C’est comme lorsqu’on tourne la dernière page d’un roman qui nous a plu, comme lorsqu’on voit un ami disparaître au coin de la rue, lorsqu’on comprend que la passion s’achève une fois sa tâche accomplie. Ou lorsqu’on se réveille soudain après l’orgasme, peu importe qu’il provienne de la chair ou de l’œuvre achevée. Un manque de gratitude total, semble nous murmurer encore et encore, alors que le fantôme de l’extase s’est à peine revêtu de son suaire et qu’il se tire au-delà.
C’est rigolo, grotesque, burlesque, finalement, et je crois qu’il vaut mieux en rire, ou mieux : en sourire.
Car c’est la tristesse qui nous est forcément échue en tant que consommateur. Dans ce personnage étriqué que l’on nous demande, sans toujours nous le demander tout haut, de pénétrer, comme on essaie de chausser des souliers trop petits.
L’orgasme, devenu réflexe pavlovien, sitôt achevé, délaisse ce qui l’aura créé pour s’en détourner et se jeter presque immédiatement sur « autre chose ».
Que ce soit une autre femme, un autre homme, une autre toile, peu importe ce sur quoi l’on jettera alors son dévolu pour réitérer l’expérience de l’orgasme. Au bout du compte, cela devient une dépendance.
On ne peut aimer vraiment dans un tel but, ni peindre. On se rend compte tôt ou tard de cette supercherie. Et c’est là le moment important, d’ailleurs.
Une fois qu’elle est vue, ferme-t-on les yeux, ou bien aiguisons-nous notre acuité ? That is the question.
Ce n’est pas to be or not to be l’importance. C’est plutôt : suis-je un branleur, une branleuse, ou pas… ?
Il n’y a pas vraiment de moralité au bout de cette réflexion. Plutôt un étrange soulagement, comme lorsqu’on rompt avec des personnes « chères », si chères qu’on leur a laissé la peau et les os la plupart du temps, avant d’oser prendre la poudre d’escampette sous peine de disparaître tout entier.
D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes personnes qui vous brandissent cette impérieuse nécessité d’orgasme à répétition, qui se servent de vous en tant que « chose », justement. Puis qui passent à tout autre chose sans même vous prévenir que vous êtes devenu « hors d’usage ».
Ce qui pousse à considérer la toile différemment une fois la vanité de cette notion d’orgasme découverte.
S’agit-il seulement d’évacuer une humeur, une pulsion, souiller les draps de coton ou de lin ? Ou bien de tout autre chose qui ne soit pas l’offrande d’excréments que les petits enfants s’enjouent à offrir à leurs mamans ?
La maman bat des mains avec un sourire benoît en disant « encore, encore », et tout alors se passe très bien. La répétition proviendra du cœur, du ventre, ou du bas-ventre ainsi gagné.
La maman fait une bouche en accent circonflexe en disant :
— Tu ferais mieux de faire tes devoirs et de ranger ta chambre.
Et on se retrouve alors rangé dans la catégorie des médiocres pour longtemps, avant de prendre du galon à l’envers, de devenir mercenaire, tueur à gages, curé. Ou peintre du dimanche.