18 mars 2024

Elle essaie toujours d’attraper sa main. Mais celle-ci se dérobe. Peut-être que le mot « attraper » n’est pas le bon. « Saisir » n’irait-il pas mieux ? Elle essaie d’obtenir un contact. Mais la main ne cherche pas le contact, semble le fuir. Elle essaie d’imaginer un autre mot. Prendre sa main ? Ça ne marche pas non plus. Elle ne prend qu’une main molle, une main morte. Elle voudrait hurler parfois. Mais elle ne fait que murmurer : « Tu pourrais quand même me donner la main. » Le « quand même » est de trop, elle le sent tout de suite. Mais ce qui est fait est fait.

Elle essaie d’oublier sa tristesse, son amertume, sa colère. Elle se sent seule. Ils marchent ensemble côte à côte. Elle voudrait qu’il lui donne la main, mais il ne la donne pas. Sa main est enfoncée dans une poche. Puis elle le voit avancer devant elle, prendre de la distance. Elle se sent encore plus seule. Mais elle ralentit le pas, elle ne veut pas le rattraper. Elle s’arrête. Elle le voit qui continue seul, sans un regard en arrière. Il s’éloigne encore, il a l’air plus petit. Voilà, il est petit, tout petit, c’est un enfant qui croit être un homme.

Elle court vers lui et l’enlace par derrière. Il se rebiffe : « Tu es folle ? » Elle le regarde, elle voudrait qu’il la regarde, mais non, il ne la voit même pas.

Donner la main dans le naufrage c’est entraîner l’autre dans les profondeurs sombres auxquelles il n’est pas entraîné pour respirer. Donner la main c’est une sorte de crédit dont on sait d’avance qu’on ne peut payer les échéances. Donner la main c’est pénétrer soudain dans quelque chose d’inimaginable. Une bulle de savon aux parois si fragiles qu’elle peut éclater à la moindre occasion.

A t’il jamais prit la véritable mesure de donner la main ? Sa mesure personnelle, en dehors de tout schéma, tout cliché, toute rumeur.

Liste tout ce qui te vient à propos de ce texte

Donner la main dans le naufrage, c’est un geste à la fois noble et tragique. C’est tendre une bouée de sauvetage à l’autre, tout en sachant que le poids de deux corps peut précipiter les deux dans l’abîme. C’est un pari risqué, un acte de foi désespéré, une ultime tentative de communion face à l’inéluctable.

C’est un crédit, en effet, un prêt d’espoir assorti d’une échéance incertaine. Car qui peut garantir que l’un aura la force de sauver l’autre ? Qui peut prédire si la main tendue sera capable de hisser deux êtres hors des flots tumultueux ?

C’est une intrusion, une effraction dans l’intimité de l’autre. C’est pénétrer dans un monde inconnu, un univers de peur et de douleur, un espace où la survie est le seul horizon. C’est partager un destin brisé, une tragédie qui se joue en silence, dans les profondeurs insondables de l’âme.

C’est une bulle de savon, fragile et éphémère. Un mirage de sécurité dans un océan de dangers. Un instant de grâce volé à l’agonie, un sursis fragile avant le retour à la réalité implacable.

Donner la main dans le naufrage, c’est tout cela à la fois. C’est un acte de courage et de désespoir, un pari fou contre la mort, un ultime baiser d’espoir dans la nuit du néant.

Mais c’est aussi un geste d’amour. Un amour inconditionnel qui brave les dangers, un amour qui refuse l’abandon, un amour qui se bat jusqu’au bout, même lorsque la lumière s’éteint et que les ténèbres engloutissent tout.

Alors, oui, donner la main dans le naufrage est un geste risqué, un pari incertain, une aventure périlleuse. Mais c’est aussi un geste d’une beauté infinie, un testament de l’âme humaine face à l’adversité, un hymne à l’espoir dans les ténèbres du désespoir.

A t’il jamais prit la véritable mesure de donner la main ? Sa mesure personnelle, en dehors de tout schéma, tout cliché, toute rumeur.

C’est une question complexe, une question qui touche à l’essence même de l’être humain. Car donner la main, ce n’est pas simplement un geste physique. C’est un acte de confiance, un partage d’intimité, une connexion profonde avec l’autre.

Pourtant, il est difficile de savoir si quelqu’un a réellement pris la mesure de ce geste. Car cela dépend de son vécu, de ses expériences, de ses blessures et de ses espoirs.

Pour certains, donner la main est un acte banal, presque anodin. Un simple geste de politesse ou d’affection. Pour d’autres, c’est un geste lourd de sens, un symbole d’engagement, de protection ou d’amour.

Alors, a-t-il vraiment compris ? A-t-il ressenti la chaleur et la force de cette main tendue ? A-t-il perçu la confiance et l’espoir qui se cachaient derrière ce simple geste ?

Seul lui peut répondre à cette question. Mais une chose est sûre : donner la main est un geste qui peut changer la vie d’une personne.

Voici quelques pistes pour explorer cette question :

Réfléchissez à vos propres expériences. Quand avez-vous donné la main à quelqu’un ? Qu’est-ce que cela signifiait pour vous ?
Lisez des livres et des poèmes qui explorent le thème de la main. Que symbolise la main dans ces œuvres ?
Parlez à des gens de votre entourage. Demandez-leur ce que signifie pour eux donner la main.
En explorant cette question, vous en apprendrez plus sur vous-même et sur les autres. Vous découvrirez la puissance et la beauté d’un geste simple qui peut transformer des vies.

Ensuite, il eut envie d’une cigarette, il observa un moment cette envie flotter dans son crâne. Il vit le mot TAXES en capitales, l’envie lui passa. Mais ce qui est intéressant c’est l’image de béquille qui subsiste. La cigarette comme une béquille. Handicapé durant toutes ces années où il fumait plus de deux paquets par jour, peut-être aurait-il suffit qu’il accepte une main tendue, qu’il comprenne l’importance d’un tel geste. Ainsi, ne serait il pas réduit désormais à discuter à cœur ouvert avec une intelligence artificielle.

Pour continuer

Carnets | Mars 2024

31 mars 2024

Exorcisé, il s’affale : Le voici, regardez ça, plus qu’une baudruche vide d’air, une enveloppe sans lettre sans adresse ni timbre. Le ciel bas gros de pluie, au-dessus d’une caboche vide ; on le voit encore, il marche un peu courbé, c’est presque un vieillard. Tout ce qu’il peut dire à présent n’est plus que fadaises, imbroglio, bribes de phrase dans importance. A outrepasser les limites il n’est plus d’aucune race, d’ aucune espèce, paria de l’univers, un insensé. Bien sûr cette défaite est le reflet exact d’un ancien fantasme. Une inversion salutaire. Il ignore encore à quel point elle est salutaire. Hier, P.M. parle de la nécessité de s’en remettre à un grand Tiers, Dieu, l’Espèce, le Chocolat. Cette nécessité sans quoi le mensonge ne dit pas la vérité. Cette nécessité sans laquelle le mensonge serait un narcisse au bord d’un étang, un narcisse parmi d’autres que le miroir de l’étang renvoie à sa propre adulation ou détestation, toutes deux erronées. Et puis je me suis encore dissipé dans une prostration familière. Sans doute parce qu’on ne peut se passer de familier. Quoiqu’on dise ou fasse afin de vouloir s’en défaire, elle s’insinue depuis notre point le plus lâche, le plus faible. C’est cette familiarité qu’on veut ignorer qui peut aussi emprunter le visage du grand Vide, du grand Absent, du grand Soi. Le bureau est resté vide. Un parquet flambant neuf, ou presque. Comment ranger cette pièce vide maintenant est la question qui demeure, depuis deux jours ; en suspens. Des étagères, des casiers, des meubles assez vus ont été descendus. Certains prendront la route de la déchetterie, d’autres de l’Atelier. Sur le grand lit de la chambre d’amis des piles de dossiers, des livres, des caisses encore bourrées de câbles, de cordons informatiques. Je n’avais pas songé avant de l’écrire sous ces quelques lignes que ce pouvait être l’occasion d’un changement véritable, mort et renouveau. J’avais repoussé le moment, sans doute parce qu’en lisant une biographie d’Henry Miller , à l’âge de quarante ans, je m’étais dit que j’avais encore beaucoup de temps pour me mettre à lire vraiment. Toujours peur qu’il soit trop tard ; et en même temps ce jeu avec sa propre peur ; Et aujourd’hui peur encore, qu’il ne me reste plus suffisamment de temps pour lire d’une façon inédite, une phrase à la fois et surtout découvrir ce grand Tiers à la manœuvre entre chaque signe de ponctuation, entre chaque silence. Même mort peut-on encore par, ce mystérieux effet d »inertie, être toujours si pressé de se rendre au bas d’une page ? Il y a ainsi des attaches d’une existence l’autre, ce qu’on nomme le passé, aussi collantes et donc agaçantes, que de la bande Velcro Ce matin je me réjouis de l’anomalie qui empêcha de publier ce texte sur le nouveau cycle d’écriture. C’est que ce n’était pas assez bon voilà tout. On cherche des signes un peu partout quand on est insignifiant à ce point. Cela m’a permis d’en écrire deux autres totalement différents, comme si la différence était pour moi la seul façon de remonter une pente. Pour le moment je les conserve à l’état de brouillon sur ce blog. Peut-être que le changement s’opère ici aussi, dans la gêne de publier ce dont je ne suis plus très sûr. Dans l’idée aussi d’un travail qu’il faut mener plus loin. Idée détestable entre toutes mais dont le fait qu’elle me répugne m’oblige à reconsidérer la répugnance toute entière.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

30 mars 2024

Je recopie des textes de 2022. Sans enthousiasme. Peut-être qu’il faudra avoir le réflexe de tout effacer au dernier moment, ne rien laisser, pas la moindre trace de ces bêtises. Et je ne vois pas de Max à l’entour qui l’empêcherait, qui sauverait tout cela. Ce sentiment double de joie et de désespoir que procure l’écriture, et cette obstination à persister. Comme le fameux K qui veut rencontrer le maître du Château, alors qu’il sait déjà pertinemment que c’est impossible. Que cette impossibilité fonde tout le texte. Prendre de la distance par tous les moyens possibles entre ce moment où j’écris et cet autre où le texte se publie est déjà une action mise en place. Le but semble pratique à l’origine, de ne pas me retrouver à cours de texte pour conserver le rythme des publications quotidiennes auxquelles je veux, pour des raisons assez obscures, me plier. Mais je crois qu’il y a plus qu’un aspect pratique à planifier ainsi ces publications dans l’avenir. Une façon de prendre une distance aussi, comme malgré moi, comme à regret aussi bien souvent. C’est à dire une injonction silencieuse à me détacher ainsi de l’immédiate jouissance d’écrire et de publier tout de go. Ce qui me rappelle à quel point je suis d’une lenteur désespérante alors que je m’imagine souvent, ou je me suis imaginé plutôt tout le contraire. Un nouveau cycle d’écriture sur la nouvelle avec F. Qui ne commence pas bien puisque je ne suis pas parvenu à publier sur la plateforme collective ce prologue, sorte de collection de post-it concernant l’art de ranger ses livres. J’y ai tout de suite vu comme un signe. Un signe que je ne devais sans doute plus participer à cet ensemble. Que je devais m’en éloigner, de cela aussi. Aussi je n’ai pas cherché trop loin les raisons de l’obstacle. J’ai refermé le site et j’ai continué ma journée sans même y repenser. C’est maintenant que j’écris ces lignes que je veux bien m’en souvenir ; que je retrouve le même tiraillement entre le fait de participer ou de ne pas participer à cette nouvelle aventure collective. Ce même tiraillement entre la joie et le dépit. La hantise du bavardage voire du ragot, de la médisance, enfin, d’une certaine bassesse qui s’écrit parfois avec une extrême facilité. C’est ce dont je ne voudrais pas. Mais qui ne me lâche pas la jambe comme un roquet. Quelle image de l’écriture ai-je donc qui la place sur un plan irréel, une élégance inatteignable parce que pour se poursuivre elle nécessite justement de ne jamais toucher au but. Toutes ces pensées, confondues avec des médiations et qui ne sont en somme que ruminations ne font pas un sujet d’écriture. A moins de posséder le génie d’un Gogol, d’un Dostoïevski. Je repense à cette nouvelle où un employé se rend chaque jour à son bureau en empruntant la perspective Nevsky à Saint Pétersbourg et qui maugrée contre un homme, toujours le même qui ne lui cède pas le passage. Toute la nouvelle est fondée sur la rumination de cet homme, sur son ressentiment, sur cette envie de vengeance, de prendre une revanche. Je n’aimerais pas être cet homme là, et pourtant à bien y penser en grande partie je le suis, bien sur que je le suis. C’est exactement là où je perds le principal de mon temps. Quelle image de l’écrivain n’ai-je encore pas détruite en moi que je ne puisse écrire encore comme je veux écrire du fond de moi-même. Et comment écrire ce genre de chose sans passer pour un idiot fini. Comment le publier au regard des autres comme pour dire voyez ce que je suis, je ne suis que ça, rien d’autre, et je suis tout à fait d’accord avec vos observations les plus acerbes à mon encontre. Puis soudain ce retrait qui m’entraine à vouloir tout biffer, tout effacer, tout détruire, pour m’enterrer tout seul au plus profond d’une solitude dont je ne pourrai jamais même si j’y mets de la bonne volonté, ressortir. L’expérience de ce blog est enrichissante par son envers ; On imagine s’élancer vers le monde en publiant des articles qui veulent dire une vérité puis on comprend que cette vérité ne regarde que soi, qu’elle n’intéresse personne d’autre, pas même ceux qui parfois sont mine de s’y intéresser. D’ailleurs le temps, la distance, la régularité finissent, en creusant l’écart avec une certaine volatilité des lectures des lecteurs à nous permettre de poser le doigt sur quelque chose de très spécial : ce trou que l’on creuse comme une tombe, et dont on n’aimerait pas qu’il s’achève en mausolée.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

29 mars 2024

La route est longue pour Tipperary, d’ailleurs c’est marqué sur le panneau de la ville désormais, et c’est de l’humour irlandais, pas tout à fait le même que le british, enfin c’est sensé être marrant tout de même. Qu’est-ce qui a bien pu prendre à Jack de chanter cette chanson en 1912 ; en 14 elle deviendra un chant guerrier ; il faut se méfier de ce que l’on écrit comme de ce que l’on chante ; que ce soit pour se rendre à Tipperary ou ailleurs. G. était bien content ; ça se voyait ; il dansait littéralement au beau milieu de la grande salle de l’exposition son tas de papiers dans les mains ; une vingtaine de personnes étaient arrivées quelques minutes auparavant ; on n’y croyait même plus ; il avait tout préparé aux petits oignons ; grâce aux photos et vidéos que je lui avais envoyées ; réglage fin, 15 minutes chrono, 15 tableaux, un texte par tableau. Ensuite nous sommes revenus aux « Gourmands disent » rue Brossolette ; une entrecôte énorme ; je note en passant la bonne idée de remplacer les frites par des navets en tranches comme accompagnement. G. me propose que nous réitérions en octobre prochain notre collaboration picturo-poétique ; Ce sera au-delà d’Albertville, vers Moutiers, dans un village où vit S.B l’actrice et son compagnon musicien célèbre de Jazz, qui sont d’ailleurs des amis de notre futur hôte ; c’est loin octobre je me suis dit ; est-ce que je serais encore vivant en octobre tout de suite après. C. n’a pas dit grand-chose, elle était très calme ; ce qui l’a change du tout au tout. Ils partent en voyage en Europe centrale cet été à la rencontre des personnes rencontrées sur MyHeritage ; avec une carte Interrail. Ce qui me rappelle notre projet avorté de nous rendre S. et moi, en Estonie, presque aussitôt. Ce journal est avant tout un journal. Il faut que je note des faits divers. Les élucubrations littéraires ou pseudo intellectuelles sont de trop. Ce qui peut me fournir une piste de relecture éventuelle. En supprimant tout ce qui n’est pas du fait brut, une bonne cure d’amincissement. Le temps ne compte pas. Parfois je me retourne je me dis ça fait combien de temps mais le temps ne compte pas. Tout ce qui compte c’est de faire le job chaque matin. Cette journée de dimanche s’avère déjà épuisante ; il faut vider tout le bureau et retirer les lattes du parquet afin que N. puisse le refaire à neuf avec les anciennes lames de l’ancien parquet de la cuisine ; celles qui n’ont pas été déformées par l’inondation. Mais en m’organisant bien cela ne devrait pas me prendre plus que la matinée, ensuite si j’ai fini avant 11h, je peux même prévoir un voyage à la déchetterie pour finir l’affaire en beauté.|couper{180}