Écrire c’est prendre le pouvoir. Ce qui fait déja une bonne raison pour ne pas être prophète en son pays, en sa famille. Les familles n’aiment pas les autobiographies. Les archives départementales pas bien non plus. Un texte digne de ce nom doit pouvoir survivre au minimum cinquante ans en milieu hostile. Mourrez, attendez cinquante ans, repassez nous voir disent les archives départementales.
Quelle chance de ne pas vouloir écrire une autobiographie ; en serais fatigué d’avance. Et puis rien à revendiquer, pas d’avis si durable qu’il survive à une journée, pas de compte à règler, pas de bénédiction lorgnée, qu’on me reconnaisse, c’est déja fait, mon bulletin de naissance le dit, qu’on m’aime serait risible, alors quoi, pas un seul ressort à compresser ni détendre, rien ne me pousse vers l’autobiographie. L’autofiction serait plus appropriée, toute la difficulté cependant qu’on la confonde avec de l’égotisme n’est pas mince.
La fatigue due aussi aux boites aux étiquettes, cette réduction des os que le mort faute de tout se doit d’effectuer seul, jusqu’au scrupule, la poussière, l’oubli.
Hier nous discutons de vacances passées, stupeur de n’en trouver aucun souvenir. Seulement de vagues impressions comme lorsqu’on se réveille. Alors que tu as une mémoire d’éléphant la plupart du temps me dit S. Pareil pour le sens de l’orientation ajoute t’elle, je te trouve de plus en plus perdu. Drôle d’effet. J’y repense en écrivant ce matin. La vraie raison qui me pousse à écrire est peut-être du même ordre que celle du Petit Poucet. Vouloir retrouver le chemin de la maison. Puis une fois découvert le pot aux roses, le fantasme, la chimère, c’est qu’on en aura pris l’habitude, l’usage et plus d’autre motivation que celle-ci. Donc ça commence par un désir de ne pas vouloir se perdre, ou de perdre des êtres, des objets, des pensées, des rêveries, puis les voir disparaitre, se voir disparaitre en écrivant justement.
Nous allons au Guggenheim aujourdhui. Est-ce possible de plisser les yeux, gommer tout le superflu, percevoir l’essentiel. Mais fatigué aussi énormément par l’idée qu’il puisse exister un essentiel, à part aller ensemble visiter un musée quel qu’il soit.
19h. Il pleut. L’eau s’est engouffrée par une lucarne que nous avons oublié de fermer. Une bonne heure pour tout écoper éponger hier soir. Repas frugal puis au lit.
ce matin réveil à cinq heure, il faudrait dire quelque chose de la ville de Bilbao, du Guggenheim, puis je me souviens que n’ecris pas une autobiographie, pas plus qu’un guide touristique. Peux dire tout de même que bien apprécié Yoshitomo Nara, le jambon, le vin blanc verdeto. Pour le reste, et spécialement Martha Jungwirth, il faudra y revenir. Et notamment sur la réflexion Das ist Scheise, c’est de la merde, de la part d’un quincagénaire teuton traversant le lieu d’exposition.
ah oui voilà ça revient, les deux verbes vaciller et chanceler, au bout de cette longue journée de marche, après écoper éponger les voici enfin. l’art contemporain propose de vaciller chanceler assez régulièrement, signe sans doute d’une grande fatigue de notre humanité, on chancelle se tenant en funambule entre un c’est de la merde et un c’est génial