Plutôt que foncer dans le mur pour prouver qu’il est là, peut-être faudrait-il le regarder autrement. Pas comme une frontière, mais comme un seuil. Je pense à la sculpture de Jean Marais, place Marcel Aymé. Le Passe-Muraille. Dutilleul sort du mur — bras, tête, jambes. Gamin, ça faisait rire. Aujourd’hui, ça serre. Il passe à travers les murs, oui. Mais « sans en être incommodé ». Et c’est ça qui frappe : il ne ressent rien. Il traverse. Et plus personne ne peut le suivre. Il devient à part. Et à part, c’est bientôt ailleurs. Puis seul. Passer le mur, ce n’est pas un super-pouvoir. C’est une mise à distance. Un arrachement. Un passage à l’acte. L’art, ce n’est pas du décor. C’est ce moment-là. Quand on traverse ce qu’on ne voulait pas voir. Le mur qu’on portait en soi. Et qu’on passe — sans l’avoir vraiment prévu. Là commence autre chose. La mission, peut-être. La vocation. Pas un métier, un appel. Un truc qu’on n’a pas choisi, mais qui nous a repérés. Comme chez Don Juan, dans Castaneda : il faut tout récapituler, voir ce qu’on a enfermé, ce qu’on a refoulé dans nos petites vies construites. Traverser tout ça. Non pas pour briller. Mais par amour. Le vrai. Celui qui ne se voit pas. Celui qui fait danser le monde.