19 février 2022

peinture d’une de mes petites élèves

C’est comme lorsqu’on tourne la dernière page d’un roman qui nous a plu, comme lorsqu’on voit un ami disparaître au coin de la rue, lorsqu’on comprend que la passion s’achève une fois sa tâche accomplie. Ou lorsqu’on se réveille soudain après l’orgasme, peu importe qu’il provienne de la chair ou de l’œuvre achevée. Un manque de gratitude total, semble nous murmurer encore et encore, alors que le fantôme de l’extase s’est à peine revêtu de son suaire et qu’il se tire au-delà.

C’est rigolo, grotesque, burlesque, finalement, et je crois qu’il vaut mieux en rire, ou mieux : en sourire.

Car c’est la tristesse qui nous est forcément échue en tant que consommateur. Dans ce personnage étriqué que l’on nous demande, sans toujours nous le demander tout haut, de pénétrer, comme on essaie de chausser des souliers trop petits.

L’orgasme, devenu réflexe pavlovien, sitôt achevé, délaisse ce qui l’aura créé pour s’en détourner et se jeter presque immédiatement sur « autre chose ».

Que ce soit une autre femme, un autre homme, une autre toile, peu importe ce sur quoi l’on jettera alors son dévolu pour réitérer l’expérience de l’orgasme. Au bout du compte, cela devient une dépendance.

On ne peut aimer vraiment dans un tel but, ni peindre. On se rend compte tôt ou tard de cette supercherie. Et c’est là le moment important, d’ailleurs.

Une fois qu’elle est vue, ferme-t-on les yeux, ou bien aiguisons-nous notre acuité ? That is the question.

Ce n’est pas to be or not to be l’importance. C’est plutôt : suis-je un branleur, une branleuse, ou pas… ?

Il n’y a pas vraiment de moralité au bout de cette réflexion. Plutôt un étrange soulagement, comme lorsqu’on rompt avec des personnes « chères », si chères qu’on leur a laissé la peau et les os la plupart du temps, avant d’oser prendre la poudre d’escampette sous peine de disparaître tout entier.

D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes personnes qui vous brandissent cette impérieuse nécessité d’orgasme à répétition, qui se servent de vous en tant que « chose », justement. Puis qui passent à tout autre chose sans même vous prévenir que vous êtes devenu « hors d’usage ».

Ce qui pousse à considérer la toile différemment une fois la vanité de cette notion d’orgasme découverte.

S’agit-il seulement d’évacuer une humeur, une pulsion, souiller les draps de coton ou de lin ? Ou bien de tout autre chose qui ne soit pas l’offrande d’excréments que les petits enfants s’enjouent à offrir à leurs mamans ?

La maman bat des mains avec un sourire benoît en disant « encore, encore », et tout alors se passe très bien. La répétition proviendra du cœur, du ventre, ou du bas-ventre ainsi gagné.

La maman fait une bouche en accent circonflexe en disant :
— Tu ferais mieux de faire tes devoirs et de ranger ta chambre.

Et on se retrouve alors rangé dans la catégorie des médiocres pour longtemps, avant de prendre du galon à l’envers, de devenir mercenaire, tueur à gages, curé. Ou peintre du dimanche.

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Carnets | février 2022

21 février 2022

— Tu es terrible, tu n’appelles jamais un tel, une telle. On dirait que tu t’en fiches complètement. Tu ne sais pas entretenir les relations, me confie mon épouse pour la énième fois à propos de tel ou tel événement où je devrais convier des personnes, ce que je ne fais pas la plupart du temps. L’autre jour aussi, on me laisse un message sur mon répondeur. Je l’écoute et puis je passe à autre chose. J’oublie de répondre. — Comment ? Mais tu n’as pas répondu ? Et tu attends quoi pour le faire ? Suis-je aussitôt repris dès que j’en parle entre la poire et le fromage, c’est-à-dire comme la plupart du temps, lorsque les choses me traversent. — Mais c’est pour ça exactement que tu n’as pas d’ami, tu ne sais pas t’en occuper, tu ne fais rien, on dirait que tu attends que ça te tombe tout cuit dans le bec ! Quelqu’un m’avait déjà dit cela, il y a très longtemps. J’étais enfant à l’époque, et l’essentiel de ma vie se déroulait dans mon imaginaire. Je ne pense pas que les choses aient vraiment changé depuis tout ce temps. J’ai des amis qui appartiennent plus à mon imaginaire qu’au monde réel. Cette prise de conscience est venue tardivement, je dirais aux alentours de la cinquantaine. Ce fut un vrai choc de le découvrir, une sorte de deuil, si l’on veut. Mais on se fait à tout. Vivre, c’est en grande partie cela : traverser toutes ces choses sur cette passerelle étroite qui relie le monde dit réel à celui dit imaginaire. Un étonnant va-et-vient. Si bien qu’en plein milieu de cette passerelle, on se demande bien ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. On devient le fameux chat de Schrödinger, ou Hamlet, ou Snoopy sur sa niche. Je veux dire qu’il y a de quoi avoir des doutes et, forcément, un brin d’humour. Mais une chose est sûre, la plupart du temps, lorsque soudain un ami se retrouve en face de moi, je reprends la conversation exactement là où nous l’avons laissée. Une abolition de la durée et des vicissitudes du temps immédiate s’opère, et j’ai l’impression de partager une sorte d’éternité. Très peu de personnes, de celles qu’on a l’habitude de désigner comme « amies », peuvent comprendre et accepter cet état de fait. C’est faire la nique au temps. Faire fi de toute obsolescence, de toute entropie. Et si ça ne fonctionne pas toujours, je dirais que c’est très rare, ça ne vient pas de moi. À la vérité, ça n’a pas fonctionné une seule fois, de toute ma vie. C’est le jour où j’ai retrouvé mon ami d’enfance à la foire de Sancoins, au marché des Grivelles précisément. Il y avait une chance sur un million pour que je tombe sur lui, et sans doute est-ce pour cela qu’au début ma joie fut forte. Mais très vite, en voyant son visage bouffi par l’alcool, ses mains rouges et gonflées de maçon, en écoutant ses borborygmes gênés face au citadin que j’étais devenu, un certain malaise s’est installé. Un malaise partagé immédiatement. La rencontre a duré très peu de temps, et c’était déjà très long, je m’en souviens encore. La prise de conscience d’un tas de choses, comme le simple fait que nous n’avions plus jamais eu le moindre lien depuis mon départ de l’Allier à l’âge de neuf ans. Et parallèlement, le souvenir de ces beaux moments partagés ensemble à jouer dans les arbres, à courir en forêt et dans les blés, à vivre cette enfance tout simplement. C’était mon « meilleur ami ». Voyez-vous comment l’imagination peut nous jouer des tours ? C’est surtout ce que je me disais à cet instant précis, dans la cacophonie des beuglements et mugissements de toutes ces bêtes agglutinées là pour parader à la foire. Il m’a regardé, et moi ses yeux. Je ne l’ai pas reconnu. Il n’y avait plus cet enfant dans le regard de l’homme, juste un voile derrière lequel j’ai subitement eu peur de ne rencontrer que du vide. La conversation n’a pas pu reprendre comme avant, à propos de l’excellent goût des cerises et des petites filles après lesquelles nous courions ensemble. Au lieu de ça, ce silence gêné d’être devenus autres. Une expérience comme celle-ci laisse des marques indélébiles. On se met à douter de tout, forcément, et surtout de soi-même et de notre façon d’envisager le monde et ses habitants. Suivit une longue période, à partir de cette date, où je considérais alors que je devais quasiment tout à ma seule imagination. Je me mis à étudier celle-ci avec la plus grande circonspection, et ma vie alors se resserra. Je devins d’une sécheresse telle que je ne me reconnus plus, moi non plus, en me rasant. J’étais devenu pareil à ce « meilleur ami » délaissé, en quelque sorte. Et lorsque je me toisais dans le reflet des vitres ou des miroirs, je n’avais guère d’empathie pour ce que je pouvais y découvrir. J’étais devenu Bucéphale, je détalais devant ma propre ombre, non pas par peur, mais par nausée. Ce furent souvent les femmes qui jouèrent le rôle d’Alexandre. Qui, me prenant par le colback et me retournant dans le bon sens vis-à-vis des soleils et de leurs aveuglements, me permirent peu à peu de reconquérir un semblant d’estime de moi-même, ou alors un dégoût tel qu’il menait, telle une carte au trésor, vers le grotesque, l’exagération, la caricature. Mais ce n’était encore que le pur jeu de mon imagination, évidemment. Une interprétation des rôles, celui de la victime, comme ceux des héroïnes ou des traîtresses. Cette histoire parallèle ne cesse de remanier nos propres clichés à l’infini, jusqu’à ce que l’on découvre finalement qu’ils ne sont que des choses tristes et terriblement banales. L’amitié est donc une histoire que l’on se raconte, la plupart du temps, tout seul. Avec, de temps à autre, une intersection dans une autre histoire tout aussi solitaire. Le fait alors de reprendre le fil de la conversation est exactement comme reprendre un livre de chevet avant de s’endormir. Il faut un quart de tour pour se souvenir de tous les personnages, les lieux, les événements, chausser ses loupes et repartir dans le fil des pages. Et c’est à peu près tout, de tout ce que j’en aurais retenu de vraiment tangible, j’en ai bien peur.|couper{180}

Carnets | février 2022

20 février 2022

Sans une bonne organisation, on perd vite le fil. Ensuite, une fois le retard pris, cela demande des efforts pour le rattraper ou le récupérer, peu importe le verbe que l’on posera là-dessus, tout le monde comprend ce dont je parle. Je veux aussi parler d’une certaine fidélité à tenir en laisse, ou par les rênes, sans qu’elle n’ait cette manie de vous tirer en avant et ne pose, comme une crotte, le dilemme de savoir qui, entre le maître et la bestiole, conduit le bal, nom de Dieu. La lassitude, chez moi, conduit régulièrement le bal. Une lassitude non attribuée, une lassitude abonnée à l’annuaire des absents. Une lassitude issue de l’absence tout entière, la mienne évidemment. Une absence mâchée lentement, puis remâchée encore, et enfin digérée. Avec parfois cette sorte de bonus : être las et absent à sa propre lassitude d’absent. On peut parler d’éveil, évidemment. Pas trop fort non plus, pour ne gêner personne. Perdre le fil… Au début, on se culpabilise forcément. Puis suit une période blanche où ce n’est pas vraiment que l’on se désintéresse, mais on n’arrive tout simplement plus à fixer son intérêt suffisamment longtemps pour qu’il germe, qu’il produise des ramifications, des feuilles, des bourgeons ou des fruits. Ce genre de conneries que tout le monde sait, à un moment ou à un autre, considérer pour ce qu’elles sont : de beaux prétextes, un genre usuel de divertissement. Ce qui fait qu’on se doit tout de même un peu d’honnêteté à soi-même sur cette fameuse angoisse de « perdre le fil ». Je veux dire que c’est tout bonnement une autre figure du désir, inédite cette fois, et qui, comme à chaque fois que l’inédit pointe son nez, flanque la pétoche et fait pédaler le hamster dans la cambuse. Bon Dieu, mais comment cela se fait-il que je sois si con, si ceci ou tellement cela ? Comment se peut-il que je prenne un tel panard à perdre le fil, en gros ? Par orgueil, comme toujours, évidemment. Y a-t-il quoi que ce soit d’autre dans la vie que l’orgueil, je veux dire, comme responsable de tout égarement ? Je disais hier : « C’est beau, on dirait que ça sort de la bouche d’un maître soufi… » Non mais quel con ! Des fois, je te jure, je ferais mieux de la boucler plutôt que de m’emmêler les pieds dans les nœuds que je noue tout seul. À moins que tout ne soit prévu dans ce plan depuis longtemps. À moins que l’égarement soit balisé, que perdre le fil ne soit qu’une façon, parmi toutes les façons possibles et imaginables, de trouver la voie invisible, justement et tout bonnement. La seule voie humainement possible, je veux dire, celle qui existe sous mes propres pieds, et aucune autre rêvée, imaginée, fantasmée. Ce qui, au bout du compte, inverserait toutes les opinions, et subitement s’il vous plaît, ces opinions que l’on ne cesse de chérir sur l’orientation en général et les quatre points cardinaux en particulier. Perdre le fil serait un levier encore plus puissant que celui d’Archimède. Pas pour soulever le monde, bien sûr que non, quelle ineptie, mais simplement pour soulever son cul du canapé. Une très bonne chose en soi. Et m’est avis, tout à coup, que ça sonne juste à ce moment où je l’écris : qu’il faut juste oser pour voir.|couper{180}

Carnets | février 2022

18 février 2022

Je ne suis pas surfeur. J’aurais probablement adoré l’être si la providence m’avait conduit à habiter près d’un océan. Et je me vois très bien avec ma planche plantée dans le sable fin, à guetter l’horizon dans l’attente de la vague. Ce ne serait pas si différent, finalement, de ce que je vis tous les jours dans mon atelier, au Péage-de-Roussillon, commune d’Isère, un peu sinistrée par les complexes commerciaux installés à sa proche périphérie. Je ne compte plus le nombre de locaux commerciaux « à louer » ou « à céder »… C’est ainsi depuis que nous sommes venus nous installer ici, il y a huit ans. Pas grand-chose n’a évolué durant toutes ces années, et lorsqu’on croise les habitants pour échanger quelques mots sur le temps qu’il fait, le marasme ne tarde jamais trop longtemps à devenir le sujet principal de toutes les conversations. Ainsi, on peut habiter quelque part en France, loin de l’océan, loin de la mer, et être tout autant dans l’attente de la vague que ce surfeur imaginaire que j’évoque. On l’imagine, on l’espère, et en attendant, on laisse passer de nombreuses occasions de s’entraîner sur des vagues plus modestes. Je crois que vous comprenez bien ce dont je suis en train de parler, n’est-ce pas ? Parfois, il y a des gouttes qui tombent sur les crânes, de petites gouttes de rien du tout, qui ne nécessitent pas d’ouvrir un parapluie. On se dit toujours plus ou moins : ce n’est rien, ça va passer. Et puis il y a la goutte de trop, celle qui fait déborder le vase. Et c’est alors que l’on se réveille, que l’on se dit : « Ça suffit, je n’en peux plus de cette attente ! Je n’en peux plus de me plaindre sans arrêt de ne pas voir arriver enfin cette fameuse vague. » Que nous reste-t-il alors comme possibilité sinon d’agir, d’expérimenter des solutions ? Parfois, je crois qu’il faut apprendre à créer ses propres vagues tout seul. C’est ainsi que c’est venu, je veux dire cette idée de créer une page sur Patreon. C’est venu deux semaines environ après ma décision d’arrêter de mettre des likes et des commentaires sur les réseaux sociaux, de partager des posts que l’algorithme distille au compte-gouttes si je ne mets pas la main à la poche pour les propulser. C’est venu aussi d’un ras-le-bol des effets de manche, de ce bruit qui circule, disant que du jour au lendemain Facebook et Instagram pourraient fermer le robinet en Europe, laissant dans un état de délabrement total tous ces créateurs de contenu, de selfies, tous ces influenceurs et leurs abonnés. Je ne joue pas dans cette catégorie-là, évidemment. J’ai toujours préservé peu ou prou mon côté sauvage, quoiqu’on en pense ou dise. Peut-être que mes capacités d’analyse sont aussi émoussées par l’âge, par l’expérience. Et puis je me rappelle aussi d’un dicton populaire plein de bon sens qui nous dit que tout travail mérite salaire. Donc j’ai créé une vague, j’ai créé une page sur Patreon, une plateforme communautaire sur laquelle chaque créateur peut proposer un contenu à ses contributeurs selon différentes formules d’abonnement. En ce qui me concerne, je ne pense pas m’enrichir ce faisant. Mais cela me permettra de mieux échanger avec les personnes qui apprécient mon travail. Je veux dire celles qui sont prêtes à s’engager vraiment, pas seulement avec un like ou un commentaire dans l’espoir que je leur rende la pareille. Je crois que la formule de base est à 3 euros par mois pour soutenir le travail des créateurs de tout acabit. Ce n’est pas énorme, mais c’est un vrai geste. Que l’on en arrive là est regrettable. J’entends déjà les réflexions des anciens qui disent que le web qu’ils ont connu autrefois, ce rêve de gratuité illimitée, n’est hélas qu’un formidable fiasco. Moi-même, je le regrette aussi, évidemment, mais c’est aussi se faire une idée de l’humanité qui semble totalement irréaliste, un pur fantasme, une utopie. Il n’y a qu’à observer, le jour des soldes, la folie furieuse qui s’empare de n’importe quel quidam à l’entrée des grands magasins, ou vivre un incendie n’importe où sur la terre pour comprendre que tout le monde ou presque est prêt à marcher sur les autres pour survivre. L’instinct de conservation, additionné à l’appât du gain et de la sottise, fait un mélange détonnant. Là aussi, on attend la fameuse vague. On espère que ça va changer, que l’homme devienne enfin bon, ou je ne sais quoi. Mais l’homme reste l’homme et rien ne peut vraiment changer cela. Pas même une épidémie mondiale, si vous avez bien tout suivi. Donc attendre la vague à ce point des choses, c’est comme attendre l’inspiration pour un peintre : c’est de la connerie en barre, ni plus ni moins, selon ma modeste opinion. Maintenant, je dis ça parce que j’oscille sans arrêt, et depuis toujours, entre déprime et enthousiasme, parce que j’ai du sang slave dans les veines et que je ne rechigne jamais devant un petit verre ou deux de vodka. Voyez-vous, j’aurais pu dire des choses à la mode, utiliser un mot à la mode comme « bipolaire » ou je ne sais quoi d’autre. Mais je préfère dire que c’est tout simplement génétique, génétique comme une main que l’on obtient aux cartes, destinée ou fatalité, peu importe. Quand la déprime se retire soudain, sans prévenir, elle laisse une plaie fantôme qu’il faut savoir distinguer et surtout cautériser au plus vite pour profiter de la moindre seconde d’enthousiasme qui suivra inexorablement cette déprime. C’est ce qu’en langage commun on appelle les hauts et les bas. Depuis toujours, je cherche une formule qui me permette de les considérer égaux, ces hauts comme ces bas, d’y être indifférent. Mais je me trompais, évidemment. Il faut vivre ce que ces différences de relief nous offrent, les vivre pleinement. Puis prendre un peu de recul, évidemment, comme lorsqu’on vient de se jeter sur une toile et qu’on observe tout cela à tête reposée. Une chose aussi me vient ce matin comme une sorte d’illumination : l’idiotie contient autant d’intelligence que l’intelligence contient d’idiotie. Autant dire match nul sur le terrain de la pensée. On comprend mieux pourquoi les derviches, dont je fais indéniablement partie, prennent ce désir furieux de tourner en rond. Ils ne font jamais autre chose que de donner une figure concrète à cette pensée qui tourne sur elle-même. Ils ont saisi que c’est par la caricature, l’exagération, la danse et le mouvement que l’on pénètre dans la transe, ce couloir qui mène à l’extase, à l’ivresse, à l’orgasme, à la véritable libération. C’est ainsi que l’on fabrique aussi cette fameuse vague. Et au bout du compte, même la planche de surf est dérisoire une fois qu’on sait qu’on peut marcher sur l’eau comme devenir épave sous-marine échouée sur un banc de sable au fin fond des abysses. Pour le moment, il n’y a pas grand-chose sur cette page Patreon : juste une bafouille, une photo, et un lien vers une vidéo YouTube. Je ne mets donc pas le lien. Je verrai si demain, et les jours suivants, je suis toujours partant ou bien si l’« à quoi bon » frappe encore, en traître, comme d’habitude, en traître ou en ami. Car il n’y a pas de fumée sans feu, pas de tourbillon sans vent, et bien sûr, pas d’extase sans transe.|couper{180}