Il est tout à fait probable que l’on puisse écrire un livre tout en se demandant ce que c’est qu’écrire un livre. Ce journal n’est pas un livre. Il contiendrait trop de pages. Il serait indigeste. Cependant il me semble assez honnête de se rendre pour l’écrire jusqu’à l’indigestion.
Je me souviens très bien de la façon dont je me suis débarrassé, à l’âge de 10 ans, d’une propension inquiétante pour les liqueurs. J’en ai bu jusqu’à me rendre malade. Ensuite, de ma vie entière je n’y ai plus jamais touché.
Parfois on ne se débarrasse pas si facilement d’un engouement. Le whisky par exemple, j’en fut autrefois un ardent consommateur, un litre par jour pas moins. Jusqu’à ce que L. me parle d’une possibilité de cécité due à l’absorption d’alcool. A partir de ce jour j’ai effectué un choix. J’ai arrêté de boire. L’effroi de l’aveuglement m’a stoppé net.
La cigarette ce fut plus long, plus incertain, beaucoup de louvoiements. Ce qui m’a vraiment fait arrêter c’est la colère. Le montant des taxes. Une rage provenant de la certitude d’avoir été floué par la publicité, les clichés, l’air du temps, les gouvernements successifs depuis plus de 50 ans.
En ce qui concerne les autres types d’addiction, je ne me sens plus aussi vaillant que lorsque j’ai démarré Peinture Chamanique pour les évoquer. là aussi j’ai effectué un choix. J’ai choisi de ne plus tout dire dans le détail. Mais je n’y suis parvenu qu’après avoir raconté mille fois les mêmes choses dans le plus petit détail ; jusqu’à m’en écœurer.
Ainsi il y a plusieurs facteurs permettant de mettre fin à une addiction.
Il se passe en ce moment des choses étonnantes, inespérées. Des pans entiers de murailles s’écroulent devant mes yeux en silence, pas de trompette de Jéricho. Plutôt une sorte de quiétude étrange qui vient du fait d’avoir saisi enfin ma propre insignifiance en ce monde. Le fait de n’être comme l’espèce entière qu’un épiphénomène, une illusion passagère.
Parallèlement moins je suis quelque chose ou quelqu’un plus les choses viennent à moi. Le vocabulaire notamment. Il se noue en ce moment une sorte d’affection neuve entre le vocabulaire et les pensées qui naissent dans ma cervelle. C’est d’une grande douceur. Comme une musique qui viendrait du fin fond des temps, de l’univers et dont le message serait « écoute, écoute encore, écoute bien. »