Ils auraient réussi à transférer de l’information entre deux puces électroniques, sans liaison apparente. Pas de câble, pas de fil. Rien. L’échange avait lieu.

J’ai lu ça quelque part, ces jours-ci, et depuis, je n’arrête pas d’y penser.

Si cette découverte s’affirme, on entrera dans un monde où la distance n’aura plus d’importance. Ni le temps. Un monde où l’émetteur et le récepteur n’auront même plus à se reconnaître.

J’étais avec cette idée en tête, hier matin, en route vers Grenoble. Une ritournelle quantique sous le crâne, bien au chaud dans la Twingo bleue de mon épouse. Dehors, un hiver flou. Des étendues embrouillassées, brouillées jusqu’à l’horizon.

Je pensais à l’art. À la fin du mois. À la naissance du feu.

On dit que le feu est apparu simultanément à plusieurs endroits du globe. Comme s’il avait été "pensé" à plusieurs. Comme s’il s’était communiqué, d’esprit à esprit. Intrication ?

Une idée dans l’air... et soudain, ça flambe. Un réseau invisible de connexions, de fulgurances. Une synchronie d’éveil.

J’y pensais, donc. À l’art, au feu, à tous ces incendies qui rongent nos forêts, nos villes, nos nerfs. Et à cette sensation de fin, qui se propage comme une rumeur – sourde, pesante – dans nos lendemains.

Le musée m’attendait. Celui de Grenoble. Je ne le connaissais pas.

Un lieu vaste, ouvert. Des fenêtres donnant sur l’Isère. Des collines qui remontent la lumière.

Et là, enfin, cette fameuse exposition. Picasso. La guerre. Les années 39-45.

J’ai laissé mes élucubrations au vestiaire.

Je suis entré dans l’œuvre.

Et tout de suite, ce doute : on dit qu’il était peintre… mais ce que je vois, c’est du dessin. Rien que du dessin. Le trait avant tout. L’éclair du geste. Le feu dans la ligne.