Nous avons le goût de nos dégoûts.
Et sommes capables d’à peu près tout au nom de la distinction. Une dame, l’autre soir, a qualifié mon tableau favori de vulgaire. Je n’ai rien dit. Son pull orange vif faisait déjà tout le travail.

Nous attendrons que l’endroit devienne convenable.
Une phrase entendue, peut-être dans l’une des enquêtes sociologiques de Pierre Bourdieu. À Beaubourg, sans doute. Elle remonte d’un vieux cauchemar de cette nuit. Les tapis roulants. Le prix d’entrée. Les collections permanentes, les temporaires, et, au sommet, le lunch sur la terrasse. On aperçoit les gargouilles de la Tour Saint-Jacques. Elles nous toisent, mais c’est nous, en bas, qui sommes grotesques.

Le pot aux roses.
Que tout repose sur un malentendu, un malentendu de taille. Un chiffre au sens de code, de secret, de dissimulé.
C’est du chinois.

Et toi, comment tu réagis ? Tu t’énerves, tu rigoles, tu casses tout. Ou bien tu restes là, bras ballants, collé contre le tronc. La tête dodeline légèrement, puis dévale, vesse de loup écrabouillée par un talon aiguille. Une éjaculation de fumée grise sort par les trous de nez.

Si Garett nous la fait à l’envers, on gardera un chien de sa chienne à son endroit.

Tu aimerais entendre le bruit des vagues, du ressac. Mais tout ce que tu entends, ce sont les mots des autres, leur va-et-vient, leurs jugements qui montent et descendent.

On ne s’entend déjà pas soi-même avec soi-même, alors s’entendre avec les autres, vous pensez.

Et cette autre, une dame bien comme il faut en apparence :
"Moi monsieur, je suis anarchiste, non seulement je vous emmerde, mais j’emmerde la Terre toute entière et particulièrement les promoteurs, les défenseurs de la vignette Crit’Air !" (si possible en roulant les r).

Et là on entendrait la chanson de Dutronc :

C’était un petit jardin
Qui sentait bon le Métropolitain
Qui sentait bon le bassin parisien
C’était un petit jardin
Avec une table et une chaise de jardin
Avec deux arbres, un pommier et un sapin
Au fond d’une cour à la Chaussée-d’Antin
Mais un jour près du jardin
Passa un homme qui au revers de son veston
Portait une fleur de béton.

L’implosion aura-t-elle lieu à une heure précise ?
Bien qu’on n’en sache encore pas le jour. Peut-être a-t-elle déjà eu lieu. Tout est désormais question d’espace et de temps.
Nous sommes tous morts, certains se sont inventé un paradis, d’autres un enfer, les hésitants un purgatoire, un no man’s land.

David Lynch est mort, bon.
Il était né un 20 janvier, moi le 29... ça fait peur. JANVIER.
Et alors.
Il est mort.
Paix à son âme.
Que peut-on dire de plus qui ne soit pas totalement obscène.
Tous ces charognards qui profitent des morts célèbres m’exaspèrent. D’ailleurs "mort célèbre", c’est illogique. La mort a pour vocation la remise à niveau, le plein d’huile, et nettoyer le pare-brise. De quoi ? Y a presque plus un insecte volant la nuit. Donc oui, des gens célèbres, des vivants, perdent la vie.

Comme tout un tas de gens, en fait. Notamment à Gaza, en Ukraine, en Russie, à Vienne, et aussi dans un ou deux taudis à deux pas de chez moi. Moi-même, je ne suis plus très sûr d’être vivant.

Peut-être que tout est une farce.
On meurt. Le rideau retombe, de l’autre côté on allume un clope et tout continue comme avant.