Arrêt de nuit sur la ligne Quetta-Lahore. Basse vitesse, peut-être au 15 ème. Des éléments restent fixent tandis que d’autres bougent, s’évanouissent. Et soudain je vois cette ombre projetée sur le mur à gauche de la photographie. Elle appartient à quelqu’un qui est hors champ. Un jeune garçon j’imagine. Une ombre en retrait. Le personnage au premier plan est en équilibre parfait avec cette ombre. impression qu’il dit la même chose, autrement.
J’ai peu parlé de mes photographies. Si j’en parlais c’était pour dire mes photographies, ou encore je suis photographe. En fait je ne savais pas vraiment en dire quoi que ce soit à part le fait qu’elles soient réussies ou ratées. Je regardais le cliché monter dans cuvette du révélateur, et presque aussitôt je décidai réussi ou raté, c’était une question d’équilibre des noirs et des blancs, rien de plus. Parfois j’avais un doute, je retirais alors plusieurs fois le même cliché, temps de pose plus long, plus bref, masquages et tours de passe passe. Je sentais une possibilité mais elle ne provenait que du doute. J’entretenais beaucoup le doute. Il devait bien me servir à quelque chose. A combler une ignorance sûrement.
Peut-être ai-je entretenu ce doute jusqu’à ce qu’il se confonde avec ma propre idiotie. Ainsi devient-il aujourd’hui plus visible, plus évident. Dans le fond le doute est un négatif lui aussi. On a beau le passer de nombreuses fois dans le passe-vue de l’agrandisseur, il ne se laisse pas cueillir si facilement. Il n’y a pas que le noir et le blanc, bien sûr tous les gris entre les deux comptent aussi.
Ce que ça donne à la fin souvent on ne sait pas le dire non plus. Des idées bateaux nous emportent vers une conclusion, on rêve de récifs, de naufrages encore pour ne pas y parvenir. Car dans le fond des choses on sait très bien que tout ça ne nous regarde pas, ne nous regarde plus.