3 juin 2025
En revenir à la langue ? Ce qu’elle peut raconter ? Aucune importance, au fond. Il faudrait encore franchir une étape supplémentaire pour y accéder. Une sorte de lobotomie. Riche idée, cette nuit.
J’ai demandé à Claude 4 Opus de me créer une application capable, chaque fois que je lui donne un texte, de générer une musique d’accompagnement inspirée de musiciens que j’apprécie — Philip Glass, Brian Eno, Debussy, entre autres.
Environ trente minutes plus tard, une magnifique application apparaissait. Sauf qu’au moment de la tester, elle ne fonctionnait pas. J’ai dû tout redécortiquer, recréer un environnement sur mon vieil Ubuntu. En somme, me salir un peu les mains, farfouiller dans les scripts Python. Vers quatre heures du matin, j’étais enfin parvenu à mes fins — du moins le croyais-je. J’ai lancé l’app via React dans le navigateur. Elle n’avait plus tout à fait la même allure que celle proposée par Claude, mais elle semblait fonctionner.
Je colle un petit texte et, comme par magie, des notes de piano en sortent. Sauf qu’elles sont trop espacées pour qu’on puisse réellement appeler ça de la musique. À la fin du « morceau » — si je puis dire — le navigateur plante et ne génère pas le MP3 attendu. Je mets donc l’idée en réserve. Si j’y parvenais, cela permettrait vraiment de créer un univers pour le site... et pourquoi pas, en fond d’article, le lancement d’un vieux film en noir et blanc (bon, là je m’emballe).
J’y pensais déjà en 1985, en imaginant des expositions du futur. Solliciter tous les sens, y compris l’odorat et le goût. Peut-être un petit encart dans la page : « Essaie de manger ça avec une soupe au lait et pommes de terre », ou encore : « Taille un petit bout de réglisse, colle-le-toi dans le bec, puis respire le bouchon du réservoir d’une vieille 2 CV » — ces bonnes vieilles odeurs d’essence...
Bref.
On peut se demander ensuite si tout cela n’est pas une forme de triche propre à notre époque. La conséquence d’une défaite : celle de ne plus savoir solliciter tous les sens à travers un seul — bien pratiqué, bien exprimé, dans la bonne langue.
Back to language — what it can actually tell us — doesn’t really matter. We’d still need another step to get there. Something like a lobotomy. A rich idea, that one, from last night.
I asked Claude 4 Opus to build me an app — the kind that, every time I feed it a bit of text, generates a soundtrack. The vibe ? Inspired by musicians I love : Philip Glass, Brian Eno, Debussy... you get it.
About thirty minutes later, there it was : a beautiful app, gleaming on screen like something half-finished from the future. Except it didn’t work. Naturally. So I had to take it apart, bit by bit, and rebuild an environment on my ancient Ubuntu box — get my hands dirty, rummage through Python scripts like someone looking for old keys in a drawer full of junk. Around 4 a.m., I finally managed to get it running — or so I thought. React and browser loaded, the app launched. Didn’t look quite like Claude’s version, but hey, it seemed functional.
I dropped in a short paragraph, and like magic, piano notes drifted out. Except they were too far apart to really call it music. At the end of the "piece" — if we’re generous — the browser crashed and refused to spit out the expected MP3. Idea shelved. But still, if I could get it right... it could shape an entire atmosphere for the site. Maybe even — and now I’m flying a bit high — an old black-and-white film playing softly in the background of the article.
I had this idea way back in 1985, dreaming up exhibitions of the future. The kind that would engage every sense — smell and taste included. Maybe a little insert somewhere on the page saying : “Try this with warm milk and potatoes,” or “Chew a bit of licorice, stick it in your cheek, then sniff the gas cap of an old 2CV.” You know, inhale those good old gasoline smells.
Anyway.
It makes you wonder whether this isn’t just some kind of cheat code specific to our time. The fallout from a collective defeat : not knowing how to summon all the senses through one — well-used, well-expressed, in the right language.
Carnets | juin 2025
30 juin 2025
Gros boulot sur le base de données. Renommage de toutes les tables et suppressions de certaines qui semblaient poser problème. Je n'ai pas encore réussi à nettoyer la rubrique import de toutes les balises wp dont sont truffés les articles. Après moult essai et l'importation d'un dernier script, j'envoie un ticket à OVH. J'ai rétrogradé ma version php de manière à être dans les clous avec la version 4.4.4 de SPIP. Bref, accaparé par ces contingences techniques je ne peux pas dire que ce soit une journée palpitante. De gros coups de chaud mais pas dûs aux températures. Demain nous allons à C. S. et moi pour voir E. et l'après-midi rendez vous avec le remplaçant de B. Le tableau est prêt. Nous verrons L. et A. seulement dimanche avec M. et C. Espèrons qu'il leur plaise. Préparation pour affronter Avignon. Avec cette chaleur, j'avoue que je ne me vois pas du tout arpenter la ville. Je prévois d'apporter un carnet à dessin et de me mettre à l'ombre. Petite pluie tout à fait ridicule en fin de journée. pas grand chose d'autre à ajouter. Le mois se termine en queue de poisson on dirait bien.|couper{180}
Carnets | juin 2025
29 juin 2025
Réveil 3h30. Il faut un petit laps de temps pour que je retire le masque de mon visage. Le temps de visualiser l'enchaînement des gestes. D'abord appuyer sur le bouton off de la machine. Puis retirer l'harnachement de sangles et de lanières. Ne pas oublier de déloger les deux petits pitons de leurs encoches respectives, de chaque côté du morceau de plastique dur. Enfin libéré, se diriger vers l'interrupteur et allumer. Puis démonter la partie souple en contact avec le nez pour se rendre à la salle d'eau et la plonger dans le bol préparé la veille. Mélange d'eau et de savon. Ne pas oublier non plus de vider le réservoir d'eau, de le rincer et de le retourner sur une serviette afin qu'il sèche. Ne reste que le long tuyau rigide à rincer. Eau et savon encore mais au-dessus de la baignoire cette fois. Puis l'accrocher sur l'étendage afin que tout soit de nouveau opérationnel pour la nuit prochaine. Hier vers la mi-journée j'ai achevé la commande de A. et L. J'ai pris une photographie et je la leur ai envoyée. J. arrive vers 12h. Nous prenons un moment pour faire le point sur nos faiblesses, nos obstacles, nos maladies avant de nous mettre à table. Poulet rôti et pommes de terre au four. Nous testons le vin restant dans le cubi. Il est encore correct. Sieste ensuite. Puis nous sortons sous la chaleur, nous prenons la Twingo pour aller chercher la fraîcheur à Saint-Pierre-de-Bœuf. Marche le long de la rivière. Spectacle assuré par les canoteurs. Puis nous avisons un petit établissement. Terrasse ombragée. Café et verre d'eau glacé. Nous restons là à prévoir notre prochain séjour en Avignon. S. nous a trouvé un hébergement à Montfavet. On ira certainement voir la tombe de Camille Claudel. De mon côté je préviens que je ferai cavalier seul. Un programme parallèle qui me dispensera de me jeter dans cette course annuelle et frénétique vers les salles de théâtre. Il doit bien y avoir des choses à visiter autres que des théâtres, dis-je. Nous restons encore un peu puis nous repartons. Les sièges de la Twingo sont bouillants. Nous proposons à J. de dormir à la maison mais il décline. Il prend le train de 8h02 pour Lyon.|couper{180}
Carnets | juin 2025
28 juin 2025
À droite de l'écran se dresse d'abord un mur vert percé d'une fenêtre grande ouverte en raison de la chaleur que l'on cherche à expulser pour la remplacer par la fraîcheur matinale. Considérations climatiques futiles qui m'auront échappées puisque j'étais parti pour décrire les lieux. Mais j'y reviendrai peut-être. Sur le climat. Donc, nous avons une fenêtre de forme rectangulaire, il est rare par ici de voir des fenêtres carrées. Les rondes ou en losange sont encore plus rares. Ici aussi je crois qu'on pourra se passer de la géométrie. Au-delà de la fenêtre, un mur qui monte jusqu'à une ligne taillée en biseau, et qui est tout simplement le fait souligné d'une ombre encore plus noire que la pénombre. Si l'on veut laisser l'œil s'élever encore on peut avoir un triangle de ciel gris bleu dans la partie supérieure de la fenêtre. Avec peut-être une légère nuance purpurine. Description qui n'est que l'écho d'une page lue ce matin. Ce qui me fait penser à Laurent Mauvignier quand on lui demande quels sont les auteurs qui l'ont inspiré. Il parle de cet écho chez d'autres auteurs d'un quelque chose qu'il cherche à dire. Est-ce cela l'inspiration, je ne sais pas. Peut-être que ça parle de solipsisme prometteur plutôt. Comme si à la lecture on avait franchi un mur. On aurait découvert cette percée, cette fenêtre que j'évoque au début, on passerait par celle-ci et l'on se retrouverait dans un jardin, dans une ville, dans ce que l'on voudra, une bibliothèque. La seule chose dont on ne pourrait plus douter c'est que c'est à soi de s'occuper des lieux. Car pas de jardinier ici, pas d'éboueur pour ramasser les ordures, pas de bibliothécaire pour épousseter les ouvrages, balayer les sols. Tout nous appartiendrait, d'accord. Mais nous serions les seuls responsables à la fois des merveilles qu'on y trouve comme des dégâts qu'on y cause. Une idée fugace passe, laisse-la passer, ne la retiens pas. Patience. Si elle revient une seconde fois note qu'elle se représente avec un léger étonnement. Mais laisse-la passer encore. La troisième fois cependant note-la car il y a de grandes chances qu'elle ne se représente plus. Cet espoir de retrouver goût à la lecture lui tomba dessus comme la grâce. Qu'allait-il en faire lui qui dans chaque espoir décelait déjà les prémisses d'une deception à venir. Donc le mot propriété revient par la bande. C'est à dire que tu lis un livre, tu le lis parfois plusieurs fois, tu t'en imprègnes et à la fin de voici étrangement devenu son propriétaire . Je ne parle pas de placer le livre sur l'étagère de la bibliothèque, évidemment. Je parle de cette sorte d'avidité incroyable au fond de soi qui s'accapare le monde de toutes les manières dont on peut imaginer que le monde se présente à soi. Que ce soit une rue que l'on arpente à période régulière et dont on fait sa familère, comme jadis on parlait de favorite. Que ce soit les fleurs du jardin que l'on arrose le matin pour qu'elles ne dépérissent pas trop vite. Que ce soit les livres que l'on lit et dans lesquels parfois on se reconnaît plus ou moins. L'idée d'être assisté pour respirer. Par une machine. L'agacement soudain s'additionne à la chaleur, se cumule, s'amplifie. Vers 23h j'arrache le masque. C'est à dire que le confort au bout d'un moment m'est tout aussi insupportable que tout le reste. C'est à ce moment, ne parvenant plus à dormir que j'ouvre les Nouvelles Complètes de Conrad, chez Quarto. Je n'avais jamais lu la préface de Jacques Darras. Il évoque la présence de Rimbaud et de Jozef Konrad Korzeniowski au même moment à Marseille, en 1875. Et surtout cet attrait des deux jeunes hommes pour les langues étrangères notamment l'anglais et le français pour le jeune polonais. "L'oreille devient organe majeur, les recherches linguistiques saussuriennes sont proches d'une formulation théorique". Hier encore je m'interrogeai sur l'utilité d'un récit de voyage et aussitôt que je lis ces pages ce sont les noms de lieux qui attirent l'oeil. l'île de Bangka au nord de Sumatra Semarang Singapour et Bornéo Aden Kinshasa Stanley Falls Harar L'hôpital de la Conception à Marseille.|couper{180}
