Aller à pied à l’école. Un chemin que l’on emprunte chaque jour, deux fois, invariablement. Peut-on se lasser de ce chemin ? Non. Il y a toujours quelque chose de neuf à voir. Mais la mémoire se dérobe. Les détails, les nuances, tout glisse hors de portée. On remarque des choses chaque jour, des choses épatantes, et pourtant, le lendemain, tout s’estompe. D’autres choses neuves viennent effacer celles de la veille.
Mais les saisons demeurent. Elles encadrent l’existence, gardiennes silencieuses qui maintiennent la raison, qui veillent sur la folie des répétitions. Chaque hiver est différent, mais il est en même temps l’hiver. On le sait. Comme l’été. Ce sont des parenthèses ouvertes sur l’immuable.
À l’intérieur de ces cadres, il y a quoi ? Est-ce qu’on le sait ? Est-ce qu’on s’en soucie ? Ce sont des fragments, des éclats d’une continuité jamais tout à fait rompue.
Le chemin pour aller à l’école, à l’église, à la foire, au cimetière, se répète des dizaines, des centaines de fois. À moins que l’on ne s’égare, que l’on prenne un autre sentier, croyant au changement, à la nouveauté, à la diversité. Mais tôt ou tard, on y revient, à ce chemin-là. Toujours quelque chose de neuf à voir, quelque chose qui efface la nouveauté d’hier.
Et c’est nous qui changeons, insensiblement, à chaque pas. La marche continue, régulière, traversant le temps comme une litanie muette. Le chemin reste le même, mais il se transforme en silence, à la mesure de nos passages, comme si le sol enregistrait, discrètement, la trace de nos pas. La marche, fidèle et fragile, emporte ces fragments de quotidien, les assemble, les dissipe, inlassablement.