Rejoindre en s’écartelant bras tête et jambes l’ici, comme jadis poussé par la rumeur ce là-bas si loin.

Je dis soudain « Terre » comme en marin.

Houles et embruns à gogo.

L’écume surnage.

de ce genre dans lequel

pipe à tronche de cap-hornier

« Au premier voyage était moussaillon.

Ho hisse, allons !

Fit l’tour du monde et tant et plus.

Dit au cap Horn en crachant d’ssus !

J’t’ai eu ! »

Puis un mec coiffé d’ un Panama est passé

Fini l’aventure aller.

J’t’aurai encor comme je t’ai eu !

Du cinquièm’ voyage n’est point revenu,

Good bye, foutu !

Fit l’tour du monde mais n’en r’vint plus.

Et le cap Horn en crachant d’ssus,

Lui dit : j’t’ai eu !

J’t’ai eu, mon gars,

mieux qu’tu m’as eu ! (1)

Non mais sans déconner, il n’y a que là que je me sentes en vie, sérieux.

La tourmente m’apaise

Tout le reste m’embrume

Tout ce en quoi j’ai cru

dur comme fer

C’est tout rouillé.

J’avance en nage indienne vers le rivage dreadlocks d’algues sur la tête.

Suis-je dead ?

J’aimerais un de ces quatre toucher terre

Mais l’espoir est si violent

continue à nager en rond

avec ma tête plantée dans la carrée

espoir d’y voir un jour pousser

un bananier bleu encore

La culpabilité d’être sans un radis l’agace toujours autant, au plus haut point. Le culminant pour fulminer. Non qu’il veuille avoir des radis absolument, impérieusement. Non, il résiste dans l’ensemble plutôt bien à la pression, à l’hallali de l’urgence . S’en détourne plutôt élégamment comme un dadais prude, des décisions importantes à prendre, ou à marquer d’une pierre blanche. Et dont ensuite l’usage impose qu’on frottera son ventre rond de contentement béat. Comme vous aurez eu bon nez de prendre telle ou telle en amont de ceci en aval de cela. Non. Lui entretient toujours des doutes envers toute décision. Et quelle injustice de se retrouver toujours plus ou moins coupable d’être pauvre. Le sens giratoire de la débine a certes été conçu par les grosses têtes de la voirie. Surtout si, quand cela vous saute au visage, vous ne détruisez pas tout sur le passage. Que vous persistiez envers relances et huissiers, ces Rapetou, à emprunter sages passages cloutés. Fakir de la dèche. Stoïque, brave, imbibé, implanté d’un irlandais implant via Hollywood, oh oui John Wayne te revoilou.

Dilemme des décisions débiles débilitantes.

En être ou ne pas en être.

Du monde. De toute cette chienlit. De toute cette gloire. De ces splendeurs et misères. A tousser tous ces salamalecs interminables. Ces préambules, ces vestibules, ces antichambres, prologues et préliminaires.

Pour un peu on créerait une religion pour échapper au séculier.

Mais quand est-ce qu’on graille bordel ?

Puis de l’écume de la bave du monstre en soi qui beugle et se lamente, terre ingrate, la graine plantée par le père, la mère , la cellule familiale, l’école de la République, la morale judeo-chrétienne au gout de carton bouilli, les banques, le rouleau compresseur impitoyable, les totems, les tabous

La graine.

Bonne graine ou mauvaise graine va savoir.

Toujours l’étrange impression d’avoir pas bien fait, comme si le caca ne choit pas d’entre deux fesses comme il se doit. D’où cette ruée vers l’ivresse procurée par les lectures, sous la tente des draps, rêver de rencontrer la fée clochette. Peter Pan.

Pendant que tu rêves ainsi dans ton caca tu nous fous bien la paix n’est-ce pas.

La colère est une toile vierge. La colère est une pate. La colère change de couleur et d’outil, pinceau, index, pouce ou couteau. La colère se métamorphose de station de métro en station de métro dans le calvaire lent, poussif du métro. Dans tout ce qu’il faut chaque jour endurer d’images, d’odeurs, de sons pour parvenir au normal, à gagner son pain. Parlez moi encore d’amour après cela dit la colère. Mais ce ne sont que coups d’épée dans l’eau. La banque en rit, pouffe. Et cette mine compassée – cette caricature affreuse d’empathie- Désolé vous n’avez plus un radis, qu’est-ce que j’y peux, sucez donc des graviers.

Ce qui empêche de se lever alors, de renverser la table, la chaise d’empoigner par le cou le petit con, c’est même pas la peur vous savez. C’est du dégoût.

Le dégout de constater où l’Homme est parvenu.

On serre les dents par réflexe. On broie une violence dont on sait tout l’inutile. On ne voudrait surtout pas en rajouter.

On se met à fabriquer du brouillard, une terre, de la boue des tristesses, des ruines, des rages et des rancœurs. Une terre qu’on abordera comme un nouveau monde de nuit.

On n’y conquiert rien tout à l’inverse.

Un livre. Une page blanche. Un espace pour des plus profondes profondeurs remonter et respirer.

Une Terre promise de lecture, d’écriture.

Illustration Huile sur toile ( collection privée ) Le pays bleu

On retrouve la « chanson du Cap-Hornier » dans le livre Cap Horn, Aux Portes du Large d’Henry-Jacques, sorti en 1947. Né à Nantes, Henry-Jacques (1886-1973) fut cap-hornier