Partir bien libre, sans regret, calme face à ces situations dans lesquelles on s’engouffre. Pas malgré soi, mais à cause, ou par mollesse de nerfs, peut-être pas, ni par bonhomie. On aurait dit oui pour un non, voilà. La difficulté de dire non, jamais tout à fait réglée. Renoncer à répondre aux courriels, puis au téléphone, faire le mort. Puis, à force, inverser le mouvement, crier merde au harcèlement. Au paroxysme de l’abrutissement, dire enfin non, non, NON.

Comment font-ils ? Pour collaborer, comment font-ils ? Et voilà qu’on s’empoigne, qu’on se flatte dans tous les sens comme une masseuse attentionnée. Comment font-ils ? Ils dorment, ils rêvent. Tout va bien, le monde est merveilleux. Je t’aime, tu m’aimes, nous nous aimons. Comment font-ils pour ne pas voir, au-delà du bout de leur nez, l’absence totale de pixel ?

La difficulté majeure de la journée sera d’accepter le fait (indéniable) que je suis incapable d’écrire la moindre chronique littéraire. J’ai vérifié. Il me manque tous les outils. Et le temps de m’équiper (au Lidl du coin, à l’angle de la rue), c’est foutu. Ce qui est dur, ce n’est pas de se retrouver face à l’impossible, c’est de l’accepter, voilà tout. Petite nuance, mais de taille. Ce serait comment ? Eh bien justement, on ne pourrait pas dire comment. Ce serait là le problème.

On chercherait une explication, mais impossible de mettre le doigt dessus. Il ne resterait alors qu’à accepter le fait de ne pas savoir comment certaines choses arrivent. À mon humble avis, des entités d’un autre monde se sont immiscées dans le nôtre, l’influencent, ce qui produit cette vague de froid, cette glaciation des neurones, ces paroles gelées qui restent figées car l’idée même de vouloir les réchauffer nous a désertés.

Parfois, on file dans des tubes d’acier, sous terre, et l’on peut voir un mot pris dans la résine bouger imperceptiblement, ou du moins on peut le croire, l’espérer, voire le craindre. Mais ce ne sont que des phénomènes purement optiques, dus au déplacement du véhicule automatisé dans le cylindre métallisé : la vitesse, le reflet sur les vitres souvent sales du wagon. Le mot est immobile, il faut se rentrer ça dans la tête. Ne pas se laisser influencer par la publicité.

Et si toutefois il bouge, c’est qu’il est manipulé, qu’on nous fait croire à l’impossible, mais un impossible de supermarché, à bas coût. L’impossible subit lui aussi la loi du segment, du saucissonnage. L’impossible des uns n’est jamais en phase avec l’impossible des autres.