
À partir d’un certain âge, nous devenons les spectateurs de la comédie humaine. Nous descendons de l’estrade et allons nous installer sur un strapontin. Et là, c’est avec un sentiment mitigé, constitué d’un peu d’effroi agrémenté de nombreux fous rires, que nous observons les comédiens s’agiter là-haut alors que nous sommes en bas, proche du trou du souffleur. Il nous vient alors une intuition… Et si c’était enfin la dernière ? La finale du spectacle ? Et si c’était la fin tout simplement ? Il s’agirait alors d’un enterrement, le nôtre en l’occurrence. Ce serait théâtral encore, imaginez la mort de l’acteur, peu importe lequel, star ou simple histrion. Car l’intuition dit aussi que dans ce théâtre, tous sont importants, le plus petit comme le plus grand, chacun sa nécessité, chacun vecteur d’une action, d’un rebondissement qui fera à la fois rire et pleurer comme dans tout bon spectacle digne de ce nom. Une comédie. Cette prise de conscience de l’importance de chacun au sein de la bouffonnade du tout… peut-être est-ce ce mélange détonant, un peu comme alcool et ecstasy, qui rend l’idée autrefois hideuse de la mort désormais douce, magnifique. J’aimerais partir ainsi en bon perdant, sans le moindre ressentiment. Je m’aperçois aussi qu’on ne peut pas arriver dans cet état magique d’un claquement de doigt, bille en tête, la lubie pansant l’angoisse, vieille histoire de jambe de bois. Non, c’est le travail de toute une vie. Sans doute le seul vrai travail d’une vie. Et le plus beau, c’est qu’il se fait sans que nous produisions le moindre effort, tant nous sommes distraits, tout entiers occupés à jouer la comédie.