J’avais écrit un texte effroyable. Encore un. Finalement au dernier moment je l’efface. S’entraîner, lorsqu’on le peut encore, à l’effacement.
Ce qui me fait penser à la biographie de Lovecraft par Sunand Tryambak Joshi. Mais, est-ce que l’on documente sa vie au jour le jour à cette seule fin ? Qu’un jour dans le temps quelqu’un vous aime à ce point de perdre une vie entière à recoller vos morceaux ?
Deux tomes. J’aurais été bien parti entre 1978-99 avec toute cette collection de carnets. Puis pas loin de 20 ans de silence. Et en à peine 5 ans de 2019 à aujourd’hui des milliers de pages. Tout cela comme antichambre, il faut l’imaginer, à pas grand chose au final
Ces dépressions à répétition, ces rages chroniques , cette impuissance congénitale, c’est un héritage encore. Les frais de notaire sont terriblement élevés.
Elias. G. démarre tranquillement. J’ai écrit cinq micro nouvelles hier sur le thème des réseaux sociaux. cinq idées toutes aussi terrifiantes les unes que les autres. Et j’ai programmé ainsi leur publication jusqu’au 2 mai.
Crée aussi un compte X spécifique pour Elias. quelques vues à peine pour l’instant. Sur ce compte je ne likerai pas, je ne m’abonnerai à rien. Anonymat total.
Vue une vidéo de F. hier. encore une fois je me rends compte à quel point je suis décalé si je me risque au moindre commentaire. Et l’on dirait bien que plus l’élan me semble naturel plus c’est pire avec le recul.
Dans le fond je reste un pouilleux. Je passe mon temps à gratter mes croûtes. Sans la présence de ces démangeaisons la peur d’être moins que rien.
Donc, quand on est rien on peut encore avoir peur d’être moins que rien. Donc la peur aussi sert à une certaine forme d’espérance ou de survie.
Le fait de parler de soi devenant absolument tabou, il vaut mieux de pas en rajouter pour aujourd’hui.
C’est une vrai page de journal, tout à fait digne de recueillir les épluchures de carottes d’ail et d’oignons.
Dans Michaux lu quelques lignes à peine sur ses difficultés à se remémorer les rêves. Ce qui me fait penser que je subis tout l’inverse assez fréquemment, une difficulté à me souvenir des événements se déroulant lorsque je suis éveillé. Je crois que j’invente simultanément une version différente de la réalité lorsqu’elle se présente dans son insipidité absolue. Ma version cependant n’est pas moins insipide. C’est exactement pour cela que je voudrais me rappeler à quel point la lucidité ne sert à rien, à quel point elle est aussi une illusion.
En réfléchissant les meilleures pages de mes carnets ( dont je ne peux décidément pas me défaire de leur souvenir obsédant ) étaient des abandons, des incartades dans une zone tout autant mystérieuse que poétique » Sans queue ni tête ». Alors que la lucidité ne provoque que des têtes à queue. Des accidents de la circulation avec gémissements, tôle froissée, sirènes d’ambulances, gyrophares bleutés.
Donc on peut tout à fait programmer à l’avance un certain nombre de publications.Les écrire sous le coup de l’excitation, la rage, le désespoir, la folie, puis au dernier moment les effacer et remplacer ces contenus par tout autre chose. Ou du moins se donner encore l’illusion qu’il s’agit de tout autre chose.