Trouvé les deux tomes Pléiade des œuvres complètes de Nerval. Mais le formatage du document numérique n’est pas terrible. J’ai revérifié le document original dans Foliate, il n’était déjà pas terrible, le convertir en Epub via Calibre n’a rien amélioré. Ce qui provoque des efforts de déchiffrage car les lettres de certains mots sont en désordre. Mais pour ce que je veux en faire ça n’a pas trop d’importance. J’utilise le CTRL F et je pioche au hasard. Répéter le mot terrible deux fois, trois avec celle-ci.

Il faut un désabusement formidable vis à vis de toute fiction telle qu’elle nous est brandie, avec son cortège d’implémentations moralisatrices, religieuses, philosophiques, scientifiques, raisonnables en fin de compte, tellement raisonnables, pour qu’on ait envie de se détourner de toute fiction de ce tonneau là. Cependant ce que l’on fabrique en désirant la contrer est aussi une fiction à n’en pas douter. Une fiction à notre convenance ?

La vérité est une fiction d’une fiction.

Ces moments que l’on peut à tort considérer comme du désespoir quand on est jeune ne sont rien à côté de cette sorte d’indifférence envers toute forme de désespoir apportée par l’âge, la déception d’avoir vu une vie s’écouler aussi rapidement que se vide une baignoire. C’est une indifférence nécessaire, car si on commence à s’écouter on sait d’avance qu’on n’entendra plus que ça de la journée. Cela viendra de toutes les bouches de toutes les lèvres, de tous les regards, de tous les murs.

Comment vous qui fûtes un dieu immortel, vous vous seriez donc réincarné en humain, mazette, quelle foutue chute, c’est ce que vous disiez hier encore. La chute la seule c’est tout simplement ça. L’orgueil même celui des dieux ne vaut pas tripette pour l’impassible étoile. C’est simplement une affaire de temps. On n’a pas le temps de trop s’appesantir qu’il est déjà temps de repartir.

C’est pour cela que les véritables choses il ne faut jamais les dire, pour se donner une chance de futur. Je peux parler en connaissance de cause, j’en ai tellement dit, mais ce n’était rien, un nuage d’encre et pffuittt la pieuvre a déjà déménagée.

Lire Nerval est bien charmant comme désuet, comme Lovecraft, comme beaucoup d’autres des temps anciens. C’est l’astuce que l’ironie a trouvée pour qu’on ne les lise pas justement. Leur style nous extirpe d’une facilité de langage comme d’un pensée confortable. Alors que tout est déjà là écrit noir sur blanc. Et, bien sûr on croit qu’on va dire quelque chose de différent, mais c’est la même chose, et souvent accompagné des puanteurs des exhalaisons de l’air du temps. A quel niveau s’abaisser vraiment pour passer sous la mitraille, survivre à cela. Un bon refuge serait la poésie bien sûr. Et soudain j’entends la voix de la doublure de Stephen King évoquant la poésie brumeuse de ses camarades d’université, et bien évidemment, j’ai des frissons dans le dos.

On peut s’hypnotiser tout seul avec des mots, puis le réveil sonne, la baignoire est vide.