Ouvrir ce traitement de texte et noter ce qui vient lorsque ça vient. Déjà quelques progrès en utilisant cette astuce ( ruse ? ) de planifier la publication de tels textes sur le blog. J’ai désormais toujours en moyenne, une semaine de billets en avance. C’est assez étrange, voire parfois déconcertant. Est-ce de la triche ? je n’en sais rien. Je crois que ça me laisserait assez indifférent que ça en soit.
En tous cas nous sommes jeudi en fin d’après-midi, je me suis remis à peindre un nouveau tableau grand format. Travaillé trois heures ce matin et environ deux heures après le déjeuner. Je me sentais tellement bien à n’avoir de compte à rendre à personne. Aucune envie de demander un avis. Pas besoin d’opinion. J’ai mélangé mes couleurs avec application. C’est tout juste si je ne tirais pas la langue comme le font les enfants parfois quand ils s’appliquent. En s’humectant les lèvres. Peut-être le fait d’humecter les lèvres offre t’il un contact plus étroit avec l’air ambiant, avec ce que l’on croit être une réalité. Mais les enfants ne pensent bien sûr pas à ce genre de choses loufoques. ils peignent en tirant la langue et voilà tout. Et de fil en aiguille, peu près ma séance, en gravissant l’escalier qui mène à ce bureau j’ai senti soudain dans ma paume le contact de ce vieux cerisier ; je devais avoir six ou sept ans et je grimpais aux arbres comme un forcené. Ce cerisier devait être très âgé puisque son tronc était perclus de lenticelles. Ce qui lui permettait des échanges gazeux avec son environnement. Evidemment j’ignorais totalement ce genre de particularité chez les vieux arbres. Je posais une main en appui sur le tronc et je pouvais sentir sa matière, plus autant élastique comme celle de l’écorce des arbres jeunes. Il devait aussi y avoir quantité de stries, de motifs et peut-être aussi un peu de lichen ; je conserve des flashs d’images verdâtres et aussi la sensation assez précise de cette sorte de poussière qui reste collée à la pulpe des doigts quand on touche ces lichens. Ensuite je grimpais aussitôt sur la première branche puis m’élançais vers la suivante et ainsi de suite, jusqu’à prendre une bonne distance avec le plateau des vaches. Evidemment j’écris ça à 64 ans, ça n’a probablement rien à voir avec ce que ce gamin pensait ou éprouvait. C’est une réécriture de cette scène.
Le temps des physiciens est une mesure. Un calcul entre deux points. Le temps des artistes est un fleuve. Nous voyons les événements arriver en amont, du futur, ils nous arrivent dessus et nous vivons parfois avec intensité ces moments douloureux. Puis nous nous retournons, nous les voyons continuer leurs glissades vers l’aval, encore étonnés d’y avoir survécu, Dieu sait comment.
Puis d’autres événement arrivent encore qui mobilisent notre attention. Ils déboulent de l’horizon, du futur. Tout petit au début, on les voit grossir au fur et à mesure qu’ils nous atteignent. Au bout d’un moment cependant on arrive a les classer par taille par forme par impression. Les guerres, les massacres, les attentats, les mensonges gros comme des immeubles de quarante étages. Puis quand ils repartent ils diminuent exactement de la même façon exactement à l’inverse de la façon dont ils étaient arrivés. Parmi tous ma mort. Mais ce seront les vivants qui la verront diminuer puis disparaitre à un tournant du fleuve. Et tout est très bien ainsi. Ce n’est pas plus important que de toucher le tronc d’un cerisier sans savoir ce que l’on éprouve vraiment à toucher un tronc de cerisier. Le discours n’est qu’un passe-temps.