Quand la nuit reprendra tout, lasse de ses rêves de lumière

la nuit-femme,
la nuit-mère,
la nuit dévergondée,
la nuit-enfant,
la nuit recyclée,
descendra de son grand vélo.
Elle aura fait un si long tour
qu’elle en rira peut-être.

Et, comme un enfant,
je pénétrerai la nuit
dans un rêve d’homme,
de vieillard,
de moribond.

Et le voyou tutoiera le saint.

Les chiens seront des chats.
Les chattes, des chiennes.
Des ours bruns s’approcheront,
des colibris flotteront à hauteur d’épaule.
Il y aura de la salsepareille,
du jasmin,
des pollens inconnus.

Il y aura tout ce qui, d’ordinaire,
se tient tapi dans l’ombre,
au pied d’un mur,
le souffle suspendu.

Et il y aura surtout
l’extraordinaire béance noire
des lèvres peintes en noir,
la langue obscure de l’anthracite,
murmurant des promesses
au jais,
au naphte,
à la bauxite.

Jailliront alors
de toutes parts
les geysers puissants
du silence assourdissant.

On les écoutera.
On ne les verra pas.

Je baiserai la nuit ; elle me baisera.
Nous baiserons l’horizon infini,
jusqu’à nous rejoindre
dans un cri muet.

J’aimerai cette nuit.
Elle m’aimera.
Nous n’aurons plus rien d’autre à faire
que cela :
nous aimer,
produire la nuit,
comme un enfant,
de nuit en nuit,
dans la nuit.

Un foulard de soie resserré
étroitement
autour de nos vies