Carte interactive Lovecraft

Introduction

La littérature de Lovecraft ne naît pas dans un vide : elle s’appuie sur une culture accumulée avec méthode.
Lui qui se disait « amateur d’antiquités, de science et de rêves » a développé, au fil des années, une véritable stratégie de recherche de lectures.
De Providence à New York, ses lieux de prédilection, ses outils et ses habitudes évoluent, passant de l’errance curieuse à une maîtrise méthodique de ses sources.


I. Providence : le creuset initial

Lieux de lecture :

  • Providence Public Library (225 Washington St.) : terrain de chasse principal pour la littérature, l’histoire et les sciences.
  • Bibliothèque de Brown University (John Hay Library) : accès indirect grâce à des amis, pour consulter des ouvrages plus rares.
  • Librairies d’occasion : Snow & Farnham, petites échoppes du centre-ville.
  • Prêts d’amis et de correspondants : certains envoient des livres par la poste.

Matériel à Providence :

  • Carnets de notes : blocs lignés bon marché (Dennison, Eaton’s) pour griffonner résumés et citations.
  • Stylos : Waterman’s Ideal et Sheaffer Lifetime.
  • Papier : Eaton’s Highland Linen pour correspondance soignée, papier générique ivoire pour notes brutes.
  • Organisation : rangement des notes et extraits dans des chemises manille thématiques.

II. New York : la boulimie ciblée (1924-1926)

Lieux de lecture :

  • New York Public Library (5th Ave & 42nd St.) : accès gratuit, collections massives en histoire, science, folklore.
  • Librairies de 4th Avenue (Book Row) : une dizaine de bouquinistes où il chine éditions anciennes et ouvrages de niche.
  • Wanamaker’s et McBlain’s Stationery : papeterie, parfois rayon livres.
  • Bibliothèques de quartier à Brooklyn Heights et Red Hook.

Matériel à New York :

  • Carnets portables : petits blocs spiralés ou cousus (Dennison, Globe-Wernicke).
  • Encre : Carter’s Ink ou Sanford’s (moins chère).
  • Organisation : méthode nomade, notes regroupées dans enveloppes kraft ou chemises, souvent renvoyées à Providence.

III. Retour à Providence : la maîtrise (1926-1937)

Lieux de lecture :

Matériel à Providence (maturité) :

  • Carnets par sujet (science, histoire, etc.).
  • Classement intégré : notes vers chemises manille thématiques, intégrées à la correspondance et réutilisées en fiction.
  • Papier carbone Carter’s Midnight Blue pour conserver un double des notes.
  • Stylos : préférence finale pour le Sheaffer Lifetime.

IV. Lire sans moyens : la stratégie d’un pauvre érudit

Lovecraft vécut presque toute sa vie dans une grande pauvreté.
Pourtant, il lut et posséda un nombre impressionnant de livres, grâce à plusieurs stratégies :

  • Priorité absolue à la lecture, en réduisant toutes les autres dépenses.
  • Achat d’occasion.
  • Échanges et dons d’amis et correspondants.
  • Prêts à long terme.
  • Éditions bon marché comme Everyman’s Library ou Modern Library.
  • Accès massif aux bibliothèques publiques et universitaires.

V. De l’amateur au méthodicien

  • Avant 1924 : lectures guidées par le hasard, notes éparses.
  • 1924-1926 : phase boulimique, accès illimité aux grandes bibliothèques, accumulation massive.
  • 1926-1937 : sélection plus ciblée, intégration dans un système épistolaire et thématique.

Conclusion

Lovecraft n’a jamais cessé de lire, mais il a appris à canaliser ses lectures et à les fixer matériellement pour mieux les exploiter.
Sa pauvreté ne l’a pas empêché de se constituer une culture immense — elle l’a forcé à l’ingéniosité.