Gagné une journée pour quatre personnes à Walibi. Valable jusqu’au mois d’octobre. Voilà qui est bien pour la semaine où les petits enfants viendront. Personnellement j’y vois une tartufferie des forces hostiles qui ne cessent plus de m’assaillir jour après jour. Tout ça parce que j’ai arrêté de fumer que je vais à la pharmacie chaque semaine pour me fournir en Nicopass et qu’ à cette occasion la gentille dame blonde à lunettes qui me dit — C’est bien vous tenez c’est bien ne lâchez pas — me refourgue un billet de tombola pour l’inauguration de la place Morand ( dont les travaux nous aurons bien emmerdés pendant deux années entières ) et que j’ai fourré dans ma poche sans plus y penser. Quel humour franchement. Mais dans ce cas là je vais jouer au loto pour de bon tous les jours. Jusqu’à ce que vous me fassiez gagner le cocotier. Et juste au moment d’empocher le gros chèque vous trouverez bien une péripétie quelconque pour me faire perdre le pactole, un incendie, une inondation, une jambe cassée je ne sais pas mais je vous fais confiance pour la créativité, vous trouverez.

Jamais content de rien. C’est ce reproche qui revient encore et encore. Comme s’il fallait être content de quoique ce soit. Se ramollir dans ce foutu contentement des choses ou de soi-même. Ai-je jamais été content de quoi que ce soit dans ma vie ? Les deux premières années peut-être en toute innocence il suffisait de me donner du lait et du sucre et je ne rechignais pas je la bouclais, j’étais content.

Et encore j’ai beau y penser, remonter jusqu’ à l’origine, ça commence si mal, dans cet effroi permanent du commencement ça m’étonnerait que je me sois laissé distraire.

Hier durant un quart d’heure vécu un enfer. Un monde uniquement peuplé de morts de somnambules et ceux -ci — en silence — mais avec grande insistance m’accusaient d’être vivant. Il a fallu beaucoup lutté pour résister à l’envie d’en finir par pure culpabilité d’être seul. De sombrer à nouveau dans l’imbécilité en s’installant devant le journal du soir. Et aussi cette tentation proche de celle de Saint-Antoine de m’installer sur le canapé pour être quelques instants auprès de ma pauvre épouse qui vit l’enfer par ricochet. Encore une belle raison pour me culpabiliser, puis de résister contre cet effroyable sentiment, et au final de sauter d’un coup sur mes deux jambes, de quitter la pièce pour aller lire dans l’atelier.

J’exagère bien sûr ici pour être là cet homme si doux comme un agneau que l’on rencontre. Si je n’avais cette soupape je serais déjà mort d’un ulcère ou me serais pendu, noyé défenestré ou je ne sais quoi. Peut-être que finalement je prends tout ça à la légère dans le fond, que je m’en fous. Que mort depuis longtemps je m’amuse encore à vide à être le vivant que j’aurais dû être de toutes façons. J’ai désamorcé le destin c’est là ma faute mon forfait. Peut-être que l’enfer n’est dû qu’à cette obstination de vouloir être en vie alors qu’on est mort.

Finalement ce n’est pas si sot que ça puisse paraître si je regarde autour de moi ce monde de morts vivants qui tuerait père et mère pour se sentir en vie qui s’accroche bec et ongle à une certaine idée de la vie

Satisfaire des besoins à la chaîne voilà ce que c’est d’être en vie, bouffer, chier, bouffer, chier, baiser de temps en temps, se reproduire, chier, bouffer, baiser, puis être vieux et regretter cette immense perte de temps, voilà en gros.

Et la culture n’est qu’un placebo— vous allez mal cultivez-vous donc.

encore ce leurre de vouloir être en vie par perfusion de savoir de connaissance

Disons que ça occupe, ça passe le temps, la culture est une sorte de cocaïne ou de morphine.

J’exagère encore évidemment. Et je suis de très mauvaise foi. Quelle honte d’être si désespéré. Quelle immaturité n’est-ce pas. C’est le prix à payer et je le paie rubis sur l’ongle.

Ce carnet est étrange s’il est fondé sur la sincérité sur l’idée qu’il soit carnet. Comme cette histoire de sincérité nous échappe toujours à un moment ou l’autre il vaut mieux ne pas en tenir trop compte. La seule chose est d’écrire ce qui vient ainsi jour après jour, d’éloigner toute idée de sincérité comme de littérature. Et comme dirait je ne sais qui » on verra bien « 

Où enfin on ne verra plus rien et on sera bien content.