On devrait s’y habituer.

Une fois par an, à la pleine lune, ma chatte se barre par les toits et je ne la revois plus durant plusieurs jours. Je devrais y être habituer depuis le temps, mais justement non je n’y arrive pas. Quelque chose de l’ordre de la perte, de l’abandon se rejoue invariablement lorsque je descend dans la cour pour fumer, ouvre ensuite la porte de l’atelier et m’aperçois que la portion de croquettes distribuée la veille n’a pas été touchée.
C’est une sorte de feu vert donné à la panique, à l’angoisse et je me mets à imaginer tout un tas de scénarios, tous les plus monstrueux les uns que les autres.
Le plus souvent elle est enfermée quelque part et ne peut pas en sortir. Je suis allé chez les voisins hier soir pour leur demander si par hasard elle n’était pas retenue dans une de leurs dépendances, dans leur cave, dans leur grenier. Ils ont été sympas ce qui m’a permis de visiter ces différentes pièces, mine de rien et aussi de renforcer par ma déconvenue de ne trouver aucune chatte, mes pires angoisses.
Des gamins malfaisants l’ont ligotée quelque part, puis l’auront torturée. Une vieille dame seule lui aura flanqué le grapin dessus et lui donne à manger des boites, l’horreur suprême.
Ce qui est intéressant dans la perte c’est souvent les retrouvailles j’ai remarqué. De là à penser que j’ai besoin d’éprouver l’angoisse de ces pertes juste pour bénéficier de la joie des retrouvailles, je me dis que je suis tout à fait tordu comme il faut pour vivre ce genre de chose.
Donc je pourrais tenter la méthode Coué, ou la loi de l’attraction... visualiser immédiatement sa silhouette se découpant sur la nuit claire, là haut sur le toit, entendre son miaulement caractéristique lorsque soudain elle me repère, puis sourire en l’imaginant redescendre l’échelle de bois que nous avons appuyée contre le mur pour qu’elle soit parfaitement autonome.
Mais non l’angoisse est cette chose connue, rassurante si l’on veut que je préfère choisir en priorité. Ce qui une fois la chose découverte me laisse songeur sur tout un tas d’autres choses, et d’êtres surtout que j’ai perdues volontairement ou pas au cours de ma vie.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}