Il y a des artistes qu’on découvre par hasard et qui vous imposent aussitôt une forme d’attention neuve. Stewen Corvez en fait partie. Flûtiste, compositeur, musicologue, ce breton discret mêle les traditions instrumentales à des recherches électroniques d’une rare subtilité.
Né en 1980, formé à la flûte traversière, il a choisi des chemins de traverse : la musique à l’image, les expérimentations sonores, les compositions pour solos, ensembles, paysages. Mais toujours avec cette tension particulière : un pied dans la tradition (le souffle, l’acoustique), un autre dans l’abstraction contemporaine (le glitch, le silence, le cut).
Son album Le troisième personnage (2020) en est un bon exemple. Des nappes électroniques frémissantes, des respirations instrumentales entre deux strates de mémoire. Une sorte de narration sans mot, mais chargée de signes. Il y a chez lui quelque chose de cinématographique sans image, ou plutôt d’image mentale sans scénario.
Chercheur en musicologie, il a soutenu une thèse sur la musique fictive dans Le Docteur Faustus de Thomas Mann, à travers le prisme d’Adorno. Cette rigueur théorique irrigue sans doute son travail de compositeur, mais ne le fige jamais. On reste dans l’expérience, l’écoute ouverte, l’hésitation du sens.
On peut écouter ses œuvres sur Bandcamp, YouTube ou SoundCloud. Certaines compositions se rapprochent de l’univers d’un Sylvain Chauveau ou d’un Éliane Radigue, par leur dépouillement attentif, leur lenteur méditative.
Corvez est de ceux qui ne cherchent pas à séduire. Il propose. Il dérange parfois. Il interroge, souvent. Et dans un monde saturé de contenus, c’est déjà un geste précieux.
Ces derniers temps, je suis sa chaîne YouTube, et ce que j’y découvre est passionnant. Modulation d’un son, cadre, forme, composition… autant de mots qui résonnent bien dans la période actuelle. J’ai toujours pensé que l’interdisciplinarité était essentielle pour pratiquer un art. Mais pas seulement : le moindre artisanat l’exige tout autant. L’ennemie, c’est la spécialisation.
Alors bien sûr, certains diront qu’on n’a qu’une vie, qu’on ne peut pas tout faire sous peine d’être considéré comme un touche-à-tout. C’est dommage que cette pensée ait envahi le monde.