Ce matin je n’ai pas envie de faire comme tous les matins, ce matin j’ai peint je ne fais plus ça depuis je ne sais plus combien de matins, mais ce matin j’ai peint parce que je ne voulais pas faire comme tous les matins, d’ailleurs quand je peignais chaque matin je sentais parfois la même gène de m’y mettre tous les matins, mais je n’y pensais pas je m’installais à ma table de travail chaque matin et je peignais un tableau, ce n’était pas parce que j’avais vraiment envie de peindre un tableau c’est parce que le fait de faire ça tous les matins c’est pratique, ça permet de ne pas trop y penser, on s’asseoit on prend de la peinture des pinceaux et on s’y met chaque matin envie ou pas on n’y pense même pas.

Autrement

Ce matin je n’ai pas envie.
Pas envie de faire comme tous les matins.
Mais ce matin, j’ai peint.
Je peins pas tous les matins.
Je peignais tous les matins.
Je peignais tous les matins parce que c’était tous les matins.
Je peignais tous les matins, c’était pratique.
Pratique parce que c’était tous les matins.
Tous les matins, j’installais la table de tous les matins.
Je prenais la peinture de tous les matins.
Je prenais les pinceaux de tous les matins.
Je faisais le tableau du matin.
Je faisais le tableau du matin tous les matins.
Je faisais le tableau du matin, même sans envie du matin.
C’était tous les matins, alors je faisais le matin.
Le matin fait le matin.
Le matin fait le matin fait le matin.
Le matin fait le matin fait la peinture.
Le matin fait la peinture.
C’était comme ça tous les matins.
Mais ce matin, non.
Ce matin, j’ai peint.
Et j’ai vu que c’était un matin.
Juste un matin.
Un matin sans matin.

Et encore

Ça revenait au même point.
Je sortais marcher, je revenais.
Je regardais la fenêtre, je détournais les yeux.
J’achetais du pain, je n’avais pas faim.
Je croyais partir, mais je restais.
Ça revenait au même point.

Je changeais de trottoir, mais la rue était la même.
Je changeais de mots, mais c’était la même phrase.
Je changeais d’heure, mais le temps ne passait pas.
Ça revenait au même point.

J’avais oublié, puis je me souvenais.
J’avais voulu oublier, mais je me souvenais encore.
J’avais voulu avancer, mais j’étais déjà revenu.
Ça revenait au même point.

J’ai essayé de ne pas y penser.
J’ai essayé de penser à autre chose.
J’ai essayé de ne plus essayer.
Mais ça revenait au même point.

Et aussi

Ça ne reviendra pas au même point
Je sortais marcher, je ne revenais pas.
Je regardais la fenêtre, je la brisais.
J’achetais du pain, mais je le partageais.
Je croyais partir, et cette fois, je partais.
Ça ne reviendra pas au même point.

Je changeais de trottoir, et la rue disparaissait.
Je changeais de mots, et la phrase s’ouvrait.
Je changeais d’heure, et le temps explosait.
Ça ne reviendra pas au même point.

J’avais oublié, et je ne voulais plus me souvenir.
J’avais voulu oublier, mais cette fois c’était fini.
J’avais voulu avancer, et j’avançais.
Ça ne reviendra pas au même point.

J’ai arrêté d’essayer.
J’ai arrêté d’attendre.
J’ai arrêté de croire que tout était écrit.
Et cette fois, ça ne reviendra pas au même point.

Et au final

Ce matin je n’ai pas envie.
Pas envie de faire comme tous les matins.
Mais ce matin, j’ai peint.
Je peins pas tous les matins.
Je peignais tous les matins.
Je peignais tous les matins parce que c’était tous les matins.
Je peignais tous les matins, c’était pratique.
Pratique parce que c’était tous les matins.
Tous les matins, j’installais la table de tous les matins.
Je prenais la peinture de tous les matins.
Je prenais les pinceaux de tous les matins.
Je faisais le tableau du matin.
Je faisais le tableau du matin tous les matins.
Je faisais le tableau du matin, même sans envie du matin.
C’était tous les matins, alors je faisais le matin.
Le matin fait le matin.
Le matin fait le matin fait le matin.
Le matin fait le matin fait la peinture.
Le matin fait la peinture.
C’était comme ça tous les matins.
Mais ce matin, non.
Ce matin, j’ai peint.
Et j’ai vu que c’était un matin.
Juste un matin.
Un matin sans matin.

Illustration : Toile déchirée
Musique : Dorian Sorriaux, need to love