Il y a la nécessité de s’effacer, parfois, pour éviter l’écrasement, céder le passage à d’autres. C’est une chose. Mais il y a aussi l’art de disparaître, de se tenir en retrait pour laisser les choses exister seules, sans intervention maladroite. Non pas par scrupule, mais par lucidité : savoir que notre présence ou notre absence ne changera pas grand-chose.

C’est une forme de retrait, une posture qui pourrait sembler zen, vaguement bouddhiste. Du moins dans l’idée que je m’en fais, imprécise, bricolée avec les années. Et pourtant, j’ai souvent fait l’inverse. Sur certains points qui comptent. L’écriture, par exemple. La peinture, elle, c’est réglé depuis longtemps. Je sais m’effacer. Par lâcheté. 

 Il y a aussi une autre manière d’être en retrait : en étant pleinement soi. L’écriture permet ça. Avec un risque : une seconde d’inattention et tout s’effondre. On peut croire avoir bouclé quelque chose alors qu’en réalité, tout est à reprendre. La relecture, la réécriture : c’est là que tout se joue. Là qu’on distingue le bavardage du reste.

Mais il faut ce bavardage. Sans lui, impossible de saisir ce qu’on cherche à dire. Comme en peinture, il faut accepter le désordre, le laisser vivre, l’observer sans s’affoler. Il ne faut pas tout prendre trop au sérieux, au début. Y revenir plus tard. Et voir ce qui surnage sous les parasites, la confusion et la maladresse.

Illustration  : Giorgio Morandi Natura Morta