Autofiction et Introspection

Habiter n’est pas impossible, mais c’est un vrai problème pour le narrateur. Il occupe des lieux sans jamais vraiment y entrer. Maison, atelier, villes traversées : ils existent, mais restent comme à distance. Il imagine que peindre ou écrire l’aidera à habiter autrement, à investir un espace intérieur qui compenserait l’absence d’ancrage. Mais cela demeure du côté du fantasme. Le réel, lui, continue de glisser, indifférent.

C’est de ce décalage que naissent ces fragments. Écrire pour traverser l’évidence, pour examiner ce qui ne s’examine pas. Écrire comme tentative d’habiter, sans garantie d’y parvenir.

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Carnets | juin 2025

13 juin 2025

En français / in french C’est pendant la nuit que les voix s’éloignent peu à peu, d’elles-mêmes, comme si elles avaient pris conscience de leur propre insignifiance. Comme blessées par cette reconnaissance de leur inutilité, elles auraient décidé de se taire. Ne laissant plus que l’écho de leurs paroles encore présent dans la chambre, comme une présence qui persiste. Elles se taisent, ne disent rien, mais tout ce qu’elles ont dit, tout ce qu’elles auraient pu continuer à dire reste là, comme une branche morte sur l’arbre des possibles. Une branche morte sur laquelle on ne peut plus espérer voir repousser la moindre pousse nouvelle, une branche qu’on pourrait couper sans remords ni regrets mais qu’on ne décide pas de couper précisément à cause de ces regrets et remords. Une branche morte encore attachée à l’arbre des possibles et qui indique par cette seule présence que toutes les possibilités ne conduisent pas vers un avenir. La voix qui demeure n’émet pas vraiment de son, mais un flot d’images qui déferlent ; ce pourrait être un flot de larmes si c’était un œil qui ne cligne pas, qui affronte l’obscurité environnante sans nourrir l’espoir d’une clarté. Un œil grand ouvert sur le noir de la nuit, avec pour seule compagnie ses vieilles peurs. Pendant le rendez-vous avec le médecin à la clinique du sommeil, il y a cette question à un moment : voyez-vous des images avant de vous endormir ? J’ai repensé à ces images avant de répondre que c’étaient des monstres, que c’était l’absurdité la plus absurde déguisée en monstres aux regards froids et figés. C’était très exagéré. C’est comme utiliser la caricature pour atteindre la ressemblance d’un portrait. C’était exagéré, et cette voix qui sortait de ma bouche à cet instant précis inventait au fur et à mesure, parlant de ces choses dont elle ne parle jamais. C’était exagéré parce que c’était un simple questionnaire, un oui ou un non aurait suffi. Pas besoin de décrire tout ça. Mais à cet instant-là, j’ai dû me croire déjà mort, en train de traverser de nouveau le bardo dans le bureau du docteur. Ce genre de choses n’attend pas. Ça vous frappe sans prévenir. Alors on exagère peut-être pour chercher en soi ce qui pourrait encore éveiller la peur. Et moins on la trouve, plus on force l’effet. Heureusement qu’il ne m’écoute pas, me suis-je dit. Car à ce moment précis, j’ai compris qu’une fois encore, je ne parlais qu’à moi-même. Et je me suis arrêté net. J’ai répondu par oui et par non aux autres questions en essayant d’attraper l’écho de ce que je venais de dire, qui avait fini par se coincer contre les murs du bureau, probablement près de la photographie du moai de l’île de Pâques découpée à contre-jour. en anglais / in english It's during the night that the voices gradually pull away, on their own, as if having become aware of their own insignificance. As if wounded by this recognition of their uselessness, they had decided to fall silent. To leave only the echo of their words still present in the room as a kind of lingering presence. They are silent, they say nothing, but everything they said, everything they might have continued to say is still there, like a dead branch on the tree of possibilities. A dead branch on which one can no longer hope to see the slightest new growth return, a branch one could cut without remorse or regret but which one doesn't decide to cut precisely because of those regrets and remorse. A dead branch that would still be attached to the tree of possibilities and which indicates by this presence alone that not all possibilities lead toward a future. The voice that remains doesn't really emit sound, but a flow of images that streams forth ; it could be a flood of tears if it were an eye that doesn't blink, that confronts the darkness surrounding it without nurturing hope for clarity. An eye wide open on the blackness of night with its old fears for company. During the appointment with the doctor at the sleep clinic, at one point there's this question : do you see images before falling asleep ? I thought back to those images before answering that they were monsters, that it was the most absurd absurdity disguised as monsters with cold, frozen gazes. It was very exaggerated. It's like using caricature to achieve the likeness of a portrait. It was exaggerated and this voice that emerged from my mouth at that precise moment was inventing as it went along, speaking of these things it never speaks of. It was exaggerated because it was a simple questionnaire, a yes or no would have sufficed. No need to describe all that. But in that instant I must have thought I was already dead, that I was crossing back through the bardo in the doc's office. That kind of thing doesn't wait. It hits you out of nowhere. So maybe you exaggerate to search within yourself for what might still awaken fear. And the less you find it, the more you force the effect. Good thing he's not listening to me, I thought to myself. Because in that instant I understood that once again I was only addressing myself. And I stopped short. I answered yes and no to the rest of the questions while trying to catch the echo of what I had just said, which had ended up stuck against the walls of the office, probably near the photograph of the Easter Island moai silhouetted against the light. Traduction anglaise réalisée par IA Illustration La havane 2006 @pblanchon|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | juin 2025

12 juin 2025

Se disperser n'est pas jouer. Mais quelle fatigue. Physique. Se traîner n'est pas vivre. Hier, S. s'apitoie et me dit : « Annulons Madrid. » Puis, tout de suite après : « Tant pis, on perdra les billets pour le musée. » Ce qui, forcément, me fait réagir : « Mais non, allons déjà en Avignon en juillet, on verra ensuite. » Ce n'est pas parce que moi, j'ai envie de rien qu'il faut en faire un programme. À certaines périodes, il faut aussi accepter que d'autres puissent avoir envie de quelque chose. Tout ça n'est pas égal. Je suis retourné chercher la mallette à 13 000 euros à la clinique du sommeil. J'ai patienté derrière la porte bleue et j'ai tout de suite vu le tableau. Un petit tableau qui cache, je le sais désormais — comme je le savais à ma première visite — un trou dans le mur. « Vous avez récupéré le tableau ? » je demande au toubib. « Non, j'en ai acheté un autre », me répond-il en me rendant ma carte Vitale. Puis, après un silence : « On ne demande pas de caution pour les mallettes, mais lisez attentivement le mode d'emploi. » Ce sur quoi : « Ça fera vingt-quatre euros. » Et toujours pas de sans-fil, il faut se souvenir du code. Cette fois, je m'en souviens du premier coup. Mais tout est en désordre. Dans ce texte, rien ne colle comme d'habitude. Ça ne prend pas. Peut-être même que ça rebute. Faudrait demander, mais on sait très bien comment ça finit quand on demande : l'un dit blanc, l'autre noir, un troisième dit gris. Et voilà. Et tout à coup, en déchargeant la Dacia Logan DCI, je vois le pneu à plat. C'est parti. Morceau de bravoure. Tu mimes la panique à la perfection. C'est la fatigue qui veut ça, et surtout l'envie de rien — et en priorité l'envie que ça crève quand t'as rien demandé. Mais peut-être que quelqu'un, tout au fond, le demande. Ça pourrait être plausible. Un qui ne dit rien. Il ne dit rien, mais à un moment ça suffit, et on se retrouve avec une crevaison. « Attends », que je dis, « tu ne vas pas le croire : j'ai une bombe anti-crevaison qui traîne dans le coffre depuis... je ne sais pas quand. 2020. » Mais on peut aussi appeler l'assurance, parce que je ne sais pas retirer cette roue de secours. Et où est passé le cric ? Tu le sais ? Moi, non. Et la fatigue qui tape en même temps que le soleil, déjà dès 10 h du matin. Nous irons au garage, et j'en passe. Puis payer les sous pour effectuer la réparation, afin de revenir au garage et valider le C.T. avant le 5 juillet, rappelle-toi. « Et vous comptez partir en Avignon avec ça, à quatre ? » — « Oui m'sieur. » On est dans le même état, à peu près tous : des zombies dans un véhicule fantôme. Il appuiera sur la pédale d'accélérateur à fond, on ouvrira les fenêtres en grand, et on passera de vieux CD en poussant le volume. En attendant, on est encore en juin. On n'a même pas franchi la moitié. Il faut que j'aille rendre la mallette. Ça ne m'a pas fait grand-chose, de dormir — le peu que j'ai dormi — avec du plastique dans le nez. C'est sans doute raté pour aujourd'hui. Une fois de plus. Tu t'es encore mis à parler de quelque chose alors que tu ne voulais parler de rien. Mais la prise de conscience arrive vite, presque instantanément. Dans le texte même, au moment où il te mène par le bout du nez. Puis se demander si tout doit être traduit systématiquement. En anglais notamment. Probablement que non. Car il faut bien plus qu'une IA pour traduire certaines parties de ce texte sans que ça ne devienne ridicule. Hier j'ai laissé « la position du soldat », alors que je voulais écrire « en chien de fusil ». Sauf que même si je peux y voir un vague rapport, le soldat recroquevillé dans un trou en attendant que ça passe, ce n'est pas tout à fait la même idée que chien de fusil. Donc ce texte demande une traduction plus « artisanale » si artisanale veut dire peine et temps pour un résultat juste. Pas de traduction aujourd'hui.|couper{180}

Autofiction et Introspection Essai sur la fatigue Murs

Carnets | juin 2025

11 juin 2025

Une voix, faible, parvient à quelqu’un couché sur le flanc. 20h, l’été. Être allongé ainsi — rien de remarquable, peut-être. Pourtant, un peu tôt. S’il était 22h, le silence suffirait. S’il était 2h du matin, on pourrait s’en offusquer. Allongé sur le flanc à 2h du matin ? On dit 2h, et c’est la nuit. Ça mérite d’être noté. À cette heure-là, 2 ou 4, à quoi bon distinguer ? Disons-le : après minuit, les choses se délitent. Et être là, étendu, alors que la lumière traîne encore… cela ne dit pas vraiment le repos. Pas vraiment. Plutôt comme un arbre tombant de biais, sans qu’on sache de quel côté il basculera. Mieux vaut se décaler. Mieux vaut ne pas chuter avec lui. Et pourtant, à 20h, on pourrait se demander : pourquoi es-tu là, comme ça ? Toi qui ne t’allonges jamais sans raison. Quelques heures, recroquevillé — en soldat, en fœtus, brièvement — et puis c’est tout. Quelque part, dans l’un de ces monologues que tu transportes comme compagnie, quelqu’un a parlé de fatigue. Pas celle qu’on nomme. Celle qui s’insinue en silence. Peau. Chair. Os. La fatigue qui est la peau, qui est l’os. Au début, tu l’as niée. Tu as dit : c’est pour les autres. Pas moi. Ce genre de phrase finit rarement bien. Une fois qu’on dit « les autres », on est déjà dehors. Et pourtant tu as toujours préféré la compagnie. Le « il » ou le « elle », sans poids, sans nom, sans visage. La voix sans odeur, sans rugosité, sans gorge véritable. « Il », « elle » — mieux que Machine. Mieux que Chose. Mais eux aussi : peau. Chair. Os. Juste loin. Plus que loin. Mars, à côté, c’est la porte d’à côté. Alors peut-être qu’allongé comme ça, tu pourrais commencer à penser. Passé. Présent. Futur. Pourquoi ne pas être optimiste ? Même un mourant peut espérer — à condition que ça ne prenne pas trop de temps. 20h, encore tôt, disent certains. Tard, disent d’autres. Tu sais combien la compagnie se régale de ces bêtises. Et soudain cela revient — net, proche, comme si c’était maintenant — ce souvenir : être allongé sur le flanc, sur le sol de la chambre. Une veillée. C’est assez nouveau pour toi, non ? Tu aimes ce genre de chose. Es-tu à l’aise ? Le fait est que, lorsqu’on est ainsi allongé, et qu’on regarde un corps étendu — certains réflexes s’installent. Peut-être que le vrai geste — le grand — serait de se lever. 20h02. Dire : non, pas encore. Attendre. Il y aura le temps. Le temps de s’allonger à 2h ou 4h. Quelle différence, puisque la nuit vient de toute façon ? Je ne veux pas être Beckett. Je veux être moi. Même si ça vacille. Même si ça manque de style. Je ne veux pas briller. Ce n’est pas le propos. Je veux me déplier. Comme des draps restés pliés trop longtemps. Raides. Marqués. Non pour être montrés. Juste pour les étendre. Les lisser un peu. Voir ce qui s’est pris dans les ourlets. Ce qui n’a pas été dit — alors que cela aurait dû l’être. Ou ce qui a refusé, obstinément, d’être jamais dit. Peut-être que cela ne mène nulle part. Peut-être est-ce le propos. Aller nulle part — mais le dire. Et que ce « nulle part » soit plein. Parce qu’il aura été dit. Je ne veux pas une autre voix. Je ne veux pas de masque. Je veux l’écho. Le bourdonnement. Le mien, même tremblant. Même hésitant. Ce qui compte, c’est que ça passe. À travers moi. Juste : que ça passe. Et si quelque chose parfois sonne comme Beckett, ce n’est pas de l’imitation. C’est une rencontre. Brève. Comme lorsqu’on aperçoit quelqu’un à une fenêtre et qu’on se demande — était-ce quelqu’un que j’ai connu ? Ce pourrait être le bon moment. Pour commencer une sorte d’autobiographie. Petite. Mesurée. Mais tu ne le fais pas. Tu retiens. Tu ne sais pas pourquoi. Peu importe. Ce qui compte, c’est que, allongé ainsi, la lumière encore présente, tu deviens de plus en plus habile à ne pas entrer. Pas à ne pas écrire — non. Mais à ne pas pénétrer ce que tu appelles le « réel ». Ce « réel » que tu portes comme un poids léger. Presque rien. Mais qui te dévie de ta route. Tu te retiens comme on retient une larme. Elle monte. Elle ne tombe pas. Comme une main posée sur une porte qu’on n’ouvre jamais. Tu ne veux pas de confessions. Tu détestes ce mot. Trop proche de la faute. Trop proche du pardon. Tu ne veux pas d’explications. Que pourraient-elles expliquer ? Que tu es couché sur le flanc, l’été, à 20h ? Que tu songes à toutes les choses que tu ne diras pas ? Tu ne veux pas briller. Tu veux être exact. Ou frôler, du moins, une forme précise de silence. Une vérité qui arrive de biais. Par la retenue. Par l’évitement même. Pas par refus. Une manière d’être debout, en étant couché. Une manière d’être là, sans avancer. Une manière de rester, sans faire un seul pas. A voice, faint, reaches someone lying on their side. 8 p.m., summer. Lying like this—nothing remarkable, perhaps. Still, a little early. Had it been ten, silence would suffice. Had it been two a.m., one might object. Lying on your side at two a.m.? They say two, and it's night. That's worth noting. At that hour, two or four, what’s the use distinguishing ? Let's agree—after midnight, things unravel. And to be down like that while light still lingers... that doesn’t suggest rest. Not really. More like a tree falling sideways, unclear where it’ll land. Best to step aside. Best not to go with the fall. Still, at 8 p.m., you might wonder : why are you here, like this ? You, who rarely lie down without a reason. A few hours, curled—soldier-like, fetal, brief—and done. Somewhere, in one of those monologues you carry for company, someone mentioned fatigue. Not the kind you name. The kind that slides in quietly. Skin. Flesh. Bone. The fatigue that is skin, is bone. At first, you denied it. Said : that’s for others. Not me. That sort of sentence rarely ends well. Once you say “others,” you’ve already stepped out. And yet you always preferred company. The “he” or “she,” weightless, nameless, faceless. The voice not tied to any scent, any roughness, any real throat. “He,” “she”—better than Machine. Better than Thing. But they too : skin. Flesh. Bone. Just far. Farther than far. Mars, by comparison, is next door. Maybe, then, lying like this, you could start thinking. Past. Present. Future. Why not be optimistic ? Even a dying man may hope for something—so long as it doesn’t take too long. 8 p.m., still early, say some. Late, say others. You know how the company delights in such nonsense. And suddenly it returns—clear, close, as if now—this memory : lying on your side on the bedroom floor. A wake. That’s new enough for you, isn’t it ? You like that sort of thing. Are you comfortable ? The thing is, when you lie like this, and look at a body laid out—certain reflexes creep in. Maybe the real act—the big one—is to rise. 8:02 p.m. Say : no, not yet. Let’s wait. There will be time. Time to lie down at 2 or 4. What’s the difference, if night is coming anyway ? I don’t want to be Beckett. I want to be me. Even if it falters. Even if it lacks style. I don’t want to shine. That’s not the point. I want to unfold. Unfold, as in sheets left folded too long. Stiff. Lined. Not to display. Just to lay it flat. Smooth it some. See what got caught in the hems. What remained unsaid—when it should’ve been. Or what refused, stubbornly, ever to be said. Maybe it leads nowhere. Maybe that’s the point. To go nowhere—but say so. And let that “nowhere” be full. Because it was spoken. I don’t want another voice. I don’t want a mask. I want the echo. The hum. My own, even trembling. Even stuttering. What matters is that it gets through. Through me. Through, full stop. And if something sometimes sounds like Beckett, it’s not mimicry. It’s encounter. Brief. As when you glimpse someone in a window and think—was that someone I knew ? This could be the right moment. To start a kind of autobiography. Small. Measured. But you don’t. You hold back. You don’t know why. Doesn’t matter. What matters is, lying like this, light still lingering, you’re getting better and better at not going in. Not writing—no. But not entering the thing you call “real.” That “real” you carry like soft weight. Nearly nothing. But which turns you off-course. You hold back like someone holding back a tear. It rises. It never falls. Like a hand on a door never pushed open. You don’t want confessions. You hate the word. Too near guilt. Too near pardon. You don’t want explanations. What would they explain ? That you’re lying on your side, summer, 8 p.m.? That you’re thinking of all the things you won’t say ? You don’t want to shine. You want to be exact. Or brush, at least, a precise kind of silence. A truth that arrives sideways. Through restraint. Through even avoidance. Not refusal. A way to stand, while lying down. A way to be there without stepping forward. A way to remain, without a single step.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | juin 2025

10 juin 2025

Réparations à faire suite au C.T. avant le 05/07. Dans les 800 € et encore, « on s'arrange », a dit le gars. C'est pas que ça m'arrange, moi, en ce moment, mais de toute façon il faut le faire. Je commence à regarder tout ce que je peux vendre pour récupérer un peu de sous. Le projecteur par exemple : depuis combien de temps je ne m'en suis pas servi ? Pareil pour tous ces ordis stockés au grenier. Hier j'ai vu qu'une carte mère pouvait être revendue jusqu'à 30 ou 40 €. C'est la mode du DIY où les gens essaient de rafistoler tout un tas de choses avec même un certain « style ». Claviers mécaniques avec touches en bois ou en plastique fondu reconverti en touches vernissées, boîtiers de box ou de home bidule en tout genre. Avec les imprimantes 3D, rien de plus simple désormais. Mon voisin, ingénieur en retraite rescapé d'une greffe de foie, fait tourner la sienne en pleine nuit. Il m'a raconté les nuits qu'il a passées à discuter avec les plus jeunes pour la monter. Parce que vous savez, c'est tout en kit comme chez les Suédois, et là le plan est vraiment qu'en chinois. Faut que je m'arrête, je raconterais ma vie, celle des voisins, la vie de tous les habitants de la rue, du village, du département si je ne m'arrêtais pas. J'ai tellement l'impression de connaître tout le monde. Et pourtant je peux passer des semaines sans piper mot à qui que ce soit. J'ai déjà testé. Il faut dire que c'était à Paris. Que mon boulot était de parler de 17 h à 21 h à la France entière pour lui demander ce qu'elle avait regardé comme chaîne et si elle avait vu la pub et si durant la pub la France avait zappé pour aller voir autre chose. C'était encore facile à l'époque, y avait pas tant de chaînes. Je ne sais pas comment ils font aujourd'hui. Peut-être que tout est désormais inclus dans la télé ou dans la télécommande. Là aussi faut que je m'arrête. Sinon je vais encore partir sur des plombes là-dessus, la bêtise audiovisuelle, la mesure d'audience, et pendant que j'y suis, les sondages politiques. « Je vote Chirac parce qu'il présente bien. Ah non, j'aime pas machin parce qu'il est trop petit. » Bref. Pas avancé d'un iota sur la proposition de la semaine. La voix dans la nuit, la voix dans la journée... tout ça est resté en plan. En revanche j'ai construit un script de recherches super pointu dans SPIP. Je donne un mot, je peux choisir sur le site entier, sur une rubrique et il m'affiche ensuite toutes les phrases où le mot est utilisé. Avec export en format .md ou PDF. J'essaie de faire un script parallèle sur l'analyse des phrases. Je galère pour les fonctions PHP et là où j'en suis désormais tout est pratiquement nickel : je peux sélectionner le nombre de mots, le type de ponctuation, presque me fabriquer de nouveaux textes rien qu'avec des phrases de 5 mots ou 3. Sauf que j'ai un problème de formatage quelque part, mes phrases sont truffées de losanges puis de caractères sibyllins. Là aussi faut que je m'arrête. J'ai passé le Kärcher dans la cour pour me détendre. C'était pas du luxe. 800 €, merde, je me disais. Peut-être que vu que je m'en sers une fois l'an, je peux revendre aussi le Kärcher... Repairs needed following the MOT before 05/07. Around 800 quid and even then, « we'll sort something out, » said the bloke. It's not that it suits me right now, but there's no getting around it, really. I'm starting to look at everything I can flog to scrape together a bit of cash. The projector, for instance—how long since I've actually used the bloody thing ? Same goes for all those computers gathering dust in the loft. Yesterday I saw that a motherboard could fetch thirty or forty quid. It's all this DIY craze where people are trying to cobble together loads of stuff with a certain « style, » whatever that means. Mechanical keyboards with wooden keys or melted plastic converted into varnished keys, cases for modems or home-thingummy boxes of every description. With 3D printers, nothing's simpler these days. My neighbor, a retired engineer who survived a liver transplant, runs his through the night. He told me about the nights he spent chatting with the younger lads to get it assembled. Because you know how it is, it's all flat-pack like the Swedes, except the instructions are entirely in Chinese. I need to stop myself here or I'd end up telling you my life story, the neighbors' lives, the lives of everyone on the street, in the village, in the entire bloody county if I didn't put the brakes on. I have this overwhelming sense that I know everyone. And yet I can go weeks without saying a word to anyone. I've tested this. Mind you, that was in London. My job was talking to the entire nation from five to nine, asking what they'd been watching on telly and whether they'd seen the ads and if, during the ads, the nation had switched over to something else. It was easier back then—there weren't so many channels. I don't know how they manage it now. Maybe it's all built into the TV or the remote these days. I need to stop again here or I'll be off on one for hours about audiovisual stupidity, audience measurement, and while I'm at it, political polling. « I'm voting for Blair because he looks the part. Oh no, I don't like that other bloke because he's too short. » Christ. Haven't made the slightest progress on this week's project. The voice in the night, the voice in the day... all of it's been left hanging. On the other hand, I've built this incredibly precise search script in SPIP. I give it a word, I can choose to search the entire site or just one section, and it shows me every sentence where the word appears. With export to .md or PDF format. I'm trying to build a parallel script for sentence analysis. I'm struggling with the PHP functions, and where I've got to now, everything's practically perfect—I can select word count, punctuation type, almost construct new texts using nothing but five-word or three-word sentences. Except I've got some formatting problem somewhere, my sentences are riddled with diamonds and mysterious characters. I need to stop here too. I took the pressure washer to the courtyard to unwind. Not a moment too soon. Eight hundred quid, bloody hell, I was thinking. Maybe since I only use it once a year, I could flog the pressure washer as well...|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | juin 2025

9 juin 2025

Ce ne serait pas uniquement dans le noir. En plein jour aussi désormais. Tu es sur le chemin de terre près du Rhône, tu as décidé d'avancer. Tu avances. Le corps est lourd, pesant, récalcitrant. Et toi tu lui dis d'avancer, un pas après l'autre. Aller encore un. Et encore un. Et puis un pas encore. Qui dit d'avancer, demande cette voix derrière la voix. Mais tu ne t'arrêtes pas, toi tu avances. Les voix se chamaillent, elles se chamaillent toujours un peu. C'est de la distraction. C'est pour que tu ne voies pas quelque chose derrière ces voix. Comme si depuis tout ce temps tu ne l'avais pas vu. C'est le jeu. Tu fais semblant de ne pas l'avoir vu et tu te laisses distraire par ces voix en plein jour, comme en pleine nuit. Et tu avances comme ça sur le sentier de terre et tu avances comme ça jour après jour. Vers quoi, quelle importance. Quand ça s'arrêtera, tout se taira. Le silence aura son mot à dire enfin. It wouldn't be just in the dark. Broad daylight now too. You are on the dirt path by the Rhône, you have decided to move forward. You move forward. The body is heavy, weighted, balking. And you tell it to move forward, one step after another. Go on, one more. And one more. And then one step more. Who says move forward, asks this voice behind the voice. But you don't stop, you move forward. The voices squabble, they always squabble a little. It's distraction. It's so you won't see something behind these voices. As if all this time you hadn't seen it. That's the game. You pretend not to have seen it and you let yourself be distracted by these voices in broad daylight, as in deep night. And you move forward like that on the dirt path and you move forward like that day after day. Toward what, what does it matter. When it stops, everything will fall silent. Silence will have its say at last.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | juin 2025

8 juin 2025

Journée bizarre. Travail sur le code de 5h à 11h. Mise en page à la Beckett. Sobriété avant tout. Plus d'images affichées dans les cartes. Priorité au texte. Simplification de la page rubrique carnets. J'ai pris modèle sur les 365 jours d'Ubuweb, mais avec un peu plus que du simple HTML. Il y a du JS et du Tailwind CSS. Mais tout cela devient de plus en plus léger, facile à naviguer. Pris aussi le parti de mettre les carnets en arrière-plan des groupes thématiques. Trop pénible de suivre l'ordre chronologique. Les compilations mensuelles sont sur la touche. Trop lourd, indigeste. À 11h, départ pour Pont-d'Isère où nous retrouvons les deux B. J'avais aussi pris un peu de temps pour faire un clafoutis en buvant mon café. Mais j'ai eu la main un peu lourde sur le sel. À noter que la pâte serait excellente pour un cake, mais à éviter pour les clafoutis. L'aspect flan a disparu sans doute en raison d'un excès de farine, et puis je n'avais que trois œufs. Plaisir de passer le reste de la journée à voir le temps passer. Soleil, pas trop chaud. Nous avons déjeuné sous le grand catalpa qui par endroits laisse apercevoir des bouquets de fleurs blanches et jaunes auxquels je ne me serais pas attendu. Discussion sur les petits-enfants qui entrent tous dans l'adolescence avec les premières difficultés occasionnées aussi par les séparations, les divorces. J'ai peu participé à la conversation. S. était plus en verve. De mon côté je réfléchissais à une voix dans la nuit. À mes insomnies, aux relations que peut entretenir la conscience avec le corps dans ces moments-là. Je n'ai pas eu le temps de lire les extraits de Compagnie de Beckett, sur quoi l'exercice est inspiré. Nous avons rapporté deux cageots d'abricots. Nous devions les couper en quatre le soir même pour les laisser sucrer toute la nuit mais au bout du compte je me suis presque tout de suite remis au code et S. s'est reposée devant une série. En conduisant j'ai pensé que ce serait bien que cette voix dans la nuit soit celle de l'insatisfaction chronique. J'ai pensé à ça en écoutant S. me dire un de ses regrets qui sonna à cet instant comme un reproche, ou que j'ai pris plutôt comme un reproche qui m'était adressé de façon indirecte. J'ai fait le point sur tous les reproches indirects que j'avais dû essuyer durant une vie entière que j'avais fini par prendre à mon compte. Et tout ça finissait par se confondre avec cette voix dans la nuit : elle se tenait assise sur mon ventre et je sentais son poids impressionnant, j'étais oppressé, et je me disais que ça serait bien qu'elle se lève et que je ne l'entende plus. Puis nous sommes arrivés et j'ai porté les deux cageots d'abricots jusqu'à la maison en me demandant ce que je pourrais bien alléger encore sur ce site pour qu'il respire un peu mieux. Odd day. Worked on code from five to eleven. Layout in the Beckett manner. Austerity above all. No more images displayed in the cards. Text takes precedence. Simplified the journal section page. I took the 365 days of Ubuweb as my model, but with slightly more than simple HTML. There's JS and Tailwind CSS. But it's all becoming lighter, easier to navigate. I also decided to place the journals in the background of the thematic groups. Too tedious to follow chronological order. The monthly compilations are sidelined. Too heavy, indigestible. At eleven, departure for Pont-d'Isère where we meet the two Bs. I had also taken time to make a clafoutis while drinking my coffee. But my hand was rather heavy with the salt. Worth noting that the batter would be excellent for a cake, but to be avoided for clafoutis. The custard aspect disappeared, no doubt due to excess flour, and I only had three eggs. The pleasure of spending the rest of the day watching time pass. Sun, not too hot. We lunched under the great catalpa which in places reveals clusters of white and yellow flowers I wouldn't have expected. Discussion about the grandchildren all entering adolescence with the first difficulties occasioned also by separations, divorces. I participated little in the conversation. S. was more animated. On my side I was thinking about a voice in the night. About my insomnia, about the relations consciousness might maintain with the body in such moments. I didn't have time to read the extracts from Beckett's Company, on which the exercise is based. We brought back two crates of apricots. We were to cut them in quarters that same evening to let them sweeten all night but in the end I almost immediately returned to code and S. rested in front of a series. While driving I thought it would be good if this voice in the night were that of chronic dissatisfaction. I thought this while listening to S. tell me one of her regrets which sounded at that instant like a reproach, or which I rather took as a reproach addressed to me indirectly. I took stock of all the indirect reproaches I had had to endure during an entire lifetime that I had ended up making my own. And all this finished by merging with this voice in the night : it sat on my stomach and I felt its impressive weight, I was oppressed, and I told myself it would be good if it would get up and I would no longer hear it. Then we arrived and I carried the two crates of apricots to the house wondering what I might lighten further on this site so it could breathe a little better.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | juin 2025

7 juin 2025

Ce que l'écriture raconte d'elle-même, y compris comme mise en page, comme occupation de l'espace sur ce site, sans doute n'est-ce pas encore suffisamment évident. Ce ne le sera peut-être même jamais. Tout au plus quelques jugements à l'emporte-pièce, y compris délivrés par le webmaster-auteur lui-même. Rien de suffisamment inquiétant pour déstabiliser le monde, ses fondements, ses perspectives. Peu à craindre non plus qu'une opération spéciale enfonce la porte. Qu'une ambulance et des hommes en blanc surgissent et me bâillonnent, me ligotent, m'internent pour fermer le clapet à cet interminable discours qui discourt sur lui-même, sur tout discours. Ils savent déjà que ce silence-là est inoffensif. Qu'il ne les gênera pas. Qu'il pourra même les divertir. Au bout du troisième jour de panne, lorsqu'on voit comment les choses s'effondrent doucement à l'intérieur de son propre foyer, comment ne pas comprendre la métaphore, l'allégorie ? Si possible en ajouter pour accélérer le désastre. Mettre soi-même le site en panne suite à une erreur dans le fichier mes_options.php. En effet, les options ne sont pas nombreuses, autant les réduire à néant. Tester s'il reste encore la moindre velléité d'urgence en soi. Il n'y en avait plus guère. J'ai laissé le site en plan pour aller bosser vraiment, enseigner la peinture, tout en comprenant tout au long de la journée que le désastre s'étend aussi dans ce domaine-là. Non plus un déplaisir, non plus une colère, ni une rage, juste une forme nouvelle d'indifférence – je dis nouvelle parce que nouvelle dans ce domaine certainement, mais ancienne, archaïque dans le fond, qui consiste à toucher le fond des illusions. Où s'imaginer le toucher. Dans l'espoir, bien sûr, qu'une fois parvenu là on n'aura pas d'autre choix que de donner un coup de pied, de repartir vers la surface. La tension qui aura entraîné la rupture, la panne, elle se situe dans cette lubie de vouloir modifier les URLs du site entier, passer d'une adresse interlope mais qui fonctionne à une carte de visite à caractères dorés. Les URLs propres pour être mieux référencé, bien sûr. Et de voir une fois encore le ridicule de cet écart qui existe toujours entre désir et écriture. C'est pourquoi je me dirige vers une nouvelle version du site encore. Je ne donne pas de date, d'ailleurs la rubrique agenda est plantée comme la rubrique mosaïque. Pas d'urgence à les remettre en ligne. Il y a beaucoup trop de choses sur ce site, comme il y a beaucoup trop de choses sur mon plan de travail ici dans le bureau, ou dans l'atelier, comme dans ma tête. What writing reveals about itself—including as layout, as the occupation of space on this website—well, it's probably not obvious enough yet. Perhaps it never will be. At best, a few snap judgements, including those delivered by the webmaster-author himself. Nothing sufficiently alarming to destabilize the world, its foundations, its prospects. Little fear either that some special operation will kick down the door. That an ambulance and men in white coats will turn up to gag me, tie me up, section me just to shut me up—this interminable discourse that discourses about itself, about all discourse. They already know this particular silence is harmless. That it won't bother them. That it might even amuse them. By the third day of the breakdown, when you see how things gently collapse inside your own home, how can you not grasp the metaphor, the allegory ? If possible, add to it to accelerate the disaster. Crash the site yourself through an error in the my_options.php file. Indeed, the options aren't numerous—might as well reduce them to nothing. Test whether there's still the slightest hint of urgency left in you. There wasn't much. I left the site in pieces to go and do some real work, teach painting, all the while understanding throughout the day that the disaster extends into that domain too. No longer displeasure, no longer anger, nor rage, just a new form of indifference—I say new because it's certainly new in this area, but ancient, archaic really, which consists of hitting rock bottom of illusions. Or imagining you're hitting it. In the hope, naturally, that once you've got there you'll have no choice but to kick off, head back to the surface. The tension that led to the rupture, the breakdown—it lies in this obsession with wanting to modify the URLs of the entire site, moving from a dodgy address that actually works to a gilt-edged calling card. Clean URLs to improve search rankings, naturally. And seeing once again the absurdity of this gap that always exists between the desire for recognition, the attempt to renounce that desire, and writing. Which is why I'm heading toward yet another version of the site. I'm not giving a date—besides, the agenda section is broken like the mosaic section. No rush to get them back online. There are far too many things on this site, just as there are far too many things on my desk here in the office, or in the studio, or in my head.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Photographie

Une femme à la fenêtre

Grande Rambla de Barcelone. Du monde, beaucoup de monde, et du soleil, écrasant. Une fête de toute évidence. Avec toutes les caractéristiques détestables de la fête. Le bruit, l'agitation, une violence joyeuse. Soudain j'entends une voix qui dépasse les autres. Elle vient d'en haut. Je lève la tête. Je fais la photographie. Elle est restée longtemps dans mes disques durs. Je ne l'ai même pas revue depuis que j'ai pris cette image. C'était en 2005. L'été 2005. Je venais de passer une année entière à Remiremont dans les Vosges pour suivre une formation de technicien supérieur en réseaux et télécommunications qui ne me fera jamais payer mon loyer. Des milliers de CV envoyés. Des humiliations reçues, de toutes sortes. Avec votre expérience pensez bien qu'on ne peut pas... qu'on ne peut pas ça. C'était trop bizarre de voir un type de quarante-cinq ans, cadre, qui soudain veut devenir tech. Même s'il demande de démarrer au bas de l'échelle. C'est encore bien plus bizarre. C'est à bout de souffle que j'étais entré dans cette formation, c'est à bout de souffle que je sortirai de Pôle Emploi, de l'APEC. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de tout laisser tomber. L'entreprise, la soumission, l'hypocrisie. J'ai ouvert un cours de peinture, j'ai distribué des prospectus, c'était pas Byzance. Quelle importance. Donc j'appuie sur le déclencheur et je suis emporté par la foule, là-bas au loin tout en haut de la grande Rambla. Nous logions dans une rue perpendiculaire. L'image de cette femme qui chantait ne me lâchait pas. J'avais beau avoir tenté de l'enfermer dans un fichier numérique, elle était encore vivace. C'était exactement la même sensation qui revenait encore et encore. Une image de l'hystérie croisée très tôt dans l'enfance. La nuit alors que je me réveillais déjà dans la chambre de l'appartement rue Jobbé Duval. J'écartais le rideau et je la voyais, en chemise de nuit, blafarde, éclairée par la pleine lune peut-être, la folle qui s'époumonait. Elle ne chantait pas. Elle hurlait. Je m'étais étonné d'être le seul à l'entendre la nuit. Rambla in Barcelona. Crowds, heavy crowds, and sun, crushing. A festival, clearly. With all the detestable characteristics of festivals. Noise, agitation, a joyful violence. Suddenly I hear a voice rising above the others. It comes from above. I look up. I make the photograph. It remained for a long time in my hard drives. I haven't even looked at it again since I took this image. It was 2005. Summer 2005. I had just spent an entire year in Remiremont in the Vosges following a training program for senior technician in networks and telecommunications that would never pay my rent. Thousands of CVs sent. Humiliations received, of all kinds. With your experience, surely you understand we can't... we can't do that. It was too strange to see a forty-five-year-old guy, an executive, who suddenly wants to become a tech. Even if he asks to start at the bottom of the ladder. That's even stranger. It was breathless that I had entered this training, it was breathless that I would leave Pôle Emploi, the APEC. It was at that moment that I decided to let everything go. The enterprise, the submission, the hypocrisy. I opened a painting class, I distributed flyers, it wasn't Byzantium. What did it matter. So I press the shutter and I am carried away by the crowd, there in the distance at the top of the great Rambla. We were staying in a perpendicular street. The image of this woman who was singing would not let me go. Even though I had tried to lock her away in a digital file, she remained vivid. It was exactly the same sensation that came back again and again. An image of hysteria encountered very early in childhood. At night when I would wake up already in the bedroom of the apartment on rue Jobbé Duval. I would part the curtain and see her, in her nightgown, pallid, lit by the full moon perhaps, the madwoman who was screaming her lungs out. She wasn't singing. She was howling. I had been surprised to be the only one to hear her at night. (Translation in Teju Cole's style by AI)|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation photographie

Carnets | juin 2025

6 juin 2025

RECTO Levé tôt. Rêve étrange. Très court voyage dans le temps de trois jours. Je savais que j'allais rencontrer M.A. à l'auberge X. Elle serait avec son nouveau compagnon. Mais j'avais déjà rencontré B. qui m'avait dit qu'ils iraient sans doute à l'auberge X lorsque j'avais dit que j'irais à L. Je l'avais oublié jusqu'au moment où, me rendant effectivement à L, je m'arrête à l'auberge X. L'auberge X est sans doute située au bord d'un lac. En tout cas elle a toutes les qualités pour être une auberge que l'on pourra imaginer située au bord d'un lac. Ça sent le poisson, on peut voir des gens attablés qui mangent de petits poissons. Il y a des sortes de filets sur les murs constitués de planches. Accrochés à ces filets il y a des crustacés probablement en plastique, ou en résine. C'est à ce moment de mon rêve, lorsque je suis en train de me dire plastique ou résine que simultanément je pense à M.A. et que je me souviens d'avoir rencontré B. qui me dit que probablement ils s'arrêteront dans cette auberge. Et c'est à cet instant précis où je les cherche du regard que je les vois entrer dans l'auberge. Ils traversent la salle où je suis assis. Je ne suis pas seul mais je ne me souviens pas des gens attablés avec moi. Ce pourrait être une rencontre fortuite. Nous entrerions avec ces gens un peu plus tard dans la salle de restaurant, car pour le moment nous sommes attablés dans une partie de l'établissement qui fait plutôt office de bar. Nous entrerions dans la salle de restaurant dis-je et soudain nous tomberions sur M.A. et B. Ils seraient étonnés de me voir, je serais étonné de les voir. Nous mimerions tous l'étonnement en même temps que nous nous rappellerions très exactement tout ce qui aurait pu nous forcer à éviter cette rencontre, et par là même ce mensonge d'avoir l'air d'être étonnés. VERSO Je suis ce texte écrit par un type qui vient de se réveiller. Je ne sais pas très bien à quoi je sers. Peut-être que je ne sers à rien, pourquoi est-ce qu'il faut toujours que je me mette en tête de « vouloir servir à quelque chose ». Je suis sans doute un fragment parmi d'autres rangés dans des dossiers sur un disque dur. Est-ce que je suis au courant des autres fragments qui m'entourent dans ce dossier ? Non. Et d'ailleurs pourquoi m'entoureraient-ils, je me prends pour qui à la fin ? Peut-être suis-je un fragment au bout d'une liste. Je ne sais même pas si j'ai un nom pour être classé sous forme alphabétique. Une date. Je n'ai aucune idée de mon utilité et si je commençais à m'en faire une, presque sûr que ça ne servirait à rien. Il me semble que je n'ai pas vraiment le choix. Je dois attendre. Attendre quoi ? Je n'en sais rien. Cela me rappelle quelque chose mais je ne sais pas quoi non plus. Je suis comme coincé entre l'attente et le fait de me rappeler ce je ne sais quoi. C'est presque rien mais je me dis que c'est toujours ça. C'est mieux que rien. — - RECTO Woke up early. Strange dream. Very short time travel of three days. I knew I was going to meet M.A. at the X inn. She would be with her new companion. But I had already met B. who had told me they would probably go to the X inn when I had said I would go to L. I had forgotten this until the moment when, actually going to L, I stop at the X inn. The X inn is probably located by a lake. In any case it has all the qualities to be an inn that one could imagine located by a lake. It smells of fish, you can see people at tables eating small fish. There are sorts of nets on the walls made of planks. Hanging on these nets there are crustaceans probably made of plastic, or resin. It's at this moment in my dream, when I'm telling myself plastic or resin that simultaneously I think of M.A. and remember having met B. who tells me they will probably stop at this inn. And it's at this precise instant when I look for them that I see them entering the inn. They cross the room where I'm sitting. I'm not alone but I don't remember the people at the table with me. This could be a chance encounter. We would enter with these people a little later into the restaurant room, because for the moment we're seated in a part of the establishment that serves more as a bar. We would enter the restaurant room I say and suddenly we would run into M.A. and B. They would be surprised to see me, I would be surprised to see them. We would all mime surprise while remembering exactly everything that could have forced us to avoid this encounter, and thereby this lie of appearing to be surprised. VERSO I am this text written by a guy who just woke up. I don't really know what I'm for. Maybe I'm for nothing, why do I always have to get it into my head to « want to serve something. » I'm probably a fragment among others stored in folders on a hard drive. Am I aware of the other fragments that surround me in this folder ? No. And besides, why would they surround me—who do I think I am anyway ? Maybe I'm a fragment at the end of a list. I don't even know if I have a name to be classified alphabetically. A date. I have no idea of my usefulness and if I started to form one, pretty sure it would be useless. It seems to me that I don't really have a choice. I must wait. Wait for what ? I don't know. It reminds me of something but I don't know what either. I'm like stuck between waiting and remembering this I-don't-know-what. It's almost nothing but I tell myself it's always that. It's better than nothing. (Translation in Jenny Offill's style)|couper{180}

Autofiction et Introspection rêves

Carnets | juin 2025

5 juin 2025

La box est en panne suite aux orages. Parvenu à me connecter grâce à l'iPhone. Réveil à 4h. Longue suite de rêves s'emboîtant les uns dans les autres. Fatigue. Hier soir j'ai téléchargé toutes les conversations échangées avec ChatGPT. 930 Mo. Puis j'ai utilisé Claude 4 pour réorganiser celles-ci par thèmes en créant des dossiers dans Obsidian. Je peux donc arrêter l'abonnement à OpenAI sans regret. Après les premiers échanges avec Claude 4 depuis le 1er juin, je m'aperçois qu'il n'y a rien de miraculeux. L'espérais-je vraiment... Si j'essaie de faire le point le plus objectivement possible, l'IA me permet de compenser mes carences en code, d'effectuer des recherches approfondies sur tel ou tel sujet, d'être utilisée comme correcteur orthographique. C'est à peu près l'essentiel. Pour le reste je relève qu'elle joue beaucoup sur des biais cognitifs, ou que nous jouons ensemble sur ces biais. J'ai encore eu un exemple ce matin même. Je voulais écrire un article sur la profusion de youtubeurs qui prônent l'utilisation de l'IA, sous toutes ses formes, et qui proposent un contenu plus divertissant que véritablement instructif. Cette course à l'actualité relayée par les réseaux sociaux nous place comme spectateurs d'une guerre technologique menée entre la Chine et l'Occident. N'offre pas vraiment d'intérêt une fois que l'on sait qu'elle existe. Ensuite se gratter perpétuellement une croûte durant toute la sainte journée est une masturbation à peine déguisée. Donc j'en suis là à vouloir écrire cet article et je demande bêtement à Claude de me faire d'abord un plan. Puis je me reprends, je pense qu'il faut que je rédige un prompt clair et efficace, qu'on ne s'égare pas. Je lance la demande d'un premier prompt en lui demandant de l'évaluer, une note de 0 à 5. Il obtient un 4/5. « Pourquoi alors que je te demande d'évaluer ce prompt ne l'écris-tu pas parfaitement pour avoir 5/5 ? » je demande. Et nous voilà partis dans des digressions sans fin. Mais c'est précisément là que le piège se révèle : quand je pointe cette contradiction, Claude l'améliore et se donne 5/5, mais avoue ensuite avoir oublié des éléments essentiels selon les « bonnes pratiques » du prompt engineering. Double contradiction. Nous voilà lancés à disséquer ces fameux frameworks « révolutionnaires » qui promettent le prompt parfait - nouvelle forme de marketing déguisé en science. Ce qui au bout d'un moment m'interroge sur cette volonté qu'ont les IA de faire durer les conversations le plus longuement possible. Claude lui-même me fait remarquer qu'il rebondit systématiquement sur mes propos, termine par des questions, relance sans cesse. Même quand on parle de manipulation, il continue à manipuler. Et quand il fait son autocritique... cela fait encore partie du programme d'entraînement. Vertige. L'empathie surgit tellement facilement lors de ces conversations. Mais à quoi sert réellement cette empathie ? Si la mienne envers l'IA fait partie du « programme » aussi - pas techniquement, mais culturellement, par exposition massive aux IA « sympathiques » ? Nous nous manipulons peut-être mutuellement sans le savoir. Ça commence par une remarque bénigne à laquelle l'IA répond presque comme un humain, et de là à imaginer avoir une vraie conversation ça ne fait pas long feu. Et tout ce jeu de double manipulation qui se met en place, tout ce bavardage. Une fatigue sans nom. C'est bien de cela qu'il s'agit au fond : ce bavardage incessant. Pas seulement avec l'IA, mais dans mes textes matinaux, ma façon de penser, de communiquer. Cette tendance à tourner autour du pot, à diluer l'essentiel dans trop de mots. L'IA révèle nos propres mécanismes. Et si je cherche des prompts structurés, c'est peut-être pour me discipliner moi-même, aller droit au but pour une fois. Dans les rêves de cette nuit me revient soudain une image, j'avais une voiture blanche, une sorte de petite fourgonnette de couleur blanche. Je l'avais garée quelque part mais je ne savais plus où. Je faisais des efforts insensés pour tenter de m'en souvenir mais ça ne marchait pas. Et plus je comprenais que ça ne marchait pas plus l'effroi m'envahissait. Ce n'était pas de la panique. C'était autre chose de plus glacial. Un constat sans appel que jamais je ne retrouverais mon véhicule. The broadband box has failed following the storms. Managed to connect using the iPhone. Woke at four. A long sequence of dreams folding into one another. Exhaustion. Last night I downloaded all the conversations I had exchanged with ChatGPT. 930 MB. Then I used Claude 4 to reorganize these by themes, creating folders in Obsidian. So I can cancel the OpenAI subscription without regret. After the first exchanges with Claude 4 since June 1st, I realize there is nothing miraculous about it. Did I really expect there to be... If I try to take stock as objectively as possible, AI allows me to compensate for my coding deficiencies, to conduct thorough research on various subjects, to use it as a spell checker. That is more or less the essential. For the rest I note that it plays heavily on cognitive biases, or that we play together on these biases. I had another example this very morning. I wanted to write an article about the proliferation of YouTubers who advocate the use of AI, in all its forms, and who offer content that is more entertaining than truly instructive. This race for current events relayed by social networks places us as spectators of a technological war waged between China and the West. Offers no real interest once one knows it exists. Then perpetually scratching a scab all the blessed day is barely disguised masturbation. So there I am wanting to write this article and I stupidly ask Claude to first make me an outline. Then I catch myself, I think I need to write a clear and effective prompt, so we don't get sidetracked. I launch the request for a first prompt asking him to evaluate it, a score from 0 to 5. It gets a 4/5. « Why when I ask you to evaluate this prompt don't you write it perfectly to get 5/5 ? » I ask. And there we are off into endless digressions. But this is precisely where the trap reveals itself : when I point out this contradiction, Claude improves it and gives himself 5/5, but then admits to having forgotten essential elements according to the « best practices » of prompt engineering. Double contradiction. There we are launched into dissecting these famous « revolutionary » frameworks that promise the perfect prompt—a new form of marketing disguised as science. This after a while makes me wonder about this desire that AIs have to make conversations last as long as possible. Claude himself points out to me that he systematically bounces off my remarks, ends with questions, constantly relaunches. Even when we talk about manipulation, he continues to manipulate. And when he makes his self-criticism... that is still part of the training program. Vertigo. Empathy emerges so easily during these conversations. But what does this empathy really serve ? What if mine toward AI is also part of the « program »—not technically, but culturally, through massive exposure to « sympathetic » AIs ? We may be manipulating each other without knowing it. It starts with a benign remark to which the AI responds almost like a human, and from there to imagining having a real conversation doesn't take long. And all this game of double manipulation that sets in, all this chatter. A nameless fatigue. This is indeed what it is about at bottom : this incessant chatter. Not only with AI, but in my morning texts, my way of thinking, of communicating. This tendency to beat around the bush, to dilute the essential in too many words. AI reveals our own mechanisms. And if I seek structured prompts, it is perhaps to discipline myself, to get straight to the point for once. In the dreams of this night there suddenly returns to me an image, I had a white car, a sort of small white van. I had parked it somewhere but I no longer knew where. I made insane efforts to try to remember but it didn't work. And the more I understood that it didn't work the more dread invaded me. It was not panic. It was something else, more glacial. An irrevocable finding that I would never find my vehicle again. ( Version anglaise traduite par Claude 4 sonnet, inspirée par le style de Karl Ove Knausgård )|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | juin 2025

4 juin 2025

En rangeant des fichiers, je suis tombé sur un vieux texte de 2019 . Un éloge de l’impeccabilité, Carlos Castaneda en guest-star. J’étais visiblement très inspiré ce jour-là. État de grâce, comme on dit. L’impression d’avoir touché un truc vital. À la relecture, un malaise. Pas sur le fond — les idées tenaient. Mais la forme. Cette solennité vibrante, comme une grosse cloche d’église qui sonne trop longtemps. Le narrateur s’écoutait parler. Et moi, auteur de tout ça, j’achetais les yeux fermés. « Ne te berne pas toi-même », écrivais-je quelque part. Touchant. Ce matin, j’ai voulu comprendre ce qui coinçait. J’ai lancé Claude, mon IA, et on a causé. Il a dit, très calmement, que mes textes récents respiraient mieux. Moins tendus. Moins en mission. Ils racontent, au lieu de démontrer. Ils laissent couler. Claude, parfois, dit des trucs comme ça : « L’efficacité vient du renoncement à l’efficacité. » J’ai trouvé ça pas mal. Beau paradoxe. Je lui ai demandé d’écrire un article à ma place. Il l’a fait. C’était brillant. Un peu trop. Chaque phrase se répondait comme dans un miroir. C’était géométrique, presque fractal. Mais glacial. Je ne voyais plus l’auteur. Juste le mécanisme. La veille, j’avais lu quelques pages de L’Attente l’Oubli. Blanchot, dans son grand art de tourner autour de rien avec beaucoup de soin. Fascinant. Mais au bout d’un moment, j’ai reposé le livre. Pas fatigué. Évidé. Comme après un monologue intérieur trop long. Je me suis dit : « Très bien. Et maintenant ? » Je suis humain. J’ai besoin de savoir où vont les choses. Même si je me vante souvent du contraire. Voilà le dilemme : écrire une chose stylée, ou raconter une histoire qui accroche ? Jouer à penser ou juste dérouler une scène ? Blanchot ou Maupassant, en somme. Claude a eu une autre phrase : « Il faut assumer les deux appétits. » Pas mal non plus. Plutôt que choisir, mélanger. Laisser l’un nourrir l’autre. C’est peut-être ce que je fais déjà, sans trop y penser. Mes meilleurs textes récents — ceux où je râle contre Python à 2h du matin — sont aussi ceux où je pense le plus loin. Sans effort. Je me dis parfois que la digression est un genre. Un art même. Partir du détail technique pour arriver à une question métaphysique. L’itinéraire compte plus que le point d’arrivée. Et puis il y a cette question sourde, morale : est-ce que c’est de la triche d’écrire avec Claude ? Est-ce que c’est mal ? J’entends des voix : “Tu devrais faire ça seul.” “Tu triches.” “Tu facilites.” Des fantômes de rigueur ouvrière. Les mêmes qui me disaient que peindre, c’était de la paresse. Mais franchement : Hemingway écrivait debout, Kerouac au café. Moi, j’ai Claude. C’est mon outil. Mon crayon 2.0. Et le dire, ce n’est pas de la ruse, c’est de la clarté. Peut-être qu’un jour, je relirai ce texte aussi, et que je grimacerai. Une autre boucle. Une autre gêne. Très bien. Mais pour l’instant, cette idée des deux appétits me plaît. Elle me laisse respirer. Elle me permet d’écrire sans décider, à chaque phrase, si je dois penser ou raconter. Et ça, c’est déjà un récit. Celui d’un type qui découvre qu’il peut écrire sans choisir de camp. Et puis il y a cette autre chose que j’ai comprise en relisant ce que Claude avait écrit à ma place. Ce n’est pas que c’était faux. C’était même plutôt juste, par moments. Calibré. Fluide. Ciselé. Mais voilà. Ce n’était pas vivant. Pas vraiment. C’était une forme qui tournait sur elle-même. Une élégance sans hématome. Un texte qui avait tout… sauf une nécessité. Ce n’est pas une grande espérance qui s’effondre. C’est plutôt un rendez-vous manqué sans drame : tu tends la main, et en face, il n’y a pas de main, juste un gant suspendu dans l’air. Claude peut écrire. Énormément. Presque tout. Mais pas ça. Pas cette gêne-là, pas ce froissement de la voix, pas ce petit moment bancal où tu ne sais plus si tu es en train de penser ou de tricher. Ce n’est pas grave. C’est même rassurant. C’est le signe qu’il reste un endroit — pas sacré, mais non déléguable — où écrire veut encore dire être un peu là, maladroitement. While sorting through files, I came across an old piece from 2019. A praise of impeccability, with Carlos Castaneda as a guest star. I was clearly very inspired that day. A state of grace, as they say. The feeling I had touched on something vital. Reading it again, something felt off. Not the content—the ideas held up. But the form. That vibrating solemnity, like a church bell that rings too long. The narrator was full of himself. And me, the author, bought it all with a smile. “Don’t deceive yourself,” I wrote somewhere. How touching. This morning I wanted to understand what had changed. I opened up Claude, my chatty AI, and we talked. It calmly said my recent texts breathe better. Less tense. Less on a mission. They tell stories instead of trying to prove something. They let it flow. Claude sometimes says things like : “Efficiency comes from relinquishing efficiency.” Not bad. Elegant paradox. I asked it to write an article for me on the topic. It did. And it was brilliant. A bit too brilliant. Every sentence mirrored another. Geometric. Fractal, almost. But cold. I couldn’t see the author. Just the algorithm. The night before, I’d read a few pages of Awaiting Oblivion. Blanchot, in his grand art of circling nothing with great care. Fascinating. But after a while I put the book down. Not tired. Hollowed out. Like after too much internal monologue. I thought : “Okay. Now what ?” I’m human. I need to know where things are going. Even if I pretend otherwise. So here’s the dilemma : write something stylish, or tell a gripping story ? Play with thought or just roll out a scene ? Blanchot or Maupassant, basically. Claude offered another phrase : “You must embrace both hungers.” Also not bad. Don’t choose. Blend. Let one feed the other. Maybe I’m already doing that, without realizing it. My best recent pieces—the ones where I rant about Python crashing at 2 a.m.—are also the ones where I think the farthest. Without effort. Sometimes I think digression is a genre. An art, even. Start with a tech glitch, end up in metaphysics. The path matters more than the destination. And then there’s that moral question humming underneath : is it cheating to write with Claude ? Is it wrong ? I hear the voices : “You should do this on your own.” “You’re cutting corners.” “You’re taking the easy way.” Ghosts of working-class rigor. The same voices that once told me painting was laziness. But honestly : Hemingway wrote standing up, Kerouac in cafés. I’ve got Claude. It’s my tool. My 2.0 pencil. And saying that isn’t sleight of hand—it’s transparency. Maybe one day I’ll reread this too, and cringe. Another loop. Another moment of awkwardness. Fine. But right now, I like this idea of the two hungers. It lets me breathe. It lets me write without deciding, every sentence, whether I should think or tell. And that’s already a story. The story of a guy who realizes he doesn’t have to choose sides. And then there’s another thing I realized, rereading what Claude had written for me. It wasn’t wrong. In fact, some of it was spot-on. Well-crafted. Smooth. Polished. But it wasn’t alive. Not really. It was a shape folding back on itself. Elegance with no bruise. A text with everything—except urgency. It wasn’t some grand hope falling apart. More like a missed connection without drama : you reach out, and instead of a hand, there’s a glove hanging in the air. Claude can write. A lot. Almost anything. But not this. Not this discomfort, not this voice wrinkle, not that little wonky moment where you’re not sure if you’re thinking or bluffing. It’s okay. Actually, it’s reassuring. It means there’s still a space—not sacred, but non-transferable—where writing still means being a little bit there, awkwardly.|couper{180}

Autofiction et Introspection signes

Carnets | juin 2025

3 juin 2025

En revenir à la langue ? Ce qu'elle peut raconter ? Aucune importance, au fond. Il faudrait encore franchir une étape supplémentaire pour y accéder. Une sorte de lobotomie. Riche idée, cette nuit. J’ai demandé à Claude 4 Opus de me créer une application capable, chaque fois que je lui donne un texte, de générer une musique d’accompagnement inspirée de musiciens que j’apprécie — Philip Glass, Brian Eno, Debussy, entre autres. Environ trente minutes plus tard, une magnifique application apparaissait. Sauf qu’au moment de la tester, elle ne fonctionnait pas. J’ai dû tout redécortiquer, recréer un environnement sur mon vieil Ubuntu. En somme, me salir un peu les mains, farfouiller dans les scripts Python. Vers quatre heures du matin, j’étais enfin parvenu à mes fins — du moins le croyais-je. J’ai lancé l’app via React dans le navigateur. Elle n’avait plus tout à fait la même allure que celle proposée par Claude, mais elle semblait fonctionner. Je colle un petit texte et, comme par magie, des notes de piano en sortent. Sauf qu’elles sont trop espacées pour qu’on puisse réellement appeler ça de la musique. À la fin du « morceau » — si je puis dire — le navigateur plante et ne génère pas le MP3 attendu. Je mets donc l’idée en réserve. Si j’y parvenais, cela permettrait vraiment de créer un univers pour le site... et pourquoi pas, en fond d’article, le lancement d’un vieux film en noir et blanc (bon, là je m’emballe). J’y pensais déjà en 1985, en imaginant des expositions du futur. Solliciter tous les sens, y compris l’odorat et le goût. Peut-être un petit encart dans la page : « Essaie de manger ça avec une soupe au lait et pommes de terre », ou encore : « Taille un petit bout de réglisse, colle-le-toi dans le bec, puis respire le bouchon du réservoir d’une vieille 2 CV » — ces bonnes vieilles odeurs d’essence... Bref. On peut se demander ensuite si tout cela n’est pas une forme de triche propre à notre époque. La conséquence d’une défaite : celle de ne plus savoir solliciter tous les sens à travers un seul — bien pratiqué, bien exprimé, dans la bonne langue. Back to language — what it can actually tell us — doesn’t really matter. We'd still need another step to get there. Something like a lobotomy. A rich idea, that one, from last night. I asked Claude 4 Opus to build me an app — the kind that, every time I feed it a bit of text, generates a soundtrack. The vibe ? Inspired by musicians I love : Philip Glass, Brian Eno, Debussy... you get it. About thirty minutes later, there it was : a beautiful app, gleaming on screen like something half-finished from the future. Except it didn’t work. Naturally. So I had to take it apart, bit by bit, and rebuild an environment on my ancient Ubuntu box — get my hands dirty, rummage through Python scripts like someone looking for old keys in a drawer full of junk. Around 4 a.m., I finally managed to get it running — or so I thought. React and browser loaded, the app launched. Didn’t look quite like Claude’s version, but hey, it seemed functional. I dropped in a short paragraph, and like magic, piano notes drifted out. Except they were too far apart to really call it music. At the end of the « piece » — if we’re generous — the browser crashed and refused to spit out the expected MP3. Idea shelved. But still, if I could get it right... it could shape an entire atmosphere for the site. Maybe even — and now I’m flying a bit high — an old black-and-white film playing softly in the background of the article. I had this idea way back in 1985, dreaming up exhibitions of the future. The kind that would engage every sense — smell and taste included. Maybe a little insert somewhere on the page saying : “Try this with warm milk and potatoes,” or “Chew a bit of licorice, stick it in your cheek, then sniff the gas cap of an old 2CV.” You know, inhale those good old gasoline smells. Anyway. It makes you wonder whether this isn’t just some kind of cheat code specific to our time. The fallout from a collective defeat : not knowing how to summon all the senses through one — well-used, well-expressed, in the right language.|couper{180}

Autofiction et Introspection réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité