Le manque de clarté de certains textes ne signifie pas une absence totale de lumière. Ils sont simplement peu éclairés. Encore dans une pénombre de l’esprit. Bien qu’au moment de les écrire je dispose d’une sorte de limpidité, elle se trouble aussitôt à la relecture. Il y aurait donc de ces esprits malicieux dans les profondeurs de l’écriture, korrigans, lutins, entités de toute sorte s’ennuyant à un tel point dans leur monde qu’ils viennent déranger le notre déjà pas mal dérangé. Le mien.

Et dans ce paragraphe juste au-dessus, on dirait bien que non, là non plus.

C’est parce que je me suis levé tard, qu’il ne me reste que très peu de temps pour effectuer mes ablutions littéraires matinales. Ensuite la journée de travail m’avalera tout entier pour ne recracher qu’un petit paquet d’os vers le soir. Je numéroterai mes abattis. Tâche éreintante.

Encore ce ton de littérateur à la gomme.

Mieux vaut tenir la distance, revenir à ces photographies noir et blanc, un bon exercice d’écrire ce qui vient en les regardant à nouveau.

Dans une pénombre aussi. Comme je n’avais pas peur alors, j’étais inconscient. Je voyais quelque chose qui attirait l’œil aussitôt je braquai le Leica et déclenchai. Pas d’histoire de belle image, il fallait juste capturer quelque chose d’urgence. C’était souvent raté quand, ensuite,je regardais les planches contact. Encore que raté n’est pas le terme juste, c’est plutôt l’expression » déjà-vu ». Cette horreur provoquée par le déjà-vu.

D’ailleurs dans un autre registre le déjà-vu en général, savoir que l’on va écrire cette phrase, qu’on l’a déjà écrite, sans doute mille fois au cours de mille vies, une horreur aussi.

Ou encore tu parles et soudain tu sais que ce que tu dis tu l’as déjà dit à cette même personne comme dans une autre vie ; Ce n’était pas cette personne et ça l’était et ce n’était pas toi non plus mais c’était toi.

toute ma séance de ce matin avec cette seule image que j’ai été obligé de retoucher tant le négatif était abîmé.