
L’hideux gravit l’échelle en parallèle de la grâce. Deux pompiers au sommet de la grande échelle prêts à bondir à l’intérieur de l’immeuble en flammes. L’un est noir, l’autre blanc, grand mouvement, pétarades, explosions, fumées, le gris en ressort lapin d’un chapeau de monsieur bien sous tout rapport.
La boue guette. Et, en même temps, inutile de s’en effrayer par avance. La catastrophe est-elle indispensable pour jauger juste le gris ? À quel prix resterions-nous dépourvus d’œil, de discernement ?
Le gris octroie un corps, une raison d’être, ne serait-ce que celle de désirer sauter par-dessus, bientôt le feu de la Saint-Jean.
Il y a ces petits bâtonnets, ils ressemblent à des bâtons d’encens, ils ont la couleur du ciment. Est battu le briquet, le bout rougit puis crépite. Feu d’artifice portatif que l’on plante sur les gâteaux de mariage, d’anniversaire. Cela fait belle lurette que je n’en avais pas vu et soudain cette image revient. Peut-être parce que j’ai allumé un bâton d’encens dans l’atelier, peut-être parce que bientôt ce sera notre anniversaire de mariage.
La lumière n’est plus aussi douce. Et pourtant c’est encore une lumière. La lumière. Les voiles, les poussières, les rayures seuls responsables d’une crudité nouvelle. Hier encore, après l’opération de la cataracte, j’eus la sensation de voir clair dans ce petit jeu. Puis l’œil droit se mit à larmoyer encore et encore, jusqu’à une nouvelle intervention d’expert au laser.
On est tranquille pendant quelques mois, et voilà que l’œil larmoie de nouveau. On se dit qu’il faut donc prévoir un calendrier des ajustements cristallins comme prévoir tout le reste. Pour le moment, je reste encore rétif à ce genre d’emploi du temps, prévoir le pire, prévoir le désagréable. La cervelle n’est-elle pas faite comme ça, pour prévoir ? Si j’y croyais, résider dans l’infini du présent. Quitte à retrouver l’ennui autrement.
Peindre des choses dites de nature est si tentant. E.N., chassé de la scène artistique nazie par Z., se retrouve soudain à Seebüll, il ne fait plus guère que des aquarelles, merveilleuses. L’hideux et la grâce redescendent des grandes échelles ainsi peut-être. On peut aussi croire que tout ça n’est que farce. À cela aussi, il convient de résister.