Nouvelle crise, repli. Honte de montrer mes textes. L’attente encore d’être reconnu, aimé, fausse tout. Alors les mots deviennent spectacle. Je n’écris pas pour mentir, mais sans doute pas pour dire une vérité non plus. On m’ordonnait « dis la vérité », et jamais ce n’était la bonne. Les coups tombaient. La vérité se dérobait sans fin. J’écris peut-être pour ce manque. L’attente d’être aimé pour ce que je suis. Je ne m’y tiens pas.

Je relis mes textes avec peine. L’idée de les effacer et de les remplacer me revient souvent. Je lutte pour ne pas céder. Ce dégoût peut être un moteur : transformer chaque texte, les réduire à peu de chose, comme une cicatrice claire. Cela donnerait une autre lecture des carnets, une suite de stèles. Pas une correction mais une strate. Deux colonnes : à gauche l’extrait aminci, en romain peut-être, à droite, en italique le texte d’origine. Pourquoi faire cela, pourquoi ne pas jeter. Ce n’est pas de l’attachement. C’est comme en forêt : on noue des repères aux branches pour retrouver le chemin. Savoir d’où l’on est parti pour savoir y revenir. Le risque d’exhiber persiste. A la fin une fois chaque année réecrite, créer un pdf simple avec seulement la version amincie.

L’idée aussi de s’appuyer sur Pérec, sur l’Oulipo, pour brouiller les cartes est tentante. Il y aurait là une forme d’élégance, une ironie qui apaise. Mais la nécessité intérieure ne s’en contente pas. Elle réclame plus nu, plus dur. Le jeu ne suffit pas quand la faille insiste.