Si éloigné d’un esprit de famille, il me semble désormais impossible de réunir ces fragments. D’être toujours , à présent, dans une hésitation à leur trouver un air de famille, une ressemblance, des points communs. Au moins l’avantage de cette proposition d’écriture m’aura fait soulever un éléphant. Normalement quand ce texte sera publié nous serons lundi et je ne suis pas du tout certain d’avoir apporté ma petite pierre à l’édifice sur le blog où est réunie la masse de tous les billets des participants. C’est une petite défaite mais qui bizarrement me fait du bien. Comme lorsque je courrais autour d’un stade et que tout à coup l’absurdité me devenant si évidente je m’arrêtai net malgré les avertissements, les encouragements, les menaces du prof de gym. Peut-être que toutes les mauvaises raisons de vouloir participer à cet atelier d’écriture se seront soudain dissipées avec cette affaire de « famille ». L’envie de vouloir intégrer la famille pour, une fois à l’intérieur, trouver toutes les raisons de la rejeter. Et puis s’en rendre compte, être penaud de s’être encore fait prendre au même piège. Peut-être qu’on n’est véritablement bon, utile, viable en famille qu’à l’instant même où le désir d’être « en famille » et toutes les mauvaises raisons de s’y trouver se sont dissipées. Et qu’à ce moment là toute la violence, les dissensions les suspicions, s’étant envolées, une grande acceptation, semblable à celle de la mort s’installe.

J’ai peu joué au jeu des sept familles, comme j’ai peu joué aux cartes, comme j’ai peu joué tout court. C’était, mais je l’ignorais, la meilleure façon d’entrer dans le jeu que de conserver l’ignorance qu’il s’agit d’un jeu. Comment une obstination à vouloir l’ignorer pour jouer son rôle encore mieux. Alors que dans le fond il n’y a pas à vouloir faire pire ou mieux, il n’y a qu’à jouer ce que l’on est, tout simplement.

Cette grande désespérance qui accompagne en moi l’idée du groupe, de la famille, d’en être oppressé, éreinté, il me vient à présent de la trouver suspecte. Comme si j’avais besoin de cette désespérance qui m’attribue toujours la même place, en marge. Une place enfantine finalement. Celle d’un roi déchu.

Car les autres sont toujours mieux, ils le doivent et c’est par ce creusement dans l’abomination de soi-même que l’on construit se doux fantasme consolateur. C’est Ponce Pilate crucifié tandis que Jésus se lave les mains.