On peut fabriquer un film de deux heures avec les images mentales produites par une cervelle en dix-huit secondes.

Deux narines énormes à la surface de l’eau. Deux locomotives à contre-jour gare Saint-Lazare. Deux yeux fermés. Un croissant sur une petite assiette. L’écho rebondissant de paroi en paroi dans une grande salle. L’enseigne du Train bleu à la gare de Lyon. Une main blanche agrippant la poignée d’une valise. L’angle presque droit d’une jambe de chef de gare posée sur le marche-pied. Deux flics s’arrêtent devant un jeune assit sur un banc et il leur tend ses papiers. Un pigeon traverse le grand hall. Une des plaques indiquant les minutes descend lentement. L’aube se lève, le soleil sort de l’horizon du côté de Pontoise. Un homme défroisse son journal. Le château se dresse lugubre au bout de l’allée. Etc

Le montreur d’ours, vu du balcon du septième parait tout petit. Son poing est énorme quand il le brandit une fois qu’il a tâté de la pièce de monnaie chauffée à blanc. L’ours dodeline de la tête en même temps que le petit chien sur la lunette arrière. Une femme entre deux âges louche sur un moustique. Un homme s’envole en tenant son chapeau, il est assis à califourchon sur un boulet de canon. Un homme remonte au crépuscule l’allée sableuse menant vers un château. Les vitres des fenêtres de la façade ont des reflets sinistres.

Un long ver blanc effectue des torsades derrière les parois d’un bocal. Un cerveau sanguinolent posé sur le carrelage d’une cuisine. Un coucou jaillit d’une horloge Suisse à 15 heures. Une aiguille pénètre la chair blanche d’une fesse. Une automobile se gare sur une place handicapée. etc

Une tartine grillée saute du grille-pain. La petite cuillère touille le café noir. Le rideau électrique se lève. Un homme se dresse sur une estrade un micro à la main. etc

Toujours pas écrit la nouvelle portant sur l’exercice n° 3.

Repousser le moment.