Fin d’année. Début d’une autre. Toujours cette mécanique, bien huilée, qui grince malgré tout. Le temps se penche, boite, traîne sa carcasse d’un côté à l’autre, traçant un sillon entre ce qui fut et ce qui sera. Les horloges ont sonné minuit, mais personne n’écoute. Le passé dort, le futur bâille. Et moi, là, à regarder. À attendre. Quoi ? Rien. Rien d’autre qu’une nouvelle journée comme une autre, avec des promesses déjà bancales, pliées avant même de tenir debout.

Les vœux. Ah, les vœux. Une étrange gymnastique. Bonne année ! Bonne santé ! Des mots mâchés, recrachés, qui n’ont pas de poids, pas de corps. On les dit parce qu’il faut les dire, parce que c’est ce que les autres attendent. Des formules usées comme des chaussures trop portées. Et pourtant, on les murmure, on les écrit, on les envoie par téléphone, par pigeon, par fumée, par tout ce qu’on peut. C’est un acte humain, qu’on dit. Tendre la main, faire semblant d’y croire. Pourquoi pas ? Mais pour qui ?

L’origine, on s’en moque. Babylone, Rome, Janus avec ses deux visages. Le passé regarde l’avenir, l’avenir ne regarde rien. Et nous, coincés entre les deux, nous répétons le geste. Parce qu’il faut bien marquer le coup. Une clôture. Une fissure dans la continuité. Alors, on décore, on boit, on trinque. On dit : *cette année, ce sera mieux*. On dit : *je vais changer*. Mais rien ne change. Rien. Un jour vient après l’autre, tout se tasse, tout retombe. Ce n’est pas grave. Rien n’est grave.

Et les résolutions, ces petites farces. Je vais courir, je vais aimer, je vais pardonner. Je vais être quelqu’un d’autre, mais toujours moi. Mensonges utiles. On se tend la main à soi-même, mais on rate la prise. On trébuche avant même de commencer. Et c’est comme ça chaque année. Parce qu’on le sait bien, au fond : on ne change pas. On s’adapte, tout au plus. On glisse d’un bord à l’autre, et c’est tout.

L’année qui finit. L’année qui commence. Deux pièces du même puzzle, qui n’ont pas de bord. Tout ça pour quoi ? Pour cette idée, peut-être : que quelque chose recommence. Que le temps, cyclique et cruel, nous donne une pause, un souffle. Une chance d’être autre chose, même si on sait que ce ne sera jamais vrai. Une illusion, peut-être. Mais une illusion nécessaire.

Alors bonne année ! Bonne santé ! Bonne chance ! , surtout. On en aura besoin.