Moi non plus je n’ai pas lu Regain. À moins que, pire, je l’aie lu et que j’aie tout oublié. Et pour ce qui est de tenir une information quelconque, j’y renonce : c’est beaucoup trop lourd à porter. Les gens se refilent l’information qu’ils n’arrivent pas à tenir, ils la tiennent d’autres qui, déjà, avaient du mal. Donc on se débarrasse plutôt de l’information et voilà comment elle se venge, en se déformant toute seule, comme une grande. C’est comme aller faire une différence entre le vrai et le faux de nos jours. Bonne chance. Merde, plutôt.
Mais bon, le fait est que je manque cruellement de position pour clamer mon opinion à tue-tête. Sur cet écrivain, par exemple, je n’ai pas lu une seule ligne de ce qu’il a bien pu écrire pour fâcher les gens comme ça. Après, on va me dire que je ne perds rien, que là n’est pas le problème. C’est la liberté d’expression qu’on attaque, bon Dieu, réveille-toi. Ah bon ? Il y a encore une liberté d’expression ? Puis-je vraiment dire "je vous emmerde" à tous les carrefours ? C’est vrai ?
J’en ai un peu marre de faire mon Voltaire. Je passe au crapaud, à la carpe, aux bulles, à la vase. En fait, je n’ai pas d’avis et je ne veux toujours pas en avoir un. Je tourne autour de l’avis comme un chien autour d’un arbre, pour trouver le meilleur angle d’attaque afin de me soulager.
Parce que désormais, tous les avis sont récoltés à la pelle, et on les fourre dans une fosse commune en plaçant une statue de commandeur par-dessus. Brassard avec croix gammée prioritaire. Et ça touche tous les bords tellement qu’on se demande si tout n’est pas que du bord, comme la Terre est plate. Pourquoi diantre la Terre ne serait-elle pas plate ? Et qu’est-ce que j’en ai à faire, franchement, qu’elle soit patatoïde, parallélépipédique, ovoïde, cubique, plate, creuse, boursouflée ? Je m’en tamponne carrément le coquillard, tant que j’arrive encore à tenir debout, la seule chose que je suis en mesure encore à peu près de tenir.
Tout ce qui n’est pas à gauche n’est pas toujours à droite et vice-versa, ni même au centre, ni en dessous, ni au-dessus. Il est tout à fait possible que ce que l’on nomme "politique" ne m’intéresse plus du tout. Qu’elle soit rendue, comme vomie par une accumulation de dégoûts successifs qui n’a jamais cessé de me soulever le cœur, qui m’est ensuite resté en travers de la gorge pour redescendre brutalement afin de me casser les couilles et les pieds. J’abhorre la politique telle qu’on me la présente. Un oripeau, une guenille, un vieux slip, une vieille culotte qui pue la merde et l’urine. La politique, ce truc de vieux.
Hier, par exemple, j’entends ce type, avec sa voix nasillarde et métallique, et j’ai tout de suite pensé à la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf. Maintenant que j’y repense, ça me ferait bien rire si j’avais envie de chercher du propre dans l’homme en tant que singe.