C’est l’histoire du ressort que l’on comprime et qui, dès qu’on ne le comprime plus, se relâche.
C’est l’histoire d’une fin du monde qui prend son temps pour finir.
C’est l’histoire d’une république bananière dont on pourrait rire si l’on n’avait pas les lèvres gercées.
C’est l’histoire toujours recommencée de la guerre des Andouilles et des Quaresmeprenant.
C’est l’histoire du temps, plutôt cyclique que linéaire.
C’est l’histoire du bouchon qui se brise dans le goulot.
C’est l’histoire d’une journée commencée la veille.
C’est l’histoire d’un instant qui dure une éternité.
C’est l’histoire d’une décroissance qui fait rire jaune les petites gens.
C’est l’histoire d’un fou qui se fait damer le pion par son bouffon.
C’est l’histoire d’un radis, le dernier tombé d’une poche, qui s’agrippe à une coquille Saint-Jacques pour vivre une grande aventure.
C’est l’histoire d’un soleil qui s’ébouriffe les cheveux.
C’est l’histoire d’un ouragan qui ne supporte plus les bidonvilles.
C’est l’histoire sempiternelle des grands de ce monde qui méprisent tout le monde, y compris eux-mêmes.
C’est l’histoire de la candeur comme ultime refuge.
C’est l’histoire d’un obus qui attend son heure.
C’est l’histoire d’une ville soufflée par la peur, la haine, la bêtise.
C’est l’histoire de Sodome réconciliée avec Gomorrhe.
C’est l’histoire d’une cathédrale qu’on brûle pour mieux la reconstruire.
C’est l’histoire d’une valeur qui s’inverse, comme s’inversent les pôles magnétiques.
C’est l’histoire de la ruine qui suit toujours l’opulence.
C’est l’histoire du mou dans lequel on s’enfonce comme dans du beurre.
C’est l’histoire du cœur au bord des lèvres, de la langue pâteuse et des yeux injectés de sang qui sortent de leurs orbites.
C’est l’histoire du petit vélo qu’on n’a jamais retrouvé.
C’est l’histoire d’un château en Espagne vendu en pièces détachées à un fonds de pension américain.
C’est l’histoire d’une voiture qui ne fait pas de bruit et qui fauche les passants.
C’est l’histoire d’une Afrique devenue russo-chinoise, où l’on fait pousser du riz et des usines de composants électroniques après le maïs et le manioc.
C’est l’histoire de l’enfant que l’on bat et rebat jusqu’à plus soif.
C’est l’histoire de Rome qui ne s’est jamais terminée.
C’est l’histoire de la colère, du ressentiment et de la haine, sans cesse réalimentés avec une augmentation de 20 % de TVA, car c’est rentable.
C’est l’histoire stupide, féroce, risible autant qu’épouvantable et merveilleuse de notre existence, ballotée par les éléments naturels, surnaturels et contre-nature que nous rencontrons.