour tenir. Plus tard dans la journée. Nous revenons d’une promenade sur les hauteurs de Roussillon. Je voulais me souvenir du nom de cette rue où nous avons tourné juste avant l’ancien atelier de poterie, mais je l’ai oublié. De plus en plus de choses sont ainsi oubliées. Est-ce parce que, dans le fond, elles ne revêtent pas une réelle importance. Qu’est-ce qui est encore important. Parfois j’ai bien peur que plus rien ne le soit vraiment, d’où cette fuite mémorielle. Promenade agréable et nous en avons profité pour distribuer les flyers que j’ai fait confectionner par une imprimerie du village. C’est plus cher que de le faire par internet mais ça fait travailler un artisan du pays. Pas beaucoup plus cher. Aperçu sur le chemin des potagers qui m’ont rendu nostalgique de celui que nous avions entretenu durant des années à O. Puis je me suis souvenu du boulot que ça représentait et la nostalgie s’est évanouie. J’ai commencé à lire ce matin le journal d’août de T.C et en rentrant j’ai eu envie de le lire jusqu’à la fin. Ce que je remarque c’est la brièveté des entrées qu’il livre avec de magnifiques photographies de sa région. Grande cohérence due à cette forme brève, au « je » qui n’est pas pesant. Est-ce le lecteur qui fabrique cette cohérence en imaginant ce qui n’est pas dit entre ces fragments. Il y a une grande mélancolie accompagnée de temps à autre d’une forme d’âpreté, voire de brutalité, qui ne s’explique qu’en raison de cette mélancolie. Ce que je peux voir en miroir de mes propres écrits. Je veux dire que, sans doute, la brutalité nécessaire pour m’extraire de ma propre mélancolie, je la projette sur mes lectures. Reçu deux messages de C. Merci. Mais je ne sais vraiment quoi répondre. Je vis ici désormais dans mes textes, je n’ai que peu de contacts avec l’extérieur. Pour la peinture, quelques élèves. S. bien sûr. Sinon je n’éprouve pas l’envie de parler parce que parler n’est pas écrire. Parler ne m’apprend rien, ne m’apprend plus rien. Ce qui me rappelle cette scène rapportée, je crois, par Charles Juliet concernant Bram Van Velde et Beckett capables de passer l’après-midi ensemble sans échanger un seul mot. Puis de se séparer en disant « c’était bien ». Le fait de lire les autres sans entrer en contact via les commentaires crée un espace, probablement imaginaire, mais qui me convient. J’ai même parfois la sensation d’une réciprocité silencieuse. C’est très agréable d’y songer et surtout tout à fait inoffensif.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

04 septembre 2025

Mon père revient par bouffées, avec l’automne, toujours l’automne, comme un effondrement lent qui commençe par la rentrée. Cahier neuf, cartable de cuir, pantalon long, chaussures neuves. Puis la marche vers le bourg, l’école communale, la promiscuité des autres, leur violence, leur innocence. Pour lui l’école était la clé, lui qui l’avait quittée à seize ans pour s’engager dans les fusiliers marins et partir en Corée. Fils unique d’une femme seule. Son père à lui n’était pas mort à la guerre, il était seulement parti acheter des cigarettes et n’était revenu que douze ans plus tard. Cette histoire je me la suis répétée des dizaines de fois, à quoi bon la reprendre encore, pour en finir peut-être, mais en finir avec quoi je n’ai jamais su. La vanité de tout cela me blesse, mais c’est peut-être au moment où elle devient insupportable qu’il faut écrire. J’étais d’une timidité maladive, les voix fortes me terrifiaient, les gestes brusques me faisaient reculer, et j’entendais la voix de mon père me traiter de femmelette. Sa virilité était factice, une armure lourde qu’il croyait bienveillante en me l’imposant. Je peux mesurer aujourd’hui le chemin qu’il dut parcourir pour avoir l’air d’un homme, au sens où sa génération l’exigeait, en écrasant toute velléité de sensibilité. Il ne m’émerveilla jamais par ses cris, par ses coups, par sa violence. Je fus plus vieux que lui très tôt, me sembla-t-il, et avec cette vieillesse une empathie étrange m’accompagna sur la route vers l’école. Qu’allais-je donc y apprendre, sinon ce qu’il m’avait déjà transmis, l’injustice inouïe des proches. Sans doute avait-il connu le même ennui, une autre histoire mais le même poids, et dans le fond l’ennui nous réunissait, mais nous ne savions qu’en dire. Cette honte d’être ce que je suis je crois qu’il me l’a transmise. Lui voulait être un autre, et tout son malheur vient du fait qu’il y est parvenu. Il avait cru qu’en usant des armes des autres il deviendrait cet autre, qu’il oublierait qui il était, mais sur le tard la lucidité l’a rattrapé. La mort de ma mère en fut le signal. Je revois ses chemises jamais assez blanches, les costumes confiés au pressing, et l’emploi de cireur de pompes qui m’était assigné. Je n’ai jamais craché sur le cuir comme dans les films, j’aurais dû, j’aurais mis une distance, mais je cirais avec respect, servile, craignant toujours qu’elles ne brillent pas assez. Ce que cela dit de moi n’est pas reluisant, à des années-lumière de ce que pensent souvent ceux qui me côtoient. J’ai appris moi aussi à me composer une armure, à disposer d’armes tranchantes, sauf que j’évite la guerre. Je la désamorce. Je me mets plus bas que terre, ridicule, amoindri, déjà mort. Cette conscience aiguë de vivre au plus près de la mort je ne l’ai pas toujours eue. Elle accompagne une lucidité qui est peut-être la dernière illusion que je m’autorise. Je m’y accroche, car au-delà il n’y a probablement que le plus glacial des néants. Je l’entends encore parler avec sa chienne. Il n’a jamais su qu’entre virilité et sensiblerie il existait une zone apaisante : la sensibilité. Le jour où il l’a découverte il était déjà trop tard. Frappé par un cancer du pancréas, il s’illusionna de pouvoir s’en sortir pour entrer dans ce nouveau monde. Quand il sut que cela ne lui serait pas permis il s’écroula comme un chêne abattu, en pleine forêt. La fin du monde ne demande pas de responsable. Quand bien même tu voudrais t’en désigner un, il n’y en a pas. La fin ressemble au commencement : sans raison. Tu te débats dans les cercles concentriques d’un caillou jeté toi-même dans l’eau. Tu te crois responsable parce qu’il faut bien l’être de quelque chose. Toute cette énergie liée à l’implication finit par paraître dérisoire. Puis te reprend un sursaut, comme une remontée d’acide, la même qu’avec la religion. Le Notre Père s’est effacé de ta mémoire, il ne reste que le goût âcre de l’invocation. Tu es un singe qui remonte sur l’arbre en pensant retrouver la joie, mais la branche plie sous ton poids. Voilà où mène l’implication : à croire qu’un geste suffit pour revenir en arrière, alors que l’arbre est déjà creux.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

03 septembre 2025

une tension ancienne, toujours là : une langue distingue, l’autre soude. La savante trace des frontières, parle à l’initié, signe d’érudition plus que partage. Elle suppose mémoire, héritage, retrait. L’ordinaire circule sans effort : slogans, votes, cris de stade. Elle se dit « naturelle » mais n’est qu’un autre code, inculqué, régulé. Deux pôles : l’entre-soi rare et le collectif saturé. Logos contre vox. Le grec, le latin, le code informatique fonctionnent comme filtres ; l’ordinaire inclut, parfois jusqu’à étouffer. Chaque fois que je m’assois pour écrire, la tension revient. Je n’aime pas, je compose. Ne pas choisir. La précision fermée du code et l’ouverture vague du cri. Non pas compromis, mais frottement. Comme deux silex : espérer le feu. Écrire avec deux voix qui s’opposent et se nourrissent. La savante fore, donne des instruments rares ; l’ordinaire m’ancre, me sauve de la tour d’ivoire. Tenir ensemble isolement et collectif. Un texte pour tous, mais qui garde son grain d’exception. hier, rendez-vous à C., anesthésiste. Cinq minutes, cinquante-cinq euros. Puis bureau des préadmissions. Jeune homme appliqué, collier de barbe, pas un sourire. Relit mon dossier, me fait réécrire ce que j’avais déjà inscrit. Mon nom, encore. Ma signature, encore. Chaque trou pointé du doigt. Son stylo qu’il ne reprendra pas. Je l’imagine, une fois parti, l’essuyer, le jeter à la corbeille. — « Quand vous viendrez le neuf il faudra cette fois passer au bureau des admissions », conclut-il. « Ça ira plus vite puisque vous avez déjà remis le dossier. » étonnement des premiers jours d’automne. Air plus frais au matin, lumière persistante. En approchant de Lyon, nuages massifs sur un ciel d’été dense. Puis le Rhône, à la Mulatière : présence palpable, s’écoulant comme un long serpent. après l’hôpital le supermarché, Montessuy. Enseigne oubliée, changée tant de fois. Cannellonis, danettes goût café. au Vernay, deux étages difficiles à gravir. E. ouvre, frêle. Deux mois sans la voir. Elle ne se souvient plus de mon prénom. Elle compense par un grand sourire, « contente de vous voir ». La joie dure peu. S. la gronde : — « maman je t’avais dit de sortir trois assiettes ». Dans le réfrigérateur, les assiettes empilées. Je tente une plaisanterie, ça ne passe pas. S. se fâche. E. dit non désormais. Non au melon, non répété, ferme, enfantin. Tension posée sur la table, digestion compromise. après le repas, S. lui fait les ongles. Elles prennent le café ensemble. Je les laisse. J’allume la télévision, m’allonge. Le calme tombe. Le son, n’importe quel programme, m’endort presque aussitôt. de retour à la maison, je range un peu l’atelier. Coup de fil de P. qui se réinscrit, viendra le jeudi matin. Le rangement dure peu, un quart d’heure, vider encore un tiroir de vieux papiers. Le fait d’avoir eu T. au téléphone avant-hier : les difficultés de R. opéré, son angoisse qu’il ne s’en sorte pas. Ses larmes dans l’appareil. Le fait que j’ai pensé qu’elle pourrait venir à la maison si tout tournait mal. Le fait que je l’imagine dans la chambre d’amis. Le fait que nous sommes tous pendus à la toile du destin et qu’une telle épreuve peut tomber sans prévenir. Bourdon terrible. Pensé à mon propre après, à S. seule dans la maison, à S. et T. ensemble peut-être. Alors mieux valait se remettre au code. Ce que j’ai fait. J’ai utilisé Deepseek cette fois pour modifier ma page d’accueil. Plus rapide que ChatGPT, moins d’erreurs. En quelques minutes l’IA chinoise a résolu un problème que la dernière version de ChatGPT n’avait pas su débloquer malgré plusieurs demandes claires. J’emprunte cette idée à T.C : créer une liste d’articles qu’il partage chaque dimanche « depuis sa terrasse ». Je ne pense pas, pour ma part, partager ces articles chaque semaine. Ils resteront accessibles, comme tout ce que je publie sur le site, sans passer par les réseaux. L’idée est plutôt d’en faire un journal des points d’intérêt qui m’auront marqué en lisant, semaine après semaine. J’ai ajouté deux nouveaux articles à la rubrique Histoire de l’imaginaire , encore peu fréquentée — ce qui est normal, puisque je ne l’ai pas partagée sur les réseaux sociaux. Pour cela : création d’un fichier lien.html dans le dossier modèles. [(#ENV{cat}|oui) [(#VALEUR|trim)] ] [(#ENV{titre})] [(#ENV{desc})] Ce qui permet ensuite d’écrire les liens dans un article hebdo avec cette syntaxe : littérature Génica Anasthasiou, l’anti-muse d’Antonin Artaud "J’ai commencé par la fin, en cherchant où pouvaient avoir été déposées ses archives personnelles après son décès. Cela m’a conduite à la maison de retraite des comédiens à Pont-aux-Dames, où j’ai été très bien reçue. Il y avait en effet dans le grenier un carton « Génica Athanasiou », empli de dossiers de photos et de documents. J’ai passé une journée à tout inventorier et photographier." histoire Les Vikings en Amérique Du bois ayant gardé trace d’un événement cosmique nous apprend qu’il y a mille ans très exactement, en l’an 1021, les Vikings étaient en train d’abattre des arbres à Terre-Neuve sciences Une comète provenant d’un autre système solaire possède une chimie inédite Une comète interstellaire récemment découverte intrigue les astronomes : elle traverse notre système solaire à toute vitesse avec un profil chimique jamais observé auparavant. Officiellement nommée 3I/ATLAS, elle n’est que le troisième objet confirmé provenant d’un autre système stellaire.|couper{180}

Autofiction et Introspection Récit réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

Carnets | septembre 2025

2 septembre 2025

Écrire l’impossibilité d’écrire, je crois qu’un grand nombre de textes sur ce site tourne autour de cette idée. Dans ce cas écrire c’est tenter de masquer un vide, d’essayer de l’habiller au moins, peut-être tenter d’en faire un vide décent. Cela me ramène à l’enterrement de mon père. Je n’avais pas de costume et, en aurais-je eu un, je ne pense pas que je l’aurais mis. J’y suis allé en jean et chandail, avec un blouson par-dessus parce que nous étions en mars et qu’il pleuvait. Nous ne nous parlions plus que rarement, de temps en temps un coup de fil où nous étions tout autant gênés l’un que l’autre. Ce genre de coup de fil pour ne rien dire sauf peut-être je sais que tu existes, je suis là, pas grand-chose d’autre. Je ne pense pas qu’il eût pris ma tenue pour de l’irrespect. Les jeux étaient faits depuis longtemps. Il savait que nous étions différents, il s’y était habitué. Je crois me souvenir que les derniers mois avant son départ nous étions parvenus à aplanir nos dissensions. Il y avait mis du sien en tous les cas, ce qui était suffisant pour que j’y mette du mien aussi. Le fait est que peu de temps passa avant que nous, mon frère et moi, mettions en vente la maison. Nous avons convoqué plusieurs agences immobilières qui toutes surenchérissaient l’estimation. La réalité est que nous ne devions pas être si pressés que nous l’imaginions, car un an passa sans qu’aucune offre ne se présente. Et puis soudain un coup de fil me fit remonter à Limeil-Brévannes. L’agent immobilier m’avait dit que ce serait bien de tailler la haie, car c’était un problème pour les acheteurs. Je remontai et achetai un taille-haie après avoir demandé à plusieurs paysagistes leurs devis. Je restai quelques jours car il y avait du travail. Je ne compte plus le nombre de voyages que j’ai dû faire à la déchetterie, à l’époque j’avais une Mégane et je ne pouvais pas mettre grand-chose même en rabattant les sièges. Et puis c’était une très longue haie de thuyas, quelque chose de très rébarbatif. Je travaillais une ou deux heures par jour puis ensuite j’explorais les armoires, les placards, les tiroirs. Les journées passaient ainsi sans que je les voie passer vraiment. Un objet aperçu, une photographie me plaçait hors du temps. Je prenais néanmoins un moment en fin de matinée pour aller faire quelques emplettes au bourg voisin, de l’autre côté de la RN19. En passant par les rues je reconnaissais les façades des maisons, je les avais connues en tant qu’écolier puis en tant que vendeur en porte-à-porte de véhicules neufs pour une concession Renault située sur la nationale. À l’angle d’une de ces rues je retrouvai la vieille baraque aux volets clos qui m’avait toujours intrigué. C’est lors d’une de ces promenades destinées à me dégourdir les jambes que je vis un camion de pompiers en travers de la rue. Un véhicule de police était garé derrière et il y avait un petit attroupement de badauds. Des ambulanciers sortaient un brancard sur lequel était étendu un corps recouvert d’une couverture ou d’un sac gris. Cette image m’a hanté une bonne partie de la journée et des suivantes. Quelques jours plus tard j’avais terminé le taillage de la haie et je m’apprêtais à repartir lorsque, toujours pour me dégourdir les jambes, je vis une entreprise de nettoyage s’activer dans la maison de la rue des Primevères. La mairie n’avait pas traîné. Ce devait être une personne seule, sans famille visiblement, et dans ces cas-là le ménage est rapidement effectué. Il y avait une grande benne garée devant la maison et les nettoyeurs s’en donnaient à cœur joie pour la remplir. En revenant de mes courses je me suis approché de celle-ci pour étudier son contenu et, d’un sac noir de cent litres, je vis déborder des cahiers d’écolier et de petits carnets. Les employés étant repartis, j’ai réuni tout mon courage pour grimper dans la benne et récupérer ces cahiers que j’ai fourrés dans mon sac Lidl. Ils ne contenaient rien d’extraordinaire, des notes tout au plus, et mon premier réflexe fut de vouloir m’en débarrasser. Mais je fus pris d’un scrupule. À cet instant j’ai imaginé une vie entière jetée aux ordures et j’avais du mal à le supporter. Après tout j’avais déjà ce même obstacle à résoudre dans la maison de mon père. Je m’étais dit que j’allais jeter ici aussi beaucoup de choses, mais au final je ne parvenais pas à m’y résoudre. Lorsque nous aurions enfin un acquéreur je m’y mettrais vraiment, me donnais-je alors comme excuse. J’ai jeté ces cahiers il y a seulement deux jours en rangeant mon atelier. Je crois que je les avais lus en diagonale par simple curiosité. Possible que cette idée de récupérer les cahiers d’un inconnu fût une sorte de fantasme d’écrivain. Qui sait si je n’allais pas trouver là matière à une histoire, à un roman. Mais je ne sais pas si l’on peut nommer ça de la pudeur, je n’ai jamais vraiment osé. Je m’en suis empêché plutôt. Qu’allais-je faire du vide d’un autre pour habiller mon propre vide ?|couper{180}

Autofiction et Introspection hors-lieu

Carnets | septembre 2025

1er septembre 2025

J’écris pour fabriquer un leurre, grotesque et bavard, afin de me tenir à distance de l’Innommable. L'horreur que m'inspire la vision de m'y confondre, l'insignifiance de ce leurre dérisoire Mais ce leurre bavarde trop, il parle trop, n'est-ce pas voulu qu' il se trahisse par son bruit. Je voudrais parfois qu’il soit muet, opaque, une carapace — et non ce moulin à paroles. Et souvent non, il ne faut pas que ça arrive. Chaque phrase que je pose accroît le danger, au lieu de me protéger. Au lieu de me protéger, quel lieu dans l'expression au lieu de Et pourtant j’écris encore : grotesque, bavard, fissuré — mon seul bouclier face à l’Innommable. Ce n'est pas tout à fait ça encore j'avance à couvert vers l'innommable mais dans quelle intention ?|couper{180}

Autofiction et Introspection hors-lieu seuils