Il peut y avoir plusieurs raisons d’haïr le monde — au moins autant que de l’aimer Ce sont les mots haïr / aimer sur lesquels il peut se pencher — pas sur le monde. Le monde est d’une implacable neutralité — il dira : le monde s’en fiche que tu soies homme ou insecte plante ou concrétion minéral. Le monde déteste probablement tout autant ses enfants qu’il les aime. Le monde crée sans cesse la possibilité de s’engoufrer/ se réfugier/ dans une double-contrainte ( double-bind).
ou blind aveuglement avance autant qu’il recule- Blind un chouette nom pour mon personnage de ce jour se dit le vieil hibou
Il enfonce un doigt dans la neutralité du monde elle est molle le doigt s’enfonce comme dans du beurre.
Il se dit qu’il pourrait écarter facilement les parois s’introduire ainsi et avec un peu de chance traverser même toute la neutralité du monde.
C’est d’abord mou puis ça devient dur voilà donc le piège on croit pouvoir s’enfoncer ainsi traverser la neutralité du monde mais à un moment on tombe sur un os le monde nous déboute nous refuse nous expulse.
Obligé de rebrousser chemin il attrape un crampe à la cheville / il boitille comme un moineau une pie un corbeau — le grotesque s’ajoutant ainsi à la tristesse / déconfiture
j’aime le monde et lui ne m’aime pas — il dit je déteste le monde / il s’en fout complètement — cette binarité un jour lui mettra t’il la puce à l’oreille
Ses deux oreilles se sont mises à couler — au début il croit que c’est de la faute d’une négligence/ qu’il ne s’est pas suffisamment fourré le quotidien coton tige dans les esgourdes— il se rend à la pharmacie de l’angle de la rue — on lui donne des gouttes / cinq gouttes matin / cinq le soir
la vérité est ailleurs — il s’agit d’un insecte qui loge dans son crâne — qui effectue des va et vient nocturnes genre de mille-pattes — qui aura pondu dans sa cervelle des myriades de myriapodes qui transitent désormais par son conduit auditif et sa trompe d’Eustache— pour coloniser son cou / sa gorge / sa poitrine son thorax / jusqu’à son nombril — voire pis
il se souvient et son oreille coule —lorsqu’il se souvient des murs des chambres dans lesquelles il vécut —des armées de cafards — le bruit surtout de leurs pattes courant sur le papier peint la tapisserie
et quand il allume la lumière ils disparaissent à croire que ces cafards ne vivent que dans son imagination.
écrire sans ponctuation résout le problème épineux de la ponctuation mais crée soudain trois écueils que sont le rythme la sonorité la période
le naufrage guette toujours l’aventurier déboussolé les points cardinaux se font sentir et il faut avoir du nez ou du cul pour s’en tirer s’orienter en humidifiant un doigt puis le jeter dans le vent
s’orienter en développant un sens de l’hygrométrie par contact de la pulpe avec l’haleine des gouffres
On ne sait pas grand chose de lui et c’est ce qu’il veut effacer au bout du compte les traces que les insectes tentèrent de lui transmettre pour attirer ainsi dans son crâne d’autres colonies faire de son pauvre crâne un monde grouillant d’insectes trottinant sans relâche du thalamus à l’hypothalamus en passant par l’amygdale et l’hippocampe
Ducasse des temps modernes — comme nous le sommes à peu près tous désormais —sauf ceux qui se disent / qui clament à tue tête / être poètes
A moins qu’il se trompe sur toute la ligne et sitôt que cette pensée surgit choit de son oreille une bestiole d’un genre inédit croisement de sa débile nature et celle des abysses océaniques une holothurie léopard le toise d’un regard débonnaire.