Une fois par an, à la pleine lune, ma chatte se barre par les toits et je ne la revois plus durant plusieurs jours. Je devrais y être habituer depuis le temps, mais justement non je n’y arrive pas. Quelque chose de l’ordre de la perte, de l’abandon se rejoue invariablement lorsque je descend dans la cour pour fumer, ouvre ensuite la porte de l’atelier et m’aperçois que la portion de croquettes distribuée la veille n’a pas été touchée.

C’est une sorte de feu vert donné à la panique, à l’angoisse et je me mets à imaginer tout un tas de scénarios, tous les plus monstrueux les uns que les autres.

Le plus souvent elle est enfermée quelque part et ne peut pas en sortir. Je suis allé chez les voisins hier soir pour leur demander si par hasard elle n’était pas retenue dans une de leurs dépendances, dans leur cave, dans leur grenier. Ils ont été sympas ce qui m’a permis de visiter ces différentes pièces, mine de rien et aussi de renforcer par ma déconvenue de ne trouver aucune chatte, mes pires angoisses.

Des gamins malfaisants l’ont ligotée quelque part, puis l’auront torturée. Une vieille dame seule lui aura flanqué le grapin dessus et lui donne à manger des boites, l’horreur suprême.

Ce qui est intéressant dans la perte c’est souvent les retrouvailles j’ai remarqué. De là à penser que j’ai besoin d’éprouver l’angoisse de ces pertes juste pour bénéficier de la joie des retrouvailles, je me dis que je suis tout à fait tordu comme il faut pour vivre ce genre de chose.

Donc je pourrais tenter la méthode Coué, ou la loi de l’attraction... visualiser immédiatement sa silhouette se découpant sur la nuit claire, là haut sur le toit, entendre son miaulement caractéristique lorsque soudain elle me repère, puis sourire en l’imaginant redescendre l’échelle de bois que nous avons appuyée contre le mur pour qu’elle soit parfaitement autonome.

Mais non l’angoisse est cette chose connue, rassurante si l’on veut que je préfère choisir en priorité. Ce qui une fois la chose découverte me laisse songeur sur tout un tas d’autres choses, et d’êtres surtout que j’ai perdues volontairement ou pas au cours de ma vie.