C’est avec le même mot que l’on bâti les grandes histoires d’amour et un système monétaire. Sans la confiance rien de tout cela ne pourrait vraiment exister. Et il suffit que le moindre doute s’insinue pour que tout s’effondre.
La raison de la chute ne tient qu’à sa cause comme à chaque fois : Un détournement de l’intention première en vue d’effectuer un profit personnel.
C’est du moins ce que j’ai pu constater tout au long de ma vie d’enfant, puis d’adulte. Et pas seulement chez autrui, mais aussi en mon for intérieur. Cette friabilité du mot confiance face au surgissement de milles événements, et à cet impératif de survie que je me serais intimé dès les tous premiers KO.
Ainsi j’ai pensé que la survie était plus importante que la confiance très souvent. Ce qui pour la plupart des personnes qui liront ces lignes, trace la première ébauche de ma petitesse.
Cependant et malgré tout ce que j’ai pu dire, aux autres ou à moi-même, j’ai toujours eu confiance en la vie aveuglément. Cette part de moi qui se situe au zénith de ce foutu moi. Et contre laquelle d’ailleurs je n’ai jamais eu de cesse de pester, tout en abdiquant à chaque fois sitôt que les plaies furent cautérisées.
La vie est la plus forte c’est un fait indéniable.
Et souvent aussi j’ai trouvé obscène cette confiance viscérale en tout sauf en l’être humain. Obscène par exemple cette admiration pour un arbre, pour un caillou, pour un simple brin d’herbe comme si j’y déversais toute mon impuissance désormais à faire confiance et surtout à admirer le moindre bipède doué de parole, c’est à dire de mensonge, que représentent pour moi mes contemporains.
Cette haine du mensonge aura été si intense et durant si longtemps que je crois qu’elle est la seule véritable raison de tous les mensonges que j’ai dû inventer pour survivre à la déception du monde.
Une réaction enfantine qui ne prend sa source finalement que par et dans l’instinct grégaire, cette malédiction de l’espèce.
D’où cette méfiance permanente envers les autres et moi-même. Ce que je nomme recul en tant que peintre.
Recul et discernement lorsque je ne suis pas face à une toile posée sur un chevalet. Lorsqu’on m’adresse la parole, que l’on me vante telle ou telle chose, que l’on commente, m’encense ou me pourrisse peu importe d’ailleurs. Discernement quant à tout ce qui peut sortir de toutes ces bouches, de toutes ces cervelles, y compris de la mienne.
Sans doute est-ce pour cette raison que j’écris. Parce que l’écriture, du moins j’en ai souvent l’impression, me hisse à une altitude qui me permet de planer au dessus du merdier général du monde. D’en tirer une matière aussi pour élargir ma vision de celui-ci.
Je n’ai pas eu confiance en l’écriture non plus. Je me suis menti énormément aussi à son sujet. Et c’est grâce à ce parcours déjà effectué que j’ai tenté de ne pas répéter les mêmes idioties avec la peinture.
On croit que l’on a gagné quelque chose, une expérience, un savoir, Dieu sait quoi. Il faut que l’on se dise cela pour se donner l’illusion de progresser. Mais à la vérité non, on ne gagne rien. On apprend juste à mieux connaitre l’étendue des dégâts, à mesurer la profondeur de nos failles et l’absurdité de nos croyances, de nos espérances de pacotille. Nous sommes des conquérants ridicules tentant de négocier à grands renforts de babioles avec une entité qui n’en a pas besoin. Appelons cela la vie.
La vie se fout pas mal de ce qui brille, elle a un humour féroce parfois pour le gratter de son ongle et nous le représenter recouvert de vert de gris.
Le mot d’ordre aujourd’hui c’est d’avoir confiance en soi-même. Et lorsque je vois le paquet d’inepties que l’on vous propose pour obtenir cette fameuse confiance et surtout en quoi elle consiste : une méthode Coué, où cette drôle d’ivresse vous fait atteindre à des sommets de fatuité et de bêtise, je préfère mille fois mes doutes.
Ils ne me coutent pas d’argent, pas de compromission, pas de trahison, pas d’agitation non plus. Le doute me conserve dans une indéfectible zenitude intérieure. Même si j’affiche pour jouer le jeu toutes les émotions humaines sur les traits de mon visage.
Parfois je me demande si je suis vraiment humain. Car en dehors du mimétisme nécessaire à la survie que reste t’il ?
Ce que j’appelle mon cœur, ma vie, mon âme, est ce que ce sont juste des mots vides que je prononce comme un mouton qui bêle ?
Et cette peur du loup que les bergers ne cessent d’entretenir pour qu’on oublie qui nous bouffera en dernière instance.
alors je peins, je ne pense plus à tout ça, je m’engouffre dans la couleur pour sans doute donner forme à l’impuissance qui aura tout ravagé de moi.
Avec bonheur.
 huile sur carton 30x30 cm 2022
huile sur carton 30x30 cm 2022
